Sur les 90 millions de mètres cubes produits chaque année, seuls 60 millions sont récoltés. Cette situation pourrait devenir périlleuse avec l'aggravation du réchauffement climatique. En effet, une forêt qui n'est pas exploitée et qui ne peut se régénérer est une forêt en péril. C'est pourquoi l'État doit s'engager plus fortement s'il veut mener une politique efficace d'un point de vue économique et environnemental.
Heureusement, après les six années de morosité consécutives à la tempête de 1999, le prix du bois connaît une hausse notable depuis 2005. Les premières ventes d'automne organisées par l'ONF ont confirmé cette tendance récente. Malgré tout, le bois reste le combustible le moins cher. Nous espérons que la politique fiscale incitative qui a été mise en place permettra la multiplication des chauffages au bois, notamment collectifs. À l'heure actuelle, notre parc, qui comprend environ 5 millions d'appareils, est peu performant. Je le rappelle, le bois, en tant que matériau, est meilleur marché et moins polluant que l'acier ou le plastique. Bref, la reprise du secteur de la construction et, notamment, l'envolée des coûts énergétiques devraient être autant d'éléments favorables à la reprise de l'activité de la filière bois.
Dans ce contexte, l'augmentation des crédits de paiement pour 2007 de l'action 1 « Développement économique de la filière forêt-bois » est une bonne nouvelle, même si les efforts budgétaires consentis sont souvent trop limités. Ainsi, la création d'un poste budgétaire « Promotion des initiatives collectives pour la valorisation de la biomasse » constitue une avancée dans la prise en compte des questions environnementales au niveau régional et national, mais la « noblesse » du principe risque d'être paralysée par la faiblesse des crédits qui y sont consacrés.
La reprise des cours du bois ne doit pas faire oublier la fragilité d'une filière qui reste peu rentable. Cette filière connaît un faible niveau d'intégration : en effet, la répartition des marges financières est trop importante sur toute la longueur de la chaîne de production et de commercialisation.
De plus, monsieur le ministre, certaines activités sont mises en difficulté du fait des politiques menées par votre gouvernement. Nous connaissons la crise que traverse, à l'heure actuelle, l'industrie papetière, qui est véritablement « étranglée » par le coût de sa facture énergétique. De même, la fermeture généralisée des gares de fret porte un coup très dur à la filière dans son ensemble, puisque seulement 58 % de l'accroissement naturel du bois est récolté.
D'un point de vue environnemental, les forêts françaises absorbent environ 7 % des gaz à effet de serre émis en France, soit 557 millions de tonnes de CO2. Le Plan national d'allocations des quotas devait inciter les opérateurs à transformer leurs chaufferies pour développer la consommation des énergies renouvelables comme le bois. Mais les variations de cours ont perturbé cette mécanique : le prix de la tonne de dioxyde de carbone a ainsi chuté de 23 euros à 13 euros. Les industriels ont en effet pléthore de quotas à vendre, les attributions faites par le ministère de l'industrie ayant été fort généreuses. On mesure donc les limites de la méthode. Peut-être faudra-t-il trouver des incitations plus judicieuses.
Je tiens, à présent, à revenir sur l'importance des missions de l'Office national des forêts, l'ONF, eu égard, notamment, à la lutte contre l'effet de serre.
Nous avions déjà souligné, au cours du débat sur le projet de loi d'orientation agricole, les dangers d'une prise de participation facilitée de l'ONF dans les sociétés privées. En janvier dernier, cinq syndicats s'étaient mobilisés pour dénoncer, d'abord, le désinvestissement de l'ONF en ce qui concerne l'accueil du public, ensuite, le projet de contrat de plan 2006-2007, qui, selon eux, accélère la course à la rentabilité, et, enfin, la baisse programmée des effectifs, laquelle varie entre 1 % et 3 % par an. Au regard de l'importance et de la diversité des missions de l'ONF pour l'ensemble de la population, nous tenons à réaffirmer que la « casse » de ce service public constitue une erreur pour l'avenir de nos forêts.
Par ailleurs, l'action 3 « Amélioration de la gestion et de l'organisation de la forêt » et l'action 4 « Prévention des risques et protection de la forêt » voient leurs crédits de paiement amputés respectivement de 6 % et de 5 %. La forêt privée représente 75 % de la surface totale et 4 millions de forestiers privés. Or, les services départementaux de l'État avaient annoncé aux syndicats des propriétaires forestiers et sylviculteurs l'arrêt de la politique menée par l'État depuis plus de cinquante ans pour constituer une ressource forestière de qualité, sous l'égide du Fonds forestier national. Celui-ci, supprimé en 1999, avait été relayé par le budget de l'État au titre de la reconstitution à la suite de la tempête de 1999.
Il est indispensable d'assurer la continuité de l'effort d'investissement forestier pour constituer une ressource forestière massive et pérenne. Les aides publiques en la matière doivent donc être préservées et pérennisées. Nous espérons que le ministère de l'agriculture prendra, comme il l'a d'ailleurs laissé entendre, les mesures nécessaires pour apporter une telle garantie.
Enfin, s'agissant de l'action 4, j'évoquerai plus particulièrement la politique de prévention des incendies de forêt, dans lesquels, chaque année, de nombreuses personnes et notamment des sapeurs-pompiers, perdent la vie. Année après année, l'État se désengage : les crédits affectés à la protection des forêts ont baissé de 10 % dans le projet de loi de finances pour 2005, tandis qu'une diminution importante des moyens financiers attribués au Conservatoire de la forêt méditerranéenne est constatée depuis plusieurs années. Ce désengagement est aggravé par une politique de décentralisation qui transfère des charges vers les collectivités territoriales dont le niveau d'investissement est loin de compenser les baisses enregistrées.
De plus, l'abandon d'une agriculture traditionnelle - pâturage en forêt, cultures coupe-feu -, l'extension des zones constructibles au détriment de l'espace naturel, qui se traduit notamment par un mitage du territoire, la stratégie de rentabilité financière de l'ONF, qui délaisse des secteurs de travail et d'exploitation des forêts, ainsi que la destruction d'un tissu industriel régional, notamment la filière bois, accroissent les risques d'incendies et diminuent les moyens de prévention.
Face à ces dangers majeurs, il faut donc rompre avec une politique engendrant un manque criant de moyens humains et matériels destinés à la lutte et à la prévention contre les incendies. C'est pourquoi nous déplorons que les crédits affectés à cette mission ne soient toujours pas à la hauteur des enjeux.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, les hausses de crédits en faveur des politiques de la pêche et de la forêt ne suffiront pas pour nous permettre de relever les défis économiques ou environnementaux à venir. De plus, nous désapprouvons un certain nombre de choix budgétaires, notamment, je l'ai dit, en ce qui concerne l'ONF. Vous comprendrez donc que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen s'opposent à l'adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».