Nous nous accrochons ! Je ne sais pas si c'est de l'angélisme...
L'article 706-88 du code de procédure pénale a été introduit dans notre législation par la loi Perben II et complété par la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.
En matière de criminalité organisée, la loi Perben II a allongé la durée de la garde à vue en la portant à quatre jours, et a bien évidemment réduit dans le même temps les possibilités d'intervention de l'avocat : ainsi, la personne dont la garde à vue est prolongée pour des faits relevant de la criminalité organisée peut demander à s'entretenir avec un avocat à l'issue de la quarante-huitième heure puis de la soixante-douzième heure de la mesure.
En matière de terrorisme, le régime de la garde à vue est, depuis 1986, dérogatoire au droit commun, avec une prolongation possible de quarante-huit heures. L'avocat, quant à lui, ne pouvait intervenir qu'au bout de la soixante-douzième heure, ce qui était déjà un délai relativement long.
Depuis l'adoption de la loi sur le terrorisme, la garde à vue peut ainsi durer jusqu'à six jours d'affilée, l'avocat ne pouvant intervenir qu'au bout de la quatre-vingt-seizième heure.
Nous le savons parfaitement, la réduction du droit à la présence d'un avocat au cours de la garde à vue permet d'exercer toutes sortes de pressions sur la personne gardée à vue. Par ailleurs, les raisons avancées pour justifier une telle prolongation de la garde à vue sont particulièrement vagues, donc dangereuses pour les libertés individuelles.
En effet, le fait « qu'il existe un risque sérieux de l'imminence d'une action terroriste en France ou à l'étranger ou que les nécessités de la coopération internationale le requièrent impérativement » suffirait à justifier qu'une personne soit gardée à vue pendant six jours.
Le risque d'action terroriste à l'étranger est quasi permanent : avoir entendu récemment et à plusieurs reprises le ministre de l'intérieur indiquer que la menace terroriste est « réelle et accrue », sans pour autant produire d'éléments concrets, suffirait-il donc à prolonger la garde à vue ? Activer et maintenir le plan Vigipirate au niveau rouge constituerait-il également une raison suffisante pour prolonger une telle mesure ?
Il est étonnant de constater que, plus la durée de la garde à vue s'allonge, moins l'avocat est présent. Les droits de la défense s'amenuisent au fur et à mesure de la prolongation de la garde à vue : une telle dérive est proprement inconcevable et contraire à nos principes fondamentaux, tout autant qu'à l'article préliminaire du code de procédure pénale.
Enfin, et ce sera ma dernière remarque, nous souhaitons clairement mettre fin à ces régimes « dérogatoires » au droit commun en matière de garde à vue. Là encore, il est étonnant de constater à quel point de tels régimes ont tendance à être pérennisés, voire étendus, et applicables à un nombre croissant d'infractions.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l'aurez compris, nous dénonçons, sans angélisme aucun, le dispositif législatif actuel, qui, au prétexte de lutter, notamment, contre le terrorisme, risque de pénaliser terriblement certaines personnes. Après tout, tant que nous y sommes, regardons ce qui se passe du côté de Guantanamo ! Combien d'accusés seront finalement reconnus coupables de terrorisme ? Pour ma part, je m'intéresse à tous ceux qui, n'ayant pas bénéficié des garanties suffisantes en termes de droit de la défense, peuvent être rapidement considérés comme coupables alors qu'ils ne le sont pas.