Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 28 juin 1999, à Versailles, intervenant au nom du groupe communiste républicain et citoyen, j'avais la joie de tenir les propos suivants : « Aujourd'hui, nous sommes des représentants de la nation investis d'une grande mission : celle de placer l'entrée de la France dans le troisième millénaire sous les auspices d'une nouvelle modernité, d'une nouvelle avancée historique, avec l'inscription dans notre Constitution de l'exigence de l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités de la vie publique. »
À travers la parité se refonde l'universalité, qui ne se décline plus sur une seule composante, le masculin, mais sur deux composantes, le féminin et le masculin. Le genre humain n'a d'identité et de destinée hors de cette double et irréductible essence.
Ponctuant la marche vers l'égalité, qui a été longue, toutes ces femmes écrivains, intellectuelles, personnalités marquantes des sciences, de la culture, du sport, résistantes, femmes ouvrières animatrices de grandes luttes, femmes engagées sur le terrain dans le mouvement associatif, social et familial, par leurs réflexions, leurs écrits, leur exemplarité, par leurs élans, leurs révoltes, leur audace, leur générosité, ont fait progresser les consciences, les idées.
Il n'était plus possible d'attendre l'évolution spontanée des mentalités et des comportements, et nous avons encore vu aujourd'hui combien il restait à faire ! Il fallait une démarche volontariste, un acte solennel, constitué par l'ajout constitutionnel.
Notre groupe était convaincu que les changements institutionnels et les droits publics sont le résultat de combats et de ruptures - nous aussi, monsieur le ministre, nous avons des « ruptures » ! - et nous nous promettions d'être vigilants, attentifs et volontaires pour faire vivre dans les faits et dans les lois à venir cette réforme la Constitution.
Cette avancée qui a marqué notre siècle - je rappelle que la France est le premier pays à avoir voté une loi sur la parité - a aussi été le résultat d'une longue lutte des femmes au Sénat.
Le samedi 8 mars 1997, Journée internationale de la femme, lors d'un « mini-sommet » à Matignon avec sept ministre, M. Alain Juppé avait déclaré attendre les conclusions de la mission sénatoriale, dont la création avait été acquise de haute lutte auprès du président du Sénat d'alors, M. Monory, et dont les conclusions devaient être rendues en juin.
Pour M. Juppé, il était question soit d'instaurer des quotas, soit d'inscrire un article dans la Constitution sur l'égal accès des femmes à la vie publique. La lutte des femmes a fait pencher la balance dans le sens de la modification constitutionnelle.
En effet, un congrès international des femmes avait eu lieu à Pékin, où notre groupe avait délégué Michelle Demessine. C'est là que ce concept a pris corps, et c'est au retour de notre collègue qu'avec toutes les femmes sénatrices nous avons demandé une entrevue au président Monory pour constituer la mission sur la place et le rôle des femmes dans la vie publique.
Cette mission, dont, je le répète, la création fut très difficile à obtenir, constitua une « première ». Présidée par Nelly Olin - ma candidature ne fut pas retenue -, elle eut pour rapporteur M. Richert et a duré de mars à juillet 1997.
Notre initiative a été saluée. Elle a beaucoup contribué par la suite à créer les conditions de la rencontre intitulée « Pour réussir la parité », qui s'est tenue en janvier 1999 et qui nous a permis de réunir, avec mon amie Nicole Borvo Cohen-Seat, toutes les organisations de femmes. C'est aussi ce qui nous a permis de convaincre et, en quelque sorte, de contraindre les sénateurs qui ne voulaient pas d'une loi constitutionnelle.
Je rappelle ces faits, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour démontrer que le combat pour la parité n'est pas terminé : nous sommes encore aujourd'hui au 21e rang de l'Europe, derrière l'Espagne et la Grèce.
Autre preuve de ce que le combat n'est pas terminé, on ne peut faire entrer les femmes dans les conseils généraux qu'en catimini et, au rythme où vont les choses, il n'est pas près d'être terminé ! Mais, chaque année, nous gagnons un peu plus de terrain. Ainsi, la parité dans les exécutifs communaux et régionaux est un pas important, et nous allons engager les femmes à prendre toutes leurs responsabilités.
Le Président de la République avait cependant annoncé une vraie loi sur la parité. Malheureusement, le texte que nous venons d'examiner s'en tient au strict minimum, et l'avancée que nous voulions réaliser avec la parité dans les conseils généraux n'a pas été acceptée.
C'est pourquoi nous nous abstiendrons sur ce projet de loi, mais nous continuerons, soyez-en certains, ce combat que nous considérons comme juste et enthousiasmant !