Intervention de Brigitte Girardin

Réunion du 5 décembre 2006 à 15h00
Loi de finances pour 2007 — Compte de concours financiers : accords monétaires internationaux

Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, sous l'impulsion du Président de la République, l'aide publique au développement est, depuis cinq ans, une priorité du Gouvernement.

En effet, l'aide française est passée de 4, 7 milliards d'euros en 2001 à 9, 2 milliards d'euros en 2007, soit 0, 5 % de notre richesse nationale. Ces calculs, fondés sur les critères de l'OCDE qui sont appliqués par l'ensemble des bailleurs de fonds, ne sauraient prêter à polémique.

Nous avons ainsi quasiment doublé les crédits alors même que nous étions engagés dans le redressement de nos finances publiques. Mais cet effort correspond aux souhaits de nos compatriotes puisque, selon un récent sondage, 61 % des Français considèrent qu'il convient d'augmenter l'aide aux pays les plus pauvres, y compris dans un contexte de difficultés budgétaires.

Les encouragements que plusieurs intervenants m'ont adressés ce matin le prouvent, cet objectif est partagé.

Sur la période comprise entre 2002 et 2007, l'augmentation de l'aide française concerne toutes ses composantes. Ainsi, les crédits du ministère des affaires étrangères consacrés à l'aide au développement seront passés de 1, 7 milliard d'euros en 2002 à 2, 5 milliards d'euros en 2007. Nous sommes donc loin de la « hausse fictive » que certains évoquent.

Bien entendu, comme l'ont souligné plusieurs d'entre vous, l'intégralité de l'aide apportée par la France aux pays pauvres - elle est détaillée dans le document de politique transversale - n'est pas inscrite au budget de la mission « Aide publique au développement ». Je pense en particulier à l'action des collectivités locales, qui a naturellement été mentionnée par plusieurs orateurs, représente environ 50 millions d'euros. Ce chiffre repose, monsieur Dauge, sur les déclarations de ces mêmes collectivités.

Je tiens tout d'abord à souligner que l'objectif de 0, 5 % sera atteint en 2007 sans que soit prise en compte la contribution de solidarité sur les billets d'avion que vous avez adoptée l'an dernier.

Il sera atteint sans retenir non plus les allégements de dette. Nous prévoyons que ceux-ci passeront de 2, 8 milliards d'euros en 2006 à 2 milliards d'euros en 2007, chiffre qui ne me paraît pas irréaliste. Ces prévisions intègrent, par exemple, l'annulation de dette de la République Démocratique du Congo. Compte tenu de la situation politique que connaît actuellement ce pays, cela ne me semble pas déraisonnable.

Enfin, cet objectif sera atteint sans prendre en compte les nombreuses politiques publiques conduisant à des transferts en faveur des pays du Sud qui ne sont pas comptabilisés dans l'aide.

Ainsi, les 110 millions d'euros supplémentaires qui seront attribués aux anciens combattants ou encore les déductions d'impôt dont bénéficient les donateurs aux organisations non gouvernementales, sujet qu'a évoqué votre rapporteur spécial, n'entrent pas dans nos déclarations à l'OCDE.

Monsieur Charasse, madame Cerisier-ben Guiga, je rappelle que l'« écolage », autrement dit l'accueil gratuit d'étudiants étrangers en France, est une caractéristique de notre système universitaire, et je souhaiterais que l'on se garde de toute polémique en la matière, car s'il est vrai que le nombre d'étudiants étrangers a fortement augmenté en France ces dernières années, c'est à la suite d'une politique menée de manière constante au cours des deux dernières législatures. J'y vois la preuve d'un consensus politique au sein de notre pays.

Madame Brisepierre, concernant l'inscription des crédits de coopération culturelle sur plusieurs programmes, je souhaite vous préciser que trois raisons justifient la classification retenue selon le critère géographique.

Premièrement, le regroupement des crédits de l'aide au développement permet d'assurer une cohérence avec le chiffre que nous déclarons à l'OCDE. Cela correspond à une demande constante du Parlement. Je note que, ces dernières années, la dispersion de nos crédits d'aide a été critiquée pas moins de deux cent soixante-huit fois au Sénat.

Deuxièmement, cette classification concrétise la conception française selon laquelle la coopération culturelle concourt au développement. Le soutien à des bibliothèques ou la promotion d'artistes locaux, par exemple, constituent des facteurs importants de développement économique et d'identité des pays aidés.

Au demeurant, les productions artistiques représentent souvent une ressource économique directe pour les pays concernés : on estime que l'Afrique exporte plus de produits culturels que de coton.

J'ajoute que cette vision française du développement est de plus en plus partagée sur le plan international. Nous nous sommes ainsi engagés à développer ce type de coopération à l'occasion de la récente signature de la convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

Troisièmement, cette classification nous permet d'être plus efficaces sur le terrain. De nombreux projets français comportent, de manière concomitante, une dimension de formation d'enseignants et une dimension de soutien à l'environnement francophone ; or il n'est pas toujours possible de distinguer ce qui relève de la politique d'influence de ce qui relève de la politique d'appui à la réduction de la pauvreté.

Bien entendu, au-delà des engagements chiffrés, le Gouvernement a également à coeur de rendre cette aide plus efficace. Qu'entend-on par efficacité ? Le document de politique transversale que vous avez reçu le rappelle, il s'agit de viser deux objectifs fondamentaux : mettre en oeuvre les objectifs du Millénaire adoptés par les Nations Unies, qui visent à réduire la pauvreté de moitié dans le monde d'ici à 2015, et promouvoir le développement à travers les idées et le savoir-faire français.

Ce second objectif, qui relève de l'influence de notre pays, ne saurait être oublié. Il y va, comme le dit Mme Brisepierre dans son rapport, de notre crédibilité de bailleur. En effet, il est absolument nécessaire, lorsqu'on demande aux contribuables français de consacrer des sommes importantes à des dépenses réalisées en faveur de pays étrangers, de souligner que notre pays n'oublie pas ses propres intérêts.

Ainsi, Il n'est pas acceptable que les Français qui ont cotisé à des caisses de retraite africaines ne perçoivent pas le juste fruit de leur travail. C'est pourquoi, madame Brisepierre, monsieur Del Picchia, je serai particulièrement vigilante au respect des droits des retraités français dans les pays concernés.

Monsieur Del Picchia, s'agissant du Congo-Brazzaville, l'appel d'offres nécessaire au choix d'un cabinet de consultant en est à sa phase finale puisque les plis ont été ouverts hier. Par ailleurs, je veillerai à ce que la question des retraites soit traitée lors de la négociation du document-cadre de partenariat avec le Congo.

S'agissant du Gabon, dans la perspective de la commission mixte des 20 et 21 décembre, notre consulat a recensé 350 dossiers litigieux.

Aider sans oublier nos propres intérêts est un principe qui sous-tend aussi notre politique de promotion de la francophonie. Comme le souligne fort justement M. Legendre, il n'y a jamais eu autant de personnes pratiquant le français, en première ou en seconde langue.

Sortons de ce pessimisme constant dans lequel trop de nos concitoyens se complaisent. J'entends en permanence dire que notre langue se porte mal. Et pourtant, combien se sont félicités que, voilà quelques semaines, le prix Goncourt et le prix Renaudot aient été tous deux décernés à des écrivains francophones originaires non pas de France, mais des États-Unis et du Congo ?

L'aide que nous octroyons aux pays en développement contribue au rayonnement de la langue française.

Quant à la dimension économique de la francophonie, monsieur Legendre, elle est un souci permanent de l'OIF, l'Organisation internationale de la francophonie. Pour ma part, j'ai souhaité que notre politique de relance du français comporte un volet lié à nos entreprises. C'est ainsi que mon ministère, en liaison avec la chambre de commerce et d'industrie de Paris, a lancé une campagne, intitulée « Oui, je parle français », qui a connu un réel retentissement médiatique et que nous allons amplifier.

Monsieur Legendre, vous m'interrogez également sur le processus de ratification de la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. À ce jour, vingt et un États, dont quatorze sont membres de l'OIF, ont déposé leurs instruments de ratification auprès de l'UNESCO. Onze États, dont cinq membres de l'OIF, ont achevé leur procédure interne et sont donc prêts à déposer leurs instruments. La Communauté européenne et ses États membres déposeront leurs instruments de ratification au plus tard le 19 décembre ; six États membres, dont la France, ont déjà achevé leur procédure.

Je ne reviendrai pas sur la réforme de notre dispositif de coopération ; je vous l'avais décrite l'an dernier. Je voudrais simplement souligner qu'elle a permis des avancées importantes, et très attendues, en matière de pilotage stratégique et de lisibilité de notre aide. Monsieur Pelletier comme vous le souhaitez, elle a aussi permis une meilleure coordination avec tous nos partenaires, en particulier européens.

Ainsi, j'ai signé depuis septembre 2005 vingt-quatre documents-cadres de partenariat, les DCP, qui constituent de véritables plans d'action conclus sur cinq ans entre la France et les pays que nous aidons. Ces documents permettent de concentrer notre aide pour la rendre plus efficace et plus visible.

Ils permettent également de la rendre plus prévisible sur le moyen terme. Mais cela doit se faire de manière souple. C'est pourquoi j'ai demandé à nos ambassadeurs, qui sont en charge de la négociation et du suivi de l'application de ces DCP, d'en réaliser une revue annuelle.

Afin d'améliorer la visibilité de notre aide sur le terrain, j'ai dévoilé, voilà quelques jours, un logo « rassembleur » pour toutes les actions de coopération menées à l'étranger par la France.

Permettez-moi de saisir l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui pour vous montrer ce logo.

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