Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce n'est pas parce qu'un budget n'augmente pas ou augmente peu que c'est forcément un mauvais budget. Nous avons tous fait le même constat. Mais au travers de vos choix dans les différents programmes et dans les comparaisons ligne à ligne nous voyons se définir une politique que nous ne pouvons valider. Vos orientations, différentes des nôtres, traduisent une tendance au laisser-faire bien plus qu'un soutien au développement d'une agriculture durable.
Je limiterai donc mon propos à ce qui me semble être une constante dans les budgets agricoles de votre gouvernement depuis quelques années et dans la loi d'orientation agricole : l'abandon aux marchés.
Ce constat, je ne suis pas la seule à le faire puisque même le syndicat majoritaire a déclaré que si le projet de budget traduisait des efforts louables, c'était « au détriment d'actions importantes telles que la gestion des marchés, la promotion de nos produits, des dépenses d'investissement fondamentales pour donner confiance en l'avenir ».
Alors que l'Europe accentue cette fâcheuse tendance à désorganiser tous les outils de régulation du marché, il aurait été souhaitable pour nos filières que soient augmentés les moyens du programme 227 et, surtout, qu'ils soient répartis différemment.
Le soutien à la production sous signe de qualité stagne au moment même où il conviendrait de le conforter, à l'instar de la promotion de l'indication géographique protégée. L'augmentation de 5, 4 % des crédits de l'INAO provient surtout, et presque exclusivement, du redéploiement des offices.
Seule l'assurance récolte augmente de 20 %, mais cela sera-t-il suffisant pour régler les problèmes liés aux aléas de production ? Monsieur le ministre, va-t-on abandonner définitivement l'idée de solidarité nationale au moment même où l'on annonce la fin des prêts calamités au 31 décembre 2007 ?
Parallèlement, les moyens alloués aux offices baissent dangereusement, remettant ainsi en cause les soutiens aux productions, ainsi que les orientations et les régulations dans ce domaine. Quelles marges de manoeuvre les offices auront-ils face à une crise ? Cela est d'autant plus grave que, dans les négociations en cours entre l'État et les régions, les crédits de l'office de l'élevage, par exemple, sont en chute libre.
La question des moyens alloués aux offices d'intervention est essentielle. Il convient donc d'examiner leur inscription dans les trois actions.
Tout d'abord, les moyens de ces offices vont diminuer une nouvelle fois, les crédits de fonctionnement passant de 51, 2 millions d'euros en 2006 à 46, 9 millions d'euros en 2007, des départs à la retraite n'étant pas remplacés et le nombre de CDD étant diminué. Peut-être le regroupement de ces offices à Montreuil en juillet 2007 permettra-t-il de réaliser des économies d'échelle, mais au vu des exigences sur les missions, on peut craindre beaucoup plus sûrement un régime minceur draconien !
Ensuite, les actions d'intervention et d'orientation sont en baisse de 22, 7 millions d'euros. Cela est dû notamment à la quasi-division par deux des crédits contractualisés : 34, 8 millions d'euros pour le nouveau contrat de projets au lieu de 69, 8 millions pour l'ancien contrat de plan.
Enfin, parmi les actions de promotion, les seules hausses vont à la promotion à l'international, essentiellement afin de soutenir la viticulture à l'exportation. Certes, après avoir entendu mes collègues, je dirai que c'est pour la bonne cause.
Plus généralement, on constate qu'une partie de plus en plus importante des budgets des offices est constituée de dépenses préétablies : distribution de la prime au maintien des troupeaux de vaches allaitantes, équarrissage, promotion à l'export et, peut-être, modernisation des bâtiments porcins - à cet égard, on ne connaît même pas encore la somme arrêtée -, faisant ainsi disparaître les marges de manoeuvre qui permettraient de faire face aux crises conjoncturelles.
On peut véritablement se demander si ces offices ne sont pas devenus la variable d'ajustement du budget de l'agriculture. Cela est d'autant plus grave que, dans le même temps, on réduit de 26 millions d'euros la dotation pour l'adaptation des filières à l'évolution des marchés.
Vous savez pourtant, monsieur le ministre, que, en un peu plus d'un an, vous avez dû répondre aux crises ou aux manifestations, parfois dans l'urgence, en annonçant des crédits supplémentaires.
Ces effets d'annonce sont une bonne chose dans un premier temps, à condition toutefois que les aides arrivent rapidement, mais surtout qu'elles soient accompagnées de l'assurance d'une nouvelle stratégie pour les filières en difficulté, que l'on tienne compte de l'euro-compatibilité et de la capacité en moyens humains des services instructeurs des directions départementales de l'agriculture pour être réactifs.
Je prendrai un seul exemple : ce qui se passe dans la filière avicole depuis la crise de l'influenza aviaire. Au total, plus de 63 millions d'euros ont été fléchés.
Pourtant, à cause de dispositifs très contraignants pour l'agriculteur et pour les services instructeurs, à cause d'une suite de circulaires fondées à chaque fois sur des problèmes d'euro-compatibilité et de différences de critères, portant par exemple sur le vide sanitaire, le retard à l'enlèvement, la perte avérée de trésorerie, certains agriculteurs n'ont, à ce jour, reçu que les premiers 1 000 euros de l'État ou les compléments des collectivités locales.
L'interprofession volaille, dont on parle depuis tant d'années, n'a pas encore été totalement réalisée, contrariant ainsi la mise en place d'une véritable nouvelle stratégie, qui devra également anticiper l'arrêt futur des restitutions.
Monsieur le ministre, vous pouvez le constater vous-même, ce n'est pas le moment d'opérer une réduction sur toutes les lignes budgétaires qui pourraient favoriser l'organisation de nos filières et la régulation des marchés. En effet, l'Europe actuelle nous prépare des lendemains qui risquent de déchanter. Ne citons qu'un exemple : la réforme européenne, très libérale, du secteur des fruits et légumes !
La suppression des retraits et des aides à la transformation entraînera pour les secteurs les mieux organisés, comme ceux de ma région, une véritable catastrophe. De surcroît, la libéralisation interne, par la vente directe au consommateur, des membres d'organisations de producteurs privera ces dernières de toute possibilité d'enrayer la chute des cours en cas de surproduction.
Il convient enfin de ne pas oublier la question de l'irrigation. Il s'agit d'un problème notoire, du moins pour la Bretagne, puisqu'elle ne fait pas partie des zones aidées et que la négociation du contrat de plan tend à y faire disparaître l'irrigation.
La dérégulation d'une filière est toujours préjudiciable aux exploitants. Quelles sont donc vos intentions à ce sujet, monsieur le ministre ? Quel est votre mandat de négociation à Bruxelles ? Les crédits affectés aujourd'hui aux offices prennent-ils en compte la réforme envisagée?
Je ne peux terminer mon intervention sans attirer à nouveau votre attention sur la baisse des crédits concernant le réseau des ADASEA, associations départementales pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles.
Pour la cinquième fois consécutive, la dotation attribuée diminue, de deux millions par rapport à 2006 et de 8, 4 millions par rapport à 2002. En tant qu'élue de la région et en qualité de maire rural, je mesure toute l'importance de la compétence de ce réseau sur le terrain.
Peut-être convient-il de faire évoluer cette structure, certes ! Toutefois, monsieur le ministre, c'est à vous de clarifier ses missions de service public et surtout de lui donner les moyens de les assumer.
En conclusion, un budget ne se résume pas à des chiffres, c'est d'abord et avant tout une politique et des choix. Ceux que vous avez faits ne correspondent décidément pas aux nôtres et c'est pourquoi, comme mes camarades, je ne pourrai voter ce budget.