Intervention de Jacques Legendre

Réunion du 5 décembre 2006 à 11h30
Loi de finances pour 2007 — Compte de concours financiers : accords monétaires internationaux

Photo de Jacques LegendreJacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le combat pour la langue française et la francophonie est un engagement essentiel. Il est au coeur du grand débat fondamental pour la sauvegarde de la diversité culturelle dans un monde qui se resserre et pour un dialogue des cultures, qui est le meilleur antidote aux tentations communautaristes et au repli sur soi. Il est également un élément de la présence de la France dans le monde.

Je me réjouis donc que le débat budgétaire nous fournisse chaque année l'occasion d'évoquer ce combat, même si je m'étonne que, par un caprice de l'architecture de la LOLF, ce soit à l'occasion de l'examen des crédits de la mission « Aide publique au développement ».

Notre contribution statutaire à l'Organisation internationale de la francophonie, l'OIF, atteint 12 millions d'euros et notre participation au Fonds multilatéral unique est reconduite, comme vous l'avez confirmé en commission, madame la ministre, à 55 millions d'euros, ce qui permet le financement de quatre des cinq opérateurs de la francophonie. Ce niveau est globalement satisfaisant, à deux réserves près.

Tout d'abord, le budget ne consacre que 9, 2 millions d'euros au financement de bourses de mobilité, alors que, conformément au plan de relance de Beyrouth, elles bénéficiaient jusqu'alors de 10 millions d'euros. Envisagez-vous, madame la ministre, de compléter cette enveloppe en procédant par redéploiements ?

Ensuite, la mise en réserve de 5 % des crédits est, je le sais, une règle systématique. Mais, faut-il aussi l'appliquer aux contributions que la France s'est engagée, sur le plan international, à verser dans leur intégralité ? Le respect de la parole de la France ne mérite-t-il pas une exception à cette sacro-sainte règle budgétaire ?

J'évoquerai maintenant la subvention accordée à TV 5, le cinquième opérateur de la francophonie, même si elle est rattachée à une autre mission, la mission « Médias ». La hausse de ses crédits à hauteur de 4, 4 % paraît modeste au regard de l'ambitieux programme de développement qui lui est assigné pour les années 2006-2009.

Nous ne devons pas ménager nos efforts pour défendre la place que TV 5 a su conquérir dans le monde très concurrentiel de l'audiovisuel international grâce au soutien prééminent de la France. Les vicissitudes qui ont marqué, il y a peu, la diffusion de TV 5 en Roumanie, pays de tradition francophone et qui vient d'accueillir le sommet de la francophonie, témoignent des menaces auxquelles la chaîne doit faire face pour conforter sa diffusion.

À l'occasion du sommet de Bucarest, que je viens d'évoquer, de nouveaux membres se sont joints à l'OIF. Je ne méconnais pas l'intérêt politique que représente un élargissement de la francophonie à de nouveaux États, notamment européens, mais j'estime que celui-ci ne doit pas se payer au prix d'une dilution de l'engagement pour la langue française, qui rabaisserait l'OIF à une simple « ONU du pauvre ». Il faut donner une définition plus précise des droits et des obligations attachés aux différentes situations statutaires - celle d'observateur de membre associé ou de membre à part entière - et veiller à leur strict respect.

Deux accords internationaux me paraissent incarner les forces et les faiblesses de notre combat pour la diversité linguistique. L'adoption de la convention de l'UNESCO, l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture, sur la diversité culturelle par 148 voix contre 2 est un incontestable succès. Pourriez-vous nous donner, madame la ministre, des précisions sur sa ratification par la France et par l'Union européenne, ainsi que sur son entrée en vigueur, qui sont, semble-t-il, l'une et l'autre imminentes ?

J'ai toujours à l'esprit, madame la ministre, la déclaration du président Georges Pompidou qui affirmait : « Si nous reculons sur notre langue, nous serons emportés purement et simplement. » N'oublions pas ses paroles, car la réforme du protocole de Londres sur le brevet européen me semble constituer une régression préoccupante.

Je me suis alarmé, à plusieurs reprises déjà, à propos des inconvénients d'un tel texte, car des titres juridiques partiellement rédigés dans une langue étrangère pourraient créer, en France, des obligations. En le ratifiant, nous donnerions, sur le plan international, un signal contradictoire avec notre engagement en faveur du multilinguisme. Je souhaite que le Gouvernement se préoccupe de cette question.

S'agissant de la défense de la langue française en France, je souhaite rappeler que le Sénat a adopté, le 10 novembre 2005, à l'unanimité, une proposition de loi d'origine sénatoriale visant à actualiser la loi Toubon, notamment dans le domaine des relations du travail.

Nous percevons aujourd'hui, mieux qu'en 1994, à quel point l'entreprise et le monde du travail constituent un enjeu essentiel pour la préservation du rôle du français. La récente fusion entre Alcatel et Lucent, annoncée à Paris, en anglais, fournit une nouvelle illustration du préjugé exprimé par certaines élites, selon lequel un groupe international s'exprimerait nécessairement et uniquement en anglais, même si le plus important des protagonistes est Français et si ses représentants sont majoritaires dans le nouveau conseil d'administration. Il n'existe pas de langue de l'entreprise ; il y a une langue des salariés de l'entreprise, une langue des dirigeants de l'entreprise et une langue des clients de l'entreprise.

J'invite donc le Gouvernement à inscrire, sans tarder, la discussion de cette proposition de loi à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale.

Au bénéfice de ces observations, la commission des affaires culturelles vous propose d'adopter les crédits de la mission « Aide publique au développement », tout particulièrement ceux de la francophonie.

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