Pour ma part, je tiens à souligner que nous sommes ici à un moment important non seulement du débat, mais aussi, je le pense, de la nécessaire prise en considération des principes du droit dans cette affaire.
J'indiquerai tout d'abord que je suis un partisan résolu de toutes mesures pouvant permettre, grâce au progrès scientifique, d'améliorer la prévention de la récidive, ainsi d'ailleurs que de limiter l'inflation de la population carcérale, ces deux aspects étant, nous le savons, liés.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire lors du débat sur la surveillance électronique, il apparaît clairement que mieux vaut être placé sous surveillance électronique fixe chez soi, hors de la prison, pendant un certain temps, que se trouver livré à la promiscuité que l'on constate dans certains établissements pénitentiaires, notamment dans les maisons d'arrêt.
Par conséquent, la surveillance électronique fixe ne présente pas de difficultés quand elle est limitée à quelques heures, ses avantages étant au contraire évidents. Nous savons d'ailleurs que ce dispositif a prospéré.
Toutefois, nous nous trouvons ici en présence d'un quasi-changement de nature. Ce n'est pas parce qu'il s'agit de surveillance électronique qu'il ne faut pas en mesurer les conséquences pour la personne qui y sera soumise de manière constante par le port du bracelet. C'est en effet de façon permanente, y compris la nuit, et non plus pour quelques heures passées au domicile, que celui qui aura été amené à accepter - utilisons cette litote - le port du bracelet électronique se trouvera placé sous surveillance.
Je demande à chacun d'entre vous, mes chers collègues, d'essayer d'imaginer ce que cela peut représenter sur le plan psychologique : la personne concernée portera en permanence le bracelet électronique, elle ne pourra le retirer pour dormir, elle perdra toute intimité, elle portera à tout moment, plus ou moins ostensiblement, la preuve qu'elle est un condamné pour crime sexuel que l'on tient sous haute surveillance.
Nous rencontrons donc là des problèmes qui sont, à ma connaissance, sans précédent dans notre droit, puisque l'on n'a jamais eu recours, jusqu'à présent, à de tels procédés. Il existe des impératifs, correspondant à des valeurs de nos sociétés, qui s'appellent le respect de la dignité de la personne humaine, le droit à l'intimité, fût-ce pour un criminel condamné, que l'on essaie d'ailleurs aujourd'hui de garantir dans les prisons centrales.
Or le risque est évident, comme l'ont souligné des psychiatres lors de leur audition par la commission des lois, que, très rapidement, une telle surveillance constante, car c'est bien de cela qu'il s'agit, n'emporte pour ceux qui y seront soumis certaines conséquences, que l'on n'est pas à même de véritablement prévoir et qui pourraient d'ailleurs, contrairement à ce que nous espérons, se révéler sources de dangerosité et de récidive. L'être humain est plus complexe que ne semblent souvent le croire les juristes !
Dans cette situation, considérons les expériences étrangères. Je suis frappé d'une chose : si la haute technologie de surveillance prospère non seulement dans tous les Etats occidentaux développés, mais aussi, croyez-le bien, au Japon et dans certains autres pays d'Extrême-Orient, on relève nettement, dans ces Etats qui connaissent tous des problèmes en matière de récidive, une forme de retrait, sauf aux Etats-Unis - encore ces techniques n'y sont-elles pas partout utilisées -, et plus particulièrement en Floride, laquelle ne m'est jamais apparue comme un modèle judiciaire à suivre à aucun égard, étant donné sa grande pratique de la peine de mort, ainsi que son taux d'incarcération, qui est quatorze fois supérieur au nôtre.
Tournant mon regard vers le continent européen, je voudrais donner en exemple l'approche britannique.