L'astuce, d'ici là, consiste à augmenter les volumes de quotas autorisés et de réduire le prix de soutien pour libéraliser progressivement le marché du lait. Monsieur le ministre, quelle est votre position sur ce scénario inacceptable, qui entraînerait évidemment la ruine de beaucoup de nos petits éleveurs, en particulier dans le département du Nord ?
Ma troisième question liée à ce secteur agricole porte sur le soutien apporté à la culture de l'herbe par rapport à celle du maïs. Je ne suis pas contre la culture du maïs, mais il me semble que sa progression a été excessive : on est passé de 1 à 3, 1 millions d'hectares. Pourtant, chacun le reconnaît, l'herbe est la meilleure garantie pour préserver la richesse de la biodiversité. Elle est le meilleur rempart contre l'érosion et l'appauvrissement des sols. Elle consomme moins d'engrais minéraux et de produits phytosanitaires. Enfin, elle assure une meilleure couverture du sol tout au long de l'année.
Je crois qu'il est temps de faire un effort décisif dans ce domaine en utilisant les crédits européens du deuxième pilier. Pour cette raison aussi, je regrette très vivement la diminution des crédits CAD ; il y a là pourtant des enjeux décisifs avec la prime herbagère agro-environnementale. Il est urgent que les crédits européens et ceux des collectivités territoriales soient utilisés par exemple pour protéger les aires d'alimentation des nappes phréatiques en collaboration avec les agences de l'eau. Dans ce domaine, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous soyez moins frileux, car l'enjeu est lourd de conséquences.
D'autres questions se posent sur l'avenir de la PAC, qui est toujours incertain. Je regrette que parfois vous ajoutiez vous-même de la complexité aux textes de Bruxelles. J'ai ainsi découvert que la France interdit la culture sur des bandes de 2, 50 mètres, contre seulement 2 mètres dans le règlement européen. Ce simple exemple me semble révélateur de la manière dont notre pays en rajoute parfois dans ce domaine !
La question de l'articulation entre les crédits nationaux et les crédits européens du FEADER pour la période 2007-2013 est également importante.
Comment la France compte-t-elle soutenir l'attractivité des territoires ruraux par la diversification, encourager les pratiques respectueuses de l'environnement et le soutien à l'agriculture biologique, alors que la procédure actuelle prévoit un cofinancement à hauteur de 50 % par les crédits européens et de 50 % par l'État membre concerné ? Vous engagez-vous à octroyer les crédits nécessaires ?
Par ailleurs, quand pourra-t-on supprimer les 1, 3 million d'hectares de jachère alors même que, pour soutenir le développement des cultures « énergétiques » et des biocarburants, 800 000 hectares seront nécessaires - si le plan est mis en oeuvre -, contre 350 000 hectares actuellement ? Les marges de manoeuvre dans ce domaine sont intéressantes, me semble-t-il.
Je m'interroge également sur la reprise technique des négociations sur la libéralisation du commerce mondial. La relance des négociations du cycle de Doha nous inquiète. Quelle est la position de la France ? On le voit, la tentation de la Commission européenne est de sacrifier l'agriculture pour libéraliser les services.
En conclusion, monsieur le ministre, face à ces interrogations et à ces incertitudes, la France a besoin d'un véritable pacte pour l'agriculture lui permettant de substituer une politique active aux subventions passives. Il faut donner aux agriculteurs les moyens de devenir autonomes et de vivre de leur activité.
L'agriculture doit retrouver des perspectives, avec des outils de régulation du marché et des revenus. Les filets de protection sont indispensables, mais on voit bien que, ouvertement ou insidieusement, on s'oriente vers une agriculture de plus en plus réduite, tant en surface qu'en nombre d'agriculteurs.
Aujourd'hui, votre budget me donne le sentiment, hélas ! d'accompagner ce scénario de l'inacceptable au lieu de le contrecarrer.