Certainement, monsieur le rapporteur général !
Nous allons donc pouvoir nous exprimer sur un sujet éminemment politique, peu de temps avant l'examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Ce sujet est, à l'évidence, éminemment politique dans la mesure où étudier le niveau des prélèvements obligatoires revient à mesurer le poids de la fiscalité sur les forces vives de notre pays. Choisir d'en infléchir ou d'en augmenter le taux devrait répondre à une volonté politique, à un projet économique et à un objectif de compétitivité fiscale. Malheureusement, il ne répond plus qu'à la nécessité de couvrir les dépenses de l'Etat !
Qu'est-ce que cela signifie aujourd'hui ? A quelle situation devons-nous faire face ?
Pour 2005, le niveau des prélèvements obligatoires atteint 43, 9 points de PIB. Pour 2006, si l'on accepte, messieurs les ministres, le taux de croissance optimiste de 2, 25 % que vous avez retenu - et nous souhaitons tous que, dans l'intérêt du pays, ce taux soit finalement constaté -, il devrait atteindre 44 points de PIB, ce qui nous place dans le peloton de tête, si j'ose dire, des pays industrialisés.
Cette captation de notre richesse nationale devient tout simplement insupportable. Pourtant, de façon très surprenante, personne ne semble s'en émouvoir !
Rappelez-vous, monsieur le ministre délégué au budget, avec quelle force, lorsque nous étions dans l'opposition, nous dénoncions ensemble devant la commission des finances de l'Assemblée nationale les taux trop élevés et, surtout, leur augmentation !
Le débat d'aujourd'hui paraît bien feutré et insuffisant au regard de la progression constante des prélèvements depuis quatre ans, progression qui a absorbé plus de la moitié de la croissance de notre économie pendant cette même période.
Je souhaite maintenant revenir sur la structure des prélèvements obligatoires et l'analyser. Je rappelle que les prélèvements obligatoires représentent la somme des impôts et cotisations sociales reçus par les administrations publiques d'Etat, les collectivités locales et les institutions européennes, déduction faite des impôts et cotisations dus non recouvrés.
Les derniers chiffres que nous possédons aujourd'hui sont ceux de 2004. Cette année-là, le taux des prélèvements obligatoires s'élevait à 43, 4 points de PIB. Sur ces 43, 4 points, 20, 5 points relevaient des organismes de sécurité sociale, 16, 3 points de l'Etat, 5, 3 points des collectivités locales, et seulement 0, 3 point de l'Union européenne.
Ces taux sont élevés en valeur absolue comme en valeur relative. La France continue en effet à enregistrer un niveau de prélèvements obligatoires supérieur à celui de ses partenaires européens ou de l'ensemble des pays de l'OCDE. Ce n'est toutefois pas, ici, le niveau de la dépense publique qui est condamnable, c'est son inefficacité.
Dans des pays comme la Suède ou le Danemark, le poids des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale est plus important qu'en France. L'efficacité des systèmes de protection sociale de ces deux pays y rend toutefois ces dépenses acceptables, d'autant que les salaires y sont plus élevés et les taux de chômage plus faibles.
Avec cette notion de l'efficacité des prélèvements obligatoires, nous touchons le coeur du problème. Si l'on s'intéresse à la partie « Etat » de ces prélèvements - 16, 3 % du PIB -, on ne peut s'exonérer d'un débat de fond sur l'efficacité de la dépense publique. Rappelons que notre budget connaît toujours un déficit primaire important. Bien que ce dernier, il faut le reconnaître, ait été réduit cette année, les dépenses des administrations publiques s'élèvent tout de même à 53, 5 milliards d'euros, pour des recettes limitées à 49, 8 milliards d'euros. Il est évident que ces administrations ne peuvent pas continuer à dépenser 20 % de plus que les recettes dont elles disposent.
D'une façon plus générale, c'est bien tout le système de dépenses des administrations publiques qu'il conviendrait de réformer. Vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre, nous sommes tous conscients du fait que les tâches de l'Etat ont changé et que d'importants gains de productivité sont à accomplir.
Alors qu'un important mouvement de départs en retraite se dessine à partir de 2005-2006, n'est-ce pas le moment de redéfinir clairement les besoins de la fonction publique et de redéployer celle-ci, en s'appuyant sur cet outil de gestion rationnel qu'est la LOLF, si tant est qu'on y prête une attention suffisante ?
La question de l'efficacité de la dépense publique doit également être posée en ce qui concerne les prélèvements sociaux ; il en a été largement question. Quand on constate que ces prélèvements constituent la plus grande partie des prélèvements obligatoires - ils en représenteront même plus de la moitié en 2006, soit une hausse de plus d'un point de PIB entre 2005 et 2006 -, on peut carrément parler d'une fuite en avant des dépenses sociales, que les dispositions de la loi portant réforme des retraites ou de la loi relative à l'assurance maladie n'ont guère réussi à maîtriser.
Monsieur le ministre, je suis désolé de vous contrarier, mais je ne crois pas que le chemin qui a été parcouru avec la loi portant réforme des retraites soit suffisant ; nous n'avons fait qu'une partie du chemin ! En tout cas, s'agissant de l'assurance maladie, on n'a toujours pas réussi à maîtriser les dépenses, même si les chiffres de fin d'année sont encourageants, et j'en suis heureux.
Notre système de santé appelle d'indispensables et profondes réformes de structure pour faire face au problème de financement que connaît actuellement la sécurité sociale, et qui concerne désormais toutes ses branches, y compris maintenant la branche vieillesse ; on semble découvrir la fuite en avant et le départ à la retraite de la génération du baby-boom..
Les prélèvements sociaux ne sont plus en mesure de répondre aux besoins des Français, lesquels continueront de progresser avec l'allongement de la durée de la vie et l'amélioration de l'efficacité des soins, ces derniers devenant de plus en plus onéreux. Je ne reviendrai pas sur le débat qui a eu lieu tout à l'heure avec M. Vasselle, qui est à la recherche, semble-t-il, de recettes dynamiques. Je pense qu'il faudrait plutôt s'intéresser à la maîtrise des dépenses hospitalières, où il existe certainement des marges de manoeuvre.
Monsieur le ministre, le ministère de la santé lui-même fixe à plus 40 % le coût d'une opération équivalente entre l'hospitalisation publique et l'hospitalisation privée. Nous connaissons effectivement quelques raisons des dépenses indues payées par la sécurité sociale en matière de recherche, d'enseignement, mais peut-être conviendrait-il aussi de revoir le fonctionnement traditionnel de l'hôpital public.
La dépense publique n'est plus maîtrisée en matière sociale, je viens de le dire. Il serait temps de chercher de véritables solutions et d'arrêter d'avoir recours à d'inventifs montages d'ingénierie financière ; on l'a bien vu - le rapporteur général et le président de la commission des finances y ont fait allusion - avec ce que l'on a appelé « l'inventaire à la Prévert », qui est tout de même quelque chose d'assez inventif. Nous aurons l'occasion d'en reparler avec vos collègues, monsieur le ministre, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Ayant dressé un tableau un peu catastrophique, j'en suis désolé, mais réaliste de la situation, dans un esprit constructif, puisqu'on le demande souvent à notre famille politique, je vais tenter d'aborder un certain nombre de propositions, qui se recouperont d'ailleurs avec celles qui ont été faites jusqu'à présent par un certain nombre de nos collègues, et singulièrement par le président de la commission des finances.
En premier lieu, on doit se pencher sur une réforme en profondeur de notre système fiscal, notamment de la fiscalité directe, dont l'efficacité et la légitimité se sont peu à peu égarées dans une forêt de niches fiscales faisant croire, par l'illusion des taux nominaux, que nous avions le système le moins compétitif de tous les pays de l'OCDE.
Cela nous permettrait, comme le préconise le Conseil d'analyse économique dans le rapport de MM. Saint-Etienne et Le Cacheux, de passer d'un système reposant sur des bases étroites et des taux élevés à un système reposant sur des bases larges et des taux faibles.
Derrière ce volet technique, une réflexion de fond doit être menée. Je le répète, et nous le répétons souvent au groupe Union centriste-UDF, arrêtons de faire peser sur la production tout notre système de protection sociale. En effet, si accidents du travail, assurance chômage et, dans une certaine mesure, assurance vieillesse relèvent de la taxation des entreprises et des salariés puisqu'ils y sont directement liés, en revanche, maladie et famille - je reprends là ce que nous a dit le président Jean Arthuis - doivent relever de la solidarité nationale. Aujourd'hui, tout repose sur le travail. Or n'est-ce pas une contradiction au moment où celui-ci devient rare et cher ?
C'est dans ce contexte que l'UDF souhaite explorer le principe de la TVA sociale. Ce sujet mérite qu'on y réfléchisse, car il a l'avantage de faire contribuer les importations à la protection sociale des pays qui pratiquent le dumping social.
Je tiens à rappeler au passage qu'aujourd'hui un point de TVA correspond grosso modo à 5, 5 milliards d'euros de recettes.
Sur ce point, j'ouvrirai ici une parenthèse concernant l'inventaire à la Prévert dont je parlais tout à l'heure, et qui vise à trouver de nouvelles recettes pour le financement de la sécurité sociale.
Au premier rang de cet inventaire, on retrouve la taxe sur les salaires, ce qui revient à la pérenniser. Tout à l'heure, vous avez dit, monsieur le ministre délégué au budget, que le premier contributeur était l'hôpital. Nous brocardons d'ailleurs d'autres secteurs qui en bénéficient, si j'ose dire : la banque et l'assurance. Vous qui êtes un élu d'Ile-de-France, vous savez combien d'emplois ces secteurs représentent dans notre région ; c'est largement supérieur à l'industrie automobile, et il est important qu'ils ne souffrent pas de distorsion de concurrence par rapport aux autres pays européens.
De la même façon, mais c'est un autre sujet, comment voulez-vous donner confiance au secteur financier français, dont dépend l'équilibre de nos finances publiques, alors que vous effectuez un « casse » - pardonnez le mot - sur le fonds de garantie de l'accession sociale, le FGAS, ou sur les plans d'épargne logement ? Là aussi, nous aurons l'occasion d'en rediscuter.
Monsieur le ministre, c'est dans ce contexte, avec toutes les interrogations mais aussi les solutions que nous venons de vous livrer, que nous comptons aborder l'examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. Nous serons à votre écoute ; j'espère que vous serez à la nôtre.