… encore que ce ne soit pas dans les zones de non-droit que les gardes à vue soit les plus fréquentes.
Qu’en sera-t-il lorsqu’un couvre-feu pour les mineurs de moins de treize ans sera institué et que les mineurs contrevenants pourront être amenés, sur décision du préfet, au commissariat ?
Quoi qu’il en soit, nous sommes passés de la police de proximité à la police de statistique, soumise à la politique sécuritaire du chiffre. Et dire que l’on va jusqu’à invoquer la LOLF pour justifier ce règne de la statistique où il faut multiplier les « bâtons », si vous me permettez d’employer une expression répandue dans le métier, pour atteindre les objectifs !
De surcroît, la multiplication des lois dites « sécuritaires », calées sur l’exploitation des faits divers, est incompatible avec une bonne justice. C’est pourquoi nous nous réjouissons, madame le ministre d’État, de votre récente réponse au ministre de l’intérieur à ce sujet.
Nombre de policiers et de gendarmes s’insurgent eux-mêmes contre ce système, contraire à la bonne marche des services. En effet, les personnels - et le temps passé par eux à gérer cette machine infernale - ne peuvent être consacrés à d’autres tâches pourtant plus utiles à la sécurité publique, à laquelle nous sommes attachés tout comme vous.
Il ne convient pas de traiter la maladie par un remède homéopathique, ni de mettre l’édredon sur le dossier, contrairement à ce que lecture du rapport Léger pourrait laisser croire, rapport dont, me semble-t-il, certains des constats sont discutables et les préconisations dépassées.
La connaissance des grands dossiers et des affaires médiatiques ne suffit pas toujours à cerner la réalité de nos départements et de nos banlieues, en somme, la vraie réalité quotidienne du terrain.
Est-il bien raisonnable d’écrire, comme M. Léger, que l’augmentation des gardes à vue est en partie liée à l’augmentation de l’activité des services ? Que la pratique dominante est toutefois de ne pas placer en garde à vue pour des faits contraventionnels ni des délits pour lesquels aucune peine privative de liberté n’est encourue, de proposer une retenue judiciaire souvent préalable à la garde à vue ?
Ces dernières semaines, nous vivons le naufrage de la garde à vue. Les tribunaux de Bobigny, de Nancy et, à cinq reprises dans la seule journée du 28 janvier, le tribunal correctionnel de Paris, ont annulé des gardes à vue au motif du non-respect des droits de la défense.
Après un travail mené en collaboration avec le barreau de Paris et ses bâtonniers, j’ai donc déposé, avec plusieurs de me collègues du RDSE, une proposition de loi figurant à l’ordre du jour de cette assemblée à la date du 24 mars prochain. Ce texte vise à imposer la présence d’un avocat lors d’une audition immédiate, puis après chaque audition, comme il est d’usage dans pratiquement tous les pays européens.
De grâce, madame le ministre d’État, mes chers collègues, mettons un terme à cette méfiance épidermique pour le Barreau ! Les avocats sont, comme vous le savez, des auxiliaires de justice, liés par leur déontologie. De grands parlementaires ont rejoint cette profession, et votre prédécesseur y aspire.
Madame le ministre d’État, quelles sont vos intentions ? Allez-vous donner des instructions pour que, immédiatement, avant même l’indispensable réforme, un peu de raison revienne dans les gardes à vue et que cessent ces faits divers dont la presse encore ce matin se fait l’écho ?
Les membres de mon groupe ne sont pas de ceux qui préfèrent une injustice à un désordre. Ils ne sont pas non plus de ceux qui prêchent le laxisme. L’un d’entre nous, ancien ministre de l’intérieur, a su, en cette qualité, marier l’ordre et la liberté, dans son discours comme dans sa politique.
La République, pour nous, c’est la liberté et l’ordre. Nous connaissons votre sens de l’État et votre sens de l’humain. Les deux sont non seulement conciliables mais indispensables. En agissant vite, vous éviterez que ne se creuse davantage le fossé entre forces de l’ordre, justice et citoyens.
Madame le ministre d’État, restaurez les principes qui font l’honneur de la République ! Vous ne pouvez rêver d’un meilleur programme pour le ministre de la justice et des libertés.