Monsieur Dreyfus-Schmidt, puisqu'il me faut vous éclairer, sachez que l'enregistrement est une pièce d'archive, comme un procès-verbal : il n'est pas diffusé le soir même de la garde à vue, autant que je sache. Il peut être consulté après mais, tout au long de cette dernière, le secret doit être préservé.
M. Badinter a dit tout à l'heure, avec une sorte d'angélisme : « l'avocat écoute, enregistre ce qui est dit ». Moi, à voix basse, je rappelle qu'il peut sortir quelques instants, pour téléphoner, par exemple. Bien sûr, il n'en a pas le droit, mais vous n'êtes pas dans son cabinet et vous n'enregistrez pas ce qu'il dit ensuite.
J'ai connu les affaires de l'OAS et les pressions exercées sur les avocats. Malheureusement, ce sont des choses qui arrivent. Rien ne garantit que l'avocat respecte scrupuleusement le secret. Disons les choses comme elles sont ! Peut-être même en va-t-il de moins en moins ainsi, compte tenu de l'évolution de la profession.
Ce secret - disons-le, mettons les pieds dans le plat ! - doit être préservé pendant les quelques jours que dure la garde à vue. Il existe une double garantie : d'une part, la rencontre momentanée avec l'avocat est une sécurité par rapport à ce qui pourrait se passer d'abusif et permet de fournir au prévenu les informations dont il peut avoir besoin ; d'autre part, grâce à l'enregistrement, telle ou telle accusation peut être contrôlée.
Il faut donc préserver ce secret - ou bien alors renoncer, purement et simplement, à la garde à vue - si nous voulons retrouver les délinquants, les complices, remonter les filières, à une époque où la délinquance organisée devient la forme de criminalité la plus grave. La délinquance actuelle n'est plus celle du temps de Balzac ! Elle est désormais organisée, revêt quantité de formes, et c'est pourquoi nous avons beaucoup de mal à la contrer. Ne décourageons pas ceux qui sont chargés de lutter contre cette délinquance et qui le font, d'ailleurs, d'une manière assez remarquable, et ne les privons pas d'un minimum de moyens !