Intervention de Xavier Bertrand

Réunion du 5 décembre 2006 à 21h45
Loi de finances pour 2007 — Sécurité sanitaire

Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités :

Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, en matière de veille et de sécurité sanitaires, notre unique ambition est d'être en mesure d'anticiper pour pouvoir réagir.

C'est en tenant compte de l'émergence de nouvelles maladies que nous avons construit ce programme « Veille et sécurité sanitaires » au sein de la mission « Sécurité sanitaire ». Celui-ci est placé sous ma responsabilité, que je partage effectivement avec Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche ; je tenais à le préciser, madame Bricq.

Les 105, 25 millions d'euros dont ce programme est doté, ce qui représente une augmentation de 2, 1 % par rapport à l'an dernier, nous permettent de promouvoir une vigilance accrue, mais également une véritable évolution des consciences et des pratiques, ainsi qu'un renforcement de notre capacité à répondre aux urgences.

Ces missions, pour être menées à bien, nécessitent une expertise fiable et indépendante, ce qui est le cas aujourd'hui, monsieur Autain. Vous n'avez pas rappelé tout à l'heure, alors que nous les avions évoqués en commission, les critères qui sont non seulement exigés de l'AFSSAPS mais appliqués par elle.

Les agences de veille et de sécurité sanitaires remplissent ce rôle, avec une dotation renforcée de 80, 5 millions d'euros, en progression de 4, 9 %. La signature des conventions d'objectifs et de moyens avec ces agences interviendra au début de l'année 2007 pour les dernières d'entre elles, madame Bricq.

En tout état de cause, nous ne pouvons faire reculer les crises sanitaires sans nous battre également sur le terrain de la connaissance. Notre expérience de la crise, qu'il s'agisse du chikungunya, de la dengue ou de la canicule, nous a montré la nécessité de l'alerte. C'est dans cet esprit que nous avons décidé de renforcer, tout spécialement cette année, le rôle de l'Institut de veille sanitaire ; j'aurais l'occasion de vous en parler à nouveau, madame Bricq, lors de la discussion de l'amendement que vous présentez. Pour l'Institut de veille sanitaire, sont prévues une augmentation de neuf emplois et une hausse de plus de 36 % du budget alloué par mon ministère, la subvention passant de 40, 7 millions d'euros à 55, 4 millions d'euros.

Grâce à ces crédits supplémentaires, nous confortons d'abord les forces placées sur le terrain en sentinelle, à savoir les cellules interrégionales d'épidémiologie, ou CIRE. Cet effort portera très spécifiquement sur l'outre-mer, chacun le comprendra.

En métropole, le système d'alerte est lui aussi renforcé, s'agissant notamment de la surveillance entomologique dans le sud-est de la France et du traitement des moustiques vecteurs dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, mais aussi en Corse, bien évidemment.

Pour améliorer l'efficience de notre système de veille sanitaire dans son ensemble, madame Schillinger, j'ai confié au professeur Jean-François Girard une mission de réflexion et de proposition en mars 2006. Suivant ses conclusions, je veux doter notre pays de moyens permettant, à partir de signaux faibles, de déclencher une alerte précoce et de planifier les mesures à mettre en oeuvre en cas d'apparition de la menace. C'est au début de l'année 2007 que j'appliquerai l'ensemble des recommandations nous permettant d'améliorer nos pratiques.

Cette volonté d'expertise et de prévention des risques sanitaires explique également l'importance que Dominique Bussereau et moi-même attachons à l'AFSSA, dont nous avons pu apprécier la pertinence des avis dans la gestion de l'épizootie aviaire. Nous lui attribuons une subvention de 6, 6 millions d'euros.

De même, ce projet de loi de finances doit permettre le renforcement de l'expertise dans le champ des produits de santé. L'AFSSAPS se voit ainsi confortée grâce à la création de sept nouveaux emplois.

En 2007, l'Agence de biomédecine doit poursuivre la montée en charge des nouvelles missions qui lui ont été attribuées par la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique, tout en maintenant ses efforts dans le domaine de la greffe, où nous souhaitons en effet lancer une nouvelle politique ; je vous l'avais indiqué lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale et Gérard Dériot, qui était rapporteur, s'en souvient certainement.

C'est pourquoi sept nouveaux emplois sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2007, madame Schillinger, et une subvention de 10 millions d'euros du ministère de la santé est également octroyée, en augmentation de 5 % par rapport à l'an dernier.

Monsieur Autain, vous proposiez de fusionner l'AFSSAPS et la HAS dans le domaine du médicament. Mais vous savez que les évaluations réalisées par ces deux organismes répondent à des objectifs bien définis et, surtout, bien différents. Par ailleurs, la HAS remplit des missions portant sur d'autres champs que les produits de santé : l'évaluation des pratiques professionnelles et l'établissement de recommandations de pratique clinique ou de manuels de certification des établissements.

Monsieur Barbier, sur ce sujet, j'ai voulu une transparence complète, comme j'ai souhaité que l'InVS publie désormais, dans le bulletin épidémiologique, les éléments d'information sur ces événements indésirables que sont les accidents à l'hôpital. Notre premier devoir est de les connaître pour élaborer de nouveaux plans d'action.

J'aurai l'occasion de proposer, en début d'année, au même titre qu'un renforcement de notre action contre les infections nosocomiales, l'amélioration des procédures, ainsi qu'un planning accéléré et plus précis concernant la certification des établissements. De nombreux accidents médicaux, de disparitions ou d'aggravations de l'état de santé pourraient ainsi être évités, selon un grand nombre de scientifiques. C'est dans cet esprit que j'ai toujours mené ma mission et que je renforcerai les mesures en la matière.

Aucun risque touchant la sécurité sanitaire ne peut être négligé. La politique que nous menons aujourd'hui est donc globale et elle envisage l'ensemble des risques auxquels sont exposés les Français.

L'importance de la surveillance de ces risques sanitaires, liés au travail et à l'environnement, est réaffirmée par la mise en oeuvre du Plan national santé environnement, le PNSE, caractérisé par sa dimension interministérielle. Nous voulons porter une attention renouvelée aux risques environnementaux et aux dangers de l'accident domestique pour nos concitoyens. Nous avons également l'ambition d'améliorer la qualité de l'air à l'intérieur du logement en nous attaquant aux polluants les plus fréquents. Notre engagement en faveur du PNSE se traduit par une dotation à hauteur de 19, 3 millions d'euros.

Avec Gérard Larcher, nous faisons aussi une priorité de la santé au travail. La mise en place de l'AFSSET est désormais achevée. Ses effectifs ont crû à une vitesse sans précédent pour une agence, passant de douze emplois en 2002 à quatre-vingt-quatre emplois aujourd'hui.

Pour 2007, notre ambition est d'achever l'évaluation à mi-parcours du Plan national santé environnement, de renforcer l'animation et la coordination du réseau scientifique européen en santé environnement et de réduire l'exposition de la population aux substances cancérigènes.

Tous ces projets pourront être mis en oeuvre grâce à une augmentation du budget total alloué à l'AFSSET qui passe de 17, 1 millions d'euros à 17, 33 millions d'euros.

Parallèlement au programme « Veille et sécurité sanitaires », nous mettons aussi en oeuvre des moyens diversifiés et convergents pour gérer les urgences, les situations exceptionnelles et les crises sanitaires majeures.

Certains d'entre vous, Mme Bricq notamment, s'interrogent sur le fait que tous les efforts financiers que nous accomplissons ou sommes prêts à accomplir pour anticiper la survenue d'une crise sanitaire ne soient pas inscrits dans le budget sous formes de crédits d'État. Par définition, la réponse à une crise doit être adaptée et cet ajustement financier ne peut être inscrit dans une loi de finances : un budget est forcément indicatif et ne peut être limitatif.

Il est évident que nous serons toujours en mesure d'ajuster nos efforts. Prenez l'exemple du chikungunya ou de la dengue : des financements exceptionnels ont immédiatement été ouverts en 2006 pour lutter contre ces deux virus. Au total, 27 millions d'euros ont été affectés à des actions de prévention et de protection de la population, ainsi qu'à la lutte contre les moustiques, que ce soit à la Réunion ou à Mayotte.

Pour 2007, nous avons décidé de renforcer très fortement les services de lutte anti-vectorielle outre-mer. Quarante personnes seulement travaillaient à la lutte anti-vectorielle à la Réunion avant la crise. Disons-le clairement, depuis vingt ans, tous les gouvernements, de gauche comme de droite, avaient baissé la garde, pensant, d'après les recommandations de l'OMS, que le paludisme avait été éradiqué et qu'on en avait terminé avec les maladies propagées par les moustiques. Nous avons décidé d'installer, le 30 octobre 2006, un nouveau service dont l'effectif atteindra 150 personnes au début de 2007 et 220 personnes d'ici à 2008, dépassant ainsi tout niveau atteint par le passé.

De même, afin de répondre à la situation d'hyperendémie de méningite en Seine-Maritime, un crédit de 35 millions d'euros sera ouvert dans le projet de loi de finances rectificative pour 2006 pour la prise en charge d'une campagne de vaccination spécifique visant à protéger l'ensemble de la population des jeunes âgés de un à dix-neuf ans dans le département.

Nous savons non seulement répondre à une crise sanitaire, mais nous allons au-delà, en anticipant autant que possible les risques sanitaires émergents. Je pense bien évidemment au plan de lutte contre la pandémie grippale aviaire, qui demeure pour nous une priorité.

Permettez-moi, à cette occasion, d'évoquer la note de conseil rédigée par M. Gagneux, inspecteur de l'IGAS, qui m'a été remise aujourd'hui.

J'avais moi-même demandé à l'IGAS, d'une part, d'évaluer les besoins complémentaires engendrés par la préparation à la pandémie grippale et, d'autre part, d'envisager une mission de conseil et d'appui. J'avais en effet le sentiment qu'après l'acquisition de moyens nouveaux et importants il nous fallait pouvoir définir plus précisément notre stratégie complémentaire, qu'il s'agisse des masques, des vaccins, mais aussi d'autres matériels comme les respirateurs.

Il nous faut d'abord assurer aujourd'hui un contrôle de la qualité pour évaluer et planifier les niveaux de renouvellement nécessaire, notamment pour les masques. Nous n'avons pas terminé notre travail sur ce sujet, même si des revues scientifiques comme The Lancet, disent que la France est certainement l'un des pays les mieux préparés au monde ; je n'insisterai pas sur le classement effectué. Je préfère demander un conseil extérieur pour que nous soyons encore plus efficaces et opérationnels ; c'est pourquoi j'ai demandé ce travail de conseil et d'appui.

Dans le cadre de la démarche opérationnelle, nous disposons aujourd'hui d'un plan de gestion quantitatif et qualitatif des stocks, avec des plans de distribution décentralisés qui doivent être précisés en vérifiant, sur le terrain, que chacun a assimilé ces éléments.

Nous devons aussi analyser l'efficacité comparée des moyens de protection et voir comment améliorer nos méthodes, concernant les masques chirurgicaux, en l'absence de contact rapproché avec des malades grippés. C'est important pour l'avenir !

Nous devons également évaluer, dans la mise en oeuvre du plan de lutte contre la pandémie, l'évolution du kit de protection destiné à l'ensemble des professionnels de santé.

Une autre étape s'ouvre. J'ai l'intention de demander à l'InVS un dispositif d'actualisation des études, qui emportera des conséquences sur les niveaux d'hospitalisation, mais aussi sur les victimes potentielles. Nous savons que les chiffres donnés au départ, prévoyant un nombre de victimes culminant à 210 000 personnes, ne tenaient pas compte de notre niveau de préparation. Il nous faut donc actualiser en permanence nos connaissances, accentuer la formation dans les établissements et voir comment la sectorisation et les plans de déprogrammation ont été intégrés. Nous avons voulu instaurer un niveau de protection important ; nous devons maintenant nous assurer que l'ensemble des prescriptions a bien été assimilé par tous les acteurs.

Nous devrons également continuer à acquérir de nouveaux respirateurs : l'achat de six cents appareils supplémentaires nous est recommandé dès l'année 2007. S'agissant des vaccinations, nous devons aussi analyser de manière objective et plus fine les résultats des laboratoires. Aujourd'hui, la France a déjà réservé quarante millions de vaccins. À l'évidence, compte tenu des informations diffusées sur les découvertes de tel ou tel laboratoire, nous devons nous assurer que les avancées décrites sont tangibles et profitables. Nous continuerons à travailler dans cet esprit.

Le renforcement des Instituts Pasteur en Afrique est un point important à nos yeux, ainsi que le renforcement des moyens de la délégation interministérielle à la lutte contre la grippe aviaire, comme nous le propose la note de conseil.

En clair, le besoin financier résultant de la mise en oeuvre de ces recommandations s'élèverait à 89, 9 millions d'euros pour 2007. J'ai eu l'occasion de rencontrer moi-même M. Gagneux : nous allons engager sans tarder des actions complémentaires et veiller à ce que ces préconisations, qui ont fait l'objet d'un échange, puissent nous permettre d'améliorer notre plan : ce n'est pas une création sur papier ; ce plan a vocation à être perfectionné autant qu'il sera possible.

Tout ce que nous savons faire pour lutter contre la grippe aviaire peut nous être utile dans toute crise sanitaire majeure, quelle que soit son origine.

Pour que l'État joue tout son rôle dans la préparation de la lutte contre les crises sanitaires, la création d'un corps de réserve sanitaire va être discutée prochainement au Sénat, avec la proposition de loi de Francis Giraud. Je voulais le préciser à M. Soulage qui a évoqué ce sujet. Je pense aussi au plan Biotox, au plan variole, ainsi qu'au plan de lutte contre la peste, le charbon et la tularémie.

Dans le même ordre d'idée, pour intensifier l'effort de préparation et de lutte contre les risques sanitaires, nous avons proposé la création du Fonds de prévention des risques sanitaires, proposition que vous avez amendée en prévoyant que l'État contribuera dorénavant à hauteur de la moitié des besoins. Ce fonds aura le statut d'établissement public de l'État et se substituera au fonds de concours destiné à financer le plan Biotox et d'autres situations sanitaires exceptionnelles, comme la grippe aviaire. Ce fonds de concours existait depuis 2001, mais ses modalités de financement avaient été remises en cause par le Conseil constitutionnel en 2005. À l'avenir, les budgets finançant les réponses aux crises sanitaires abonderont directement le fonds de prévention des risques sanitaires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le programme « Veille et sécurité sanitaires » apporte un appui considérable à une politique de gestion et d'anticipation des risques sanitaires que je veux globale et renforcée.

Préparer la France aux nouveaux risques émergents, tant d'un point de vue logistique que social, est une ambition qui dépasse largement les clivages politiques, ce qui est suffisamment rare pour que j'aie à coeur de le souligner. Voilà pourquoi le Gouvernement sollicite le vote positif du Sénat pour mettre en oeuvre cette politique.

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