Intervention de André Lejeune

Réunion du 5 décembre 2006 à 15h00
Loi de finances pour 2007 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de André LejeuneAndré Lejeune :

Bien évidemment, et cela ne vous surprendra pas, mes chers collègues, je ne puis souscrire à ces choix.

Aujourd'hui, les agriculteurs sont moroses. Ils s'interrogent et attendent des réponses que ce budget ne leur apportera pas.

Monsieur le ministre, à l'heure où une concurrence toujours plus vive s'exerce à l'échelle internationale et où l'Europe abandonne ses outils de régulation des marchés et d'orientation des productions, vous choisissez de diminuer la dotation globale des offices agricoles de 9 % par rapport à 2006, vous privant ainsi d'un instrument d'orientation et de structuration des filières.

La profession dans son ensemble ne s'y est pas trompée. La FNSEA, la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, et les chambres d'agriculture évoquent un « mauvais calcul pour l'avenir ». Elles constatent que les moyens alloués aux actions d'intervention et d'orientation diminuent de près de 20 % et que les crédits consacrés aux contrats de projet État - régions, qui sont en train d'être négociés - les agriculteurs réclament leur signature rapide -, seraient divisés par deux, paraît-il.

Monsieur le ministre, plus généralement, vous vous privez de tout outil de gestion des crises sectorielles ou climatiques, laissant les mécanismes d'assurance se charger de la régulation.

Dans le même temps, paradoxalement, vous consacrez peu de moyens à l'assurance récolte - six fois moins que l'Espagne, par exemple -, alors qu'il aurait fallu que l'État s'implique fortement dans le démarrage de ce dispositif. Si vous avez fait ce choix, il faut l'assumer !

En 2002, la nouvelle majorité s'est empressée de remplacer les contrats territoriaux d'exploitation, les CTE, par les contrats d'agriculture durable, les CAD, présentés comme une solution d'avenir. Or, aujourd'hui, vous ne leur consacrez plus que 78, 3 millions de crédits, ce qui empêche toute mise en place de nouveaux contrats et ne permet plus de financer les mesures « herbe » des CTE classiques.

En ce qui concerne les zones sensibles, la prime au maintien des systèmes d'élevage extensifs, la PMSEE, joue un rôle essentiel. Or les crédits de 260 millions d'euros annoncés ne permettront pas de satisfaire des besoins estimés à 330 millions d'euros. La profession demande que les surfaces engagées en mesures herbagères dans les CTE et les CAD soient prises en compte.

Quant aux indemnités compensatoires de handicaps naturels, les ICHN, le compte n'y est toujours pas ! Celles-ci sont pourtant vitales, non seulement pour les zones de montagne, mais aussi, j'y insiste, pour l'ensemble des zones défavorisées.

Pourtant, le 5 octobre dernier, à Cournon, en Auvergne, le Président de la République a rappelé l'importance de ces indemnités pour l'équilibre du territoire, et il a annoncé son intention de les revaloriser, avant 2007, de 50 % pour les vingt-cinq premiers hectares.

Une nouvelle fois, le but visé était sans doute seulement de faire grimper l'applaudimètre grâce à une promesse dont on savait à l'avance qu'elle ne coûterait pas cher puisqu'elle ne serait pas tenue !

Par ailleurs, les crédits destinés au plan de modernisation des bâtiments d'élevage ne sont pas à la hauteur des demandes. Les délais d'attente atteindront bientôt deux années et les 20 millions d'euros prévus en loi de finances rectificative ne seront pas suffisants pour rattraper le retard pris.

Ce retard risque d'ailleurs de priver les jeunes agriculteurs de la majoration qui leur est accordée pendant les cinq premières années de leur installation, alors qu'ils auront financé l'étude prévisionnelle. Aussi conviendrait-il que la date retenue soit celle du dépôt de la demande. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous vouliez bien m'apporter une réponse sur ce point.

Par ailleurs, la suppression des prêts bonifiés, à l'exception de ceux qui sont destinés aux jeunes agriculteurs, se révèle très pénalisante et inopportune au moment où se dessine une remontée des taux d'intérêt. Ces prêts constituent pourtant un appui indispensable à la modernisation des exploitations, et ils ont fait leurs preuves comme outils d'orientation.

Aucune ligne budgétaire n'est prévue pour les plans d'investissement, ce qui sera lourd de conséquences. Il est pourtant impératif que les plans en cours, plans d'amélioration matérielle et plans d'investissement, soient honorés jusqu'à leur terme.

Monsieur le ministre, vous venez de faire en direction des retraités agricoles un geste que j'approuve, même s'il semble plus guidé par des préoccupations électorales que par la volonté d'apporter une réponse adaptée aux besoins.

Ces retraites n'avaient bénéficié d'aucune augmentation durant les quatre dernières années, et nous sommes encore loin du compte ! Il reste beaucoup à faire pour la retraite complémentaire obligatoire des conjointes et des aides familiaux.

La situation du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles est dramatique, puisque celui-ci a cumulé 5, 3 milliards d'euros de déficit en trois ans. Là encore, le Gouvernement n'apporte aucune réponse.

En ce qui concerne la forêt, les crédits alloués aux actions « Gestion de la forêt » et « Prévention des risques » diminuent respectivement de 6 % et 5 %, alors qu'il conviendrait de consolider la filière bois.

L'enseignement public agricole est délaissé, alors qu'il réclame plus de moyens et de personnels pour répondre aux attentes des milliers de jeunes qui souhaitent se former aux carrières liées aux métiers de l'agriculture, de l'agro-alimentaire, de l'environnement et de l'espace rural.

Pour l'installation des jeunes agriculteurs, qui est de plus en plus difficile compte tenu du prix du foncier, les mesures que vous proposez ne sont pas suffisantes, monsieur le ministre. Les conditions nécessaires à l'obtention de la DJA n'évoluent pas, ce qui empêche nombre de jeunes de s'installer.

Je pourrais poursuivre l'énumération des actions insuffisamment dotées, telles que l'hydraulique, l'identification et la sélection des animaux, entre autres, mais je serais trop long. Mes collègues du groupe socialiste aborderont dans leurs interventions les questions que je n'ai pas évoquées ou que je n'ai fait qu'effleurer.

En résumé, ce budget n'est pas à la hauteur des enjeux et il manque d'ambition.

Monsieur le ministre, l'agriculture doit relever aujourd'hui un triple défi : alimentaire, environnemental et économique. Aussi, ce secteur mérite mieux que ce que vous lui proposez. Il exige, en particulier, une vision prospective dont je n'ai pas trouvé trace dans ce budget : les agriculteurs ont besoin de propositions qui préparent l'avenir, et notamment l'après 2013. La libéralisation croissante et l'abandon au marché dans un monde de plus en plus concurrentiel ne sont pas les solutions qu'ils attendent.

En conséquence, monsieur le ministre, le groupe socialiste ne votera pas ce budget.

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