Intervention de Robert Badinter

Réunion du 8 février 2007 à 15h00
Équilibre de la procédure pénale — Article 6, amendement 99

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

Au demeurant, personne dans cette assemblée ne saurait jamais mettre en doute votre attachement pour les droits de la défense. Personnellement, je sais ce que vous avez fait dans des temps qui sont, hélas ! pour nous, très anciens.

Cela étant dit, revenons-en à l'amendement n° 99, qui vise à répondre à une préoccupation générale : quelle est donc la fonction de l'enregistrement audiovisuel d'une garde à vue ?

Pour ma part, je n'ai jamais considéré qu'il s'agissait de jeter le soupçon sur les officiers de police judiciaire, car tel n'est certainement pas le but. Le fait de disposer de cet enregistrement a toute son importance, dans la mesure où il permet d'établir les conditions dans lesquelles la garde à vue s'est déroulée. À ce titre, il constitue une protection pour les officiers de police judiciaire contre les accusations non fondées.

Un point est encore plus important à souligner : il sert ou il devrait servir comme moyen de vérification pour les juges d'instruction sur ce qui a été dit, comment et dans quelles conditions.

Vous le savez comme moi, monsieur le garde des sceaux, les procédures criminelles, surtout dans les affaires complexes, durent souvent des années. Il arrive même que plusieurs juges d'instruction se succèdent pour traiter un même dossier. Il est donc très important que le magistrat instructeur, outre la consultation du procès-verbal, puisse voir le visage de la personne gardée à vue et entendre les propos qu'elle a tenus au moment où elle les a prononcés.

Le magistrat instructeur doit, en effet, s'assurer de ce qui a été dit exactement, en réponse à quelle question, et à quel moment de l'interrogatoire. Ainsi, lorsqu'il reprend l'information, au-delà du procès-verbal écrit, il n'a aucun doute sur les conditions dans lesquelles ont été enregistrés ces propos ou sur leur teneur exacte. L'enregistrement est donc un instrument très précieux pour le progrès des instructions.

À cet égard, il n'existe pas d'instructions plus importantes que celles qui se déroulent à l'occasion des grandes affaires criminelles, et notamment en matière de terrorisme. Il me paraît donc essentiel que le juge d'instruction puisse disposer de cet enregistrement, y compris dans les affaires qui donnent lieu à des instructions très longues et compliquées ; je pense notamment à l'affaire concernant les Lybiens, instruite par le juge Bruguière.

Il est donc souhaitable pour tous que l'enregistrement soit généralisé à tous les interrogatoires de garde à vue, et que l'on ne prévoie pas d'exception pour certaines infractions particulières.

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