Intervention de Gérard Bailly

Réunion du 5 décembre 2006 à 15h00
Loi de finances pour 2007 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Gérard BaillyGérard Bailly :

Monsieur le ministre, c'est un plaisir de vous voir de retour dans cet hémicycle pour nous présenter une nouvelle fois vos crédits. Laissez-moi vous dire que nous avons beaucoup apprécié votre action et votre efficacité au service de la politique agricole de notre pays toutes ces dernières années.

Au début de mon propos, je voudrais aborder deux thèmes qui concernent l'avenir.

En premier lieu, j'apprécie que vous ayez pour priorité de relever les défis économiques dans une Europe élargie soumise à la concurrence croissante de grands pays comme le Brésil ou la Chine et de réaffirmer l'importance de l'agriculture pour l'environnement et les territoires ruraux, qui doivent vivre en affrontant les exigences du monde actuel.

Nous voyons déjà combien la conjoncture mondiale joue sur le prix des céréales, nettement en hausse. En outre, quel sera l'avenir de nos producteurs de lait, inquiets de la baisse des prix ? Celle-ci est compensée en partie par les primes, il est vrai, mais les prix des produits laitiers ont-ils baissé dans les rayons des commerces, petits ou grands ? Quelle sera demain la concurrence exercée par ces grands pays que j'évoquais, s'agissant de nos principaux produits ? Cette question préoccupe l'ensemble du monde agricole.

En second lieu, nous constatons le renchérissement de l'énergie et la nécessité de développer d'autres sources d'énergie. Comme nombre de mes collègues, je me réjouis donc de l'accent mis sur le développement des biocarburants.

La récente loi d'orientation agricole, que nous avons longuement élaborée dans cette enceinte, a prévu que, pour le secteur du transport, la part des biocarburants par rapport aux essences et au gazole devrait atteindre 5, 75 % en 2008, 7 % en 2010 et 10 % en 2015.

Pour atteindre ces objectifs, il faut soutenir les instruments de développement par une fiscalité adaptée. Le plan « biocarburants » mis en place par le Gouvernement nous fait prendre une orientation nécessaire : ouvrir de nouveaux débouchés pour nos agriculteurs, créer de la valeur ajoutée en transformant nos matières premières agricoles, utiliser nos hectares de jachères, dont le maintien constitue une absurdité, enfin créer - je l'espère - de nombreux emplois.

Nous allons donc, monsieur le ministre, vers une modification territoriale complète de notre agriculture avec les biocarburants et l'utilisation de végétaux, comme le chanvre, par exemple, pour produire différents matériaux.

Dans cette double perspective, on estime que les besoins sont d'environ 4 millions d'hectares. Des zones aujourd'hui herbagères situées en plaines ne vont-elles pas devenir céréalières ? Ne va-t-on pas voir diminuer de façon significative le nombre de bovins et d'ovins, d'autant que nous savons les contraintes de l'élevage ? Il faut se préparer à un transfert de quotas et de droits à produire, car ne pas le faire serait préjudiciable à notre économie agricole. Une réflexion a-t-elle déjà commencé sur l'importante modification structurelle, territoriale, qui va découler de la mobilisation de nombreux hectares pour la production de biocarburants ?

Après ces perspectives de moyen terme, j'en viens maintenant plus particulièrement à l'année 2007.

Je souhaite la consolidation de l'agriculture de montagne à travers la revalorisation de l'ICHN, l'indemnité compensatoire de handicap naturel.

Certes, cette dotation intègre une nouvelle réévaluation de 5 % pour les vingt-cinq premiers hectares. Cela répond à votre engagement, pris en 2003, d'augmenter l'ICHN pour les vingt-cinq premiers hectares. Il est vrai que l'on n'en sera qu'à 35 % de hausse à la fin de 2007, au lieu des 50 % annoncés. Or cette indemnité est essentielle pour aider les exploitations de taille modeste à se maintenir sur l'ensemble du territoire et représente une compensation des lourds handicaps dus au climat, au relief, à l'altitude des régions concernées.

De même, la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, primordiale pour l'équilibre des exploitations et des filières de montagne, risque de voir ses modalités d'attribution modifiées à partir de 2008, même si l'enveloppe globale reste identique. Si tel est le cas, le nombre de bénéficiaires étant élargi, la PHAE sera automatiquement moins favorable pour les actuels attributaires.

Je rappelle que de nombreux agriculteurs ont contractualisé des mesures surfaciques - hors mesures herbagères - dans le cadre des CTE. Faute de budget, ils se verront dans l'incapacité de contractualiser de nouveau, alors que les caractéristiques de leur exploitation répondent totalement au cahier des charges de la PHAE, qu'il s'agisse du taux de chargement ou du taux de spécialisation. Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous puissiez nous rassurer car c'est un point sur lequel nous sommes souvent interpellés.

Enfin, les besoins de modernisation des bâtiments d'élevage étaient importants et ils le sont encore - et, en montagne, les surcoûts sont notoires. Ce gouvernement et la majorité ont accompli de gros efforts financiers, qui n'étaient pas fait auparavant. C'est pourquoi votre plan est un succès et, par voie de conséquence, des files d'attente apparaissent. J'espère que les 20 millions d'euros prévus en loi de finances rectificative seront suffisants pour rattraper le retard, comme dans le domaine de la mise aux normes des bâtiments, qui est indispensable.

S'agissant de la mesure agri-environnementale rotationnelle, la MAE, il est prévu une simple reconduction du budget des années précédentes, ce qui ne permettra pas d'étendre ce dispositif à l'ensemble du territoire. Or cette mesure, qui vise à encourager la pratique de rotations plus longues et d'assolements plus diversifiés, est très positive. Cela permet d'améliorer la qualité de l'eau - par la limitation du recours aux intrants - et des sols, ainsi que d'accroître la biodiversité.

Aujourd'hui, onze régions bénéficient de cette mesure, dont la Bourgogne qui présente des caractéristiques agronomiques et climatiques similaires à la zone basse de la Franche-Comté. Aussi, les agriculteurs francs-comtois aimeraient comprendre pourquoi leur région n'est pas éligible. D'autant que l'incidence financière serait modeste.

Je regrette que les offices, qui sont des organismes dont l'utilité n'est plus à démontrer, voient leurs crédits quasiment divisés par deux, alors que des secteurs comme la viticulture ou les fruits et légumes connaissent des crises successives et auraient bien besoin de moyens pour s'adapter à un environnement nouveau. L'Institut national des appellations d'origine, l'INAO, voit ses moyens simplement maintenus, alors qu'il va devoir, en 2007, élargir ses missions aux labels et à l'agriculture biologique et que ses tâches vont donc augmenter.

Pour renforcer la crédibilité de ces signes vis-à-vis des consommateurs, des campagnes de communication en direction du grand public sont indispensables. L'INAO a besoin en 2007 de ressources supplémentaires, tant en personnel qu'en crédits de fonctionnement, chiffrées à 400 000 euros. Que peut-on faire, monsieur le ministre, alors qu'il est plus que jamais nécessaire de défendre nos signes d'origine et de qualité ?

Avant de conclure, je ne peux pas ne pas évoquer la forêt, qui, dans mon département, représente évidemment un enjeu important. La prise de conscience du potentiel de la forêt et de ses perspectives d'avenir - le bois peut être utilisé dans la construction ou comme source d'énergie - est maintenant réelle dans notre pays, et je m'en réjouis. Le développement très rapide des chaudières à bois dans de nombreux départements, et particulièrement dans le mien, en témoigne, comme le fait que le développement de la filière bois-énergie soit retenu comme thématique dans nos contrats de projets pour la période 2007-2013 actuellement en préparation.

Si l'on veut favoriser l'utilisation du bois, il faut des crédits pour aménager des routes forestières qui permettront de collecter la ressource. Dans ce domaine, beaucoup reste encore à faire. Je me réjouis que les crédits affectés à la politique forestière augmentent de 3 %, car ce secteur offre de formidables perspectives pour l'avenir.

Monsieur le ministre, ce budget comporte de nombreux points positifs et je vous fais entièrement confiance. Aussi, comme mes collègues du groupe UMP, je le voterai.

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