Monsieur le garde des sceaux, au cours de cette deuxième lecture au Sénat, vos réponses et vos interventions auront tout particulièrement mis en évidence que cette proposition de loi devait absolument montrer à l'opinion que le Gouvernement et sa majorité n'étaient pas laxistes. Pour ce faire, il a donc fallu augmenter l'arsenal répressif ! Ce choix d'un affichage politique a été propice à une surenchère et à une démesure comme jamais cela ne s'était vu à l'Assemblée nationale.
En première lecture, le Sénat avait bien essayé de mettre un frein à l'emballement des députés en supprimant la majeure partie des articles de la proposition de loi, notamment ceux qui étaient relatifs à la limitation du crédit de réduction de peine, au fichier des irresponsables pénaux ou au bracelet électronique permanent.
La proposition de loi est axée sur le placement sous surveillance électronique, véritable double peine infligée au condamné après sa peine privative de liberté, et l'allongement de la durée d'emprisonnement. Dans ce dernier cas, les députés n'ont pas fait dans la demi-mesure : ils ont allongé la période de sûreté ainsi que la durée d'épreuve à accomplir avant de pouvoir demander une libération conditionnelle, ils ont restreint le droit à la suspension de peine pour les détenus dont le pronostic vital est engagé ou, encore, ils ont augmenté la durée de la détention provisoire pour les mineurs.
Le Gouvernement et sa majorité ont joué bien maladroitement avec les chiffres et sciemment ignoré les recommandations avisées des professionnels judiciaires et pénitentiaires en matière de prévention de la récidive.
La manipulation de l'opinion est constante. Monsieur le garde des sceaux, comment avez-vous pu déclarer sans aucun scrupule, comme vous l'avez fait en introduction de votre intervention dans la discussion générale, que les récidivistes étaient aujourd'hui considérés comme des primo-délinquants et que cette situation devait changer ? Mais relisez donc le code pénal !
De même, il est assez incroyable de dire sans ciller que les textes actuels sont insuffisants, voire inexistants pour prévenir la récidive des grands criminels.
Monsieur le garde des sceaux, la répression existe. Hélas ! elle ne prévient pas totalement la récidive, qui, je le répète, est l'échec du sens de la peine.
En revanche, rien n'est prévu afin d'augmenter les moyens des services pénitenciers d'insertion et de probation ainsi que le nombre de psychiatres. Aucune mesure n'est sérieusement envisagée afin de réduire de manière drastique le nombre de détenus, alors que les prisons sont au bord de l'explosion et représentent à ce titre un facteur important de récidive.
Le bracelet électronique est présenté comme la solution miracle. Quelle illusion ! Le garde des sceaux le reconnaît lui-même : le bracelet alertera les autorités si la personne se rend dans un endroit qui lui est interdit et, lorsqu'un crime sera commis, il permettra de savoir si la personne se trouvait sur les lieux. En résumé, il faudra attendre la commission de l'infraction pour pouvoir arrêter le présumé récidiviste. C'est une drôle de conception de la lutte contre la récidive !
Bref, après l'acceptation par la majorité d'une bonne partie des dispositions que les députés ont réintroduites, voire ajoutées au texte adopté en première lecture au Sénat, le texte est devenu une aberration pénale complètement contre-productive, voire même dangereuse, en matière de récidive.
Pour toutes ces raisons, nous voterons résolument contre la proposition de loi.