Les chiffres sont sans ambiguïté : neuf conseillers généraux sur dix sont des hommes, le taux exact de femmes dans les conseils généraux s'établissant à 10, 9 %. C'est pourquoi Mme Catherine Troendle, dans son rapport d'information fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, souligne que les conseils généraux constituent « le maillon faible de la représentation politique des femmes ».
Dans le cadre départemental, la loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives du 6 juin 2000 n'a fait évoluer la situation que très faiblement. Auparavant, on dénombrait 8, 6 % de femmes au sein des conseils généraux. Aujourd'hui, le Gouvernement propose un dispositif inqualifiable, tant il va à l'encontre des dispositions de cette loi.
Ainsi, selon vous, madame la ministre, monsieur le ministre, il faut instituer des suppléants pour les conseillers généraux dans le seul but de diminuer le nombre d'élections cantonales partielles !
Dans la très grande majorité des cas, les hommes resteront titulaires et prendront des femmes pour suppléantes. Pis encore, celles-ci ne pourront être conseillères générales qu'en cas de décès du titulaire !
Monsieur le rapporteur, il ne suffit pas d'être optimiste, comme vous l'avez dit tout à l'heure ; moi, je suis réaliste ! Attendre le décès d'un homme pour voir une femme accéder à un mandat électif... Peut-on imaginer une plus petite porte d'entrée, et cela au nom de la parité ?
Cette proposition me paraît bien cynique. On n'y retrouve pas la place que les femmes occupent dans la société, que ce soit dans la vie professionnelle - elles sont présentes dans l'enseignement, majoritaires dans la magistrature, de plus en plus nombreuses à être inscrites au Barreau, mais elles sont également, malheureusement, les plus concernées par le chômage -, dans les associations de parents d'élèves, dans les amicales de locataires, dans les associations humanitaires, dans l'assistance aux ascendants.
D'ailleurs, vous êtes obligés, messieurs, de reconnaître en privé que les femmes affrontent très souvent seules, dans cette société où tant de couples se défont, les difficultés pour éduquer leurs enfants, et ce au prix d'efforts incroyables.
Depuis la décentralisation, avec les compétences dévolues aux conseils généraux, les départements sont un échelon où se prennent un grand nombre de décisions. Il faut créer les collèges du futur - comme vient de le faire le Val-de-Marne à Vincennes -, organiser l'aide sociale, qui devient de plus en plus nécessaire, développer les transports - les femmes y sont intéressées au premier chef -, créer une vie culturelle et sportive, permettre aux handicapés d'exercer leurs droits, aider les personnes âgées à choisir le mode de vie qui leur convient. Et les femmes devraient être exclues de ces responsabilités et ne pourraient pas représenter les habitants de leur commune ou groupe de communes ?
S'il est une élection qu'il faut moderniser, c'est bien celle-là !
Toutes celles et tous ceux que nous avons auditionnés - personnalités, responsables d'associations ou responsables politiques - ont reconnu que le scrutin proportionnel était le seul moyen de faire élire des femmes, qui acquerront de fait une expérience formidable. Je le sais, pour avoir été longtemps conseillère générale. Il est évident que l'exercice de ce mandat prépare à d'autres responsabilités. Cela ne signifie pas pour autant que les femmes ne peuvent pas devenir directement parlementaires, par exemple.
Avec la parité dans les exécutifs municipaux, départementaux et régionaux, la disposition que vise à instaurer cet amendement constitue l'un des éléments essentiels pour juger la manière dont vous voulez faire avancer la parité. Il s'agit en effet d'élire les conseillers généraux à la représentation proportionnelle. C'est la seule façon de faire progresser la parité.
La délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a accompli un important travail dont rend compte son rapport d'information Une Étape nouvelle de la parité. D'ailleurs, Mme Gisèle Gautier, sa présidente, s'est présentée et fait élire sans l'accord de son parti, justement parce qu'elle était une femme. Je tiens à féliciter Catherine Troendle. Malheureusement, très peu des propositions de la délégation ont été reprises. Il manquait d'ailleurs une disposition essentielle dans les recommandations qui ont été proposées : le moyen d'assurer la parité aux élections du conseil général. C'est pourquoi Annie David et moi-même nous sommes abstenues de les voter.