Cette attitude accroît les difficultés relationnelles entre l'État et les collectivités locales.
Les difficultés sont particulièrement aiguës avec certains ministères, et je pense notamment au ministère de l'équipement. Dans un département que je connais bien, il est impossible d'entamer un dialogue sur les routes transférées, qui sont pourtant d'une longueur bien inférieure à celle du transfert que nous avons connu en 1972. Je peux comparer, car j'avais déjà quelques responsabilités à l'époque.
Monsieur le ministre, l'État et les autres organismes dépendant de l'État se voient rappeler, d'une loi à l'autre, la nécessité d'améliorer l'information. D'ailleurs, nous ne cessons de le dire, de le répéter, de le rabâcher !
Ainsi, la loi de finances pour 2006 oblige les organismes d'habitation à loyer modéré et les sociétés d'économie mixte à fournir chaque année au préfet de région un inventaire précis des logements sociaux qu'ils détiennent. On pourrait concevoir que cette information soit également transmise aux communes concernées et, le cas échéant, au conseil régional et au conseil général. Cette information est importante pour le calcul de la dotation de solidarité urbaine. Mais lorsque les logements sociaux manquent ou - ce qui peut arriver - sont trop nombreux, la population ne s'en prend pas au préfet, elle se tourne automatiquement vers l'élu local, vers le maire.
La loi de programmation pour la cohésion sociale prévoit que les services fiscaux doivent transmettre aux collectivités locales et à leurs groupements à fiscalité propre la liste des logements vacants situés sur leur territoire. Un arrêté tout récent, daté du 4 février 2006, vient d'être publié en ce sens. C'est bien, mais on peut toutefois s'étonner qu'une information aussi importante pour les élus ne fasse l'objet d'une obligation de transmission que depuis si peu de temps. Quoi qu'il en soit, il n'est jamais trop tard pour bien faire.
Cependant, s'agissant des rôles supplémentaires d'imposition, les collectivités territoriales n'obtiendront cette information que si elles en font la demande expresse. Avec tous les textes qui paraissent, beaucoup de collectivités risquent d'ignorer cette possibilité. Dans ces conditions, ne pourrait-on pas plutôt rendre cette transmission automatique ?
Les difficultés de dialogue entre collectivités territoriales et administrations font la fortune des cabinets de conseil. Ceux-ci s'engagent auprès des collectivités locales à identifier les bases fiscales que l'administration n'a pas repérées. Ils leur proposent souvent de se rémunérer au prorata des bases ainsi « récupérées ». Ce n'est pas seulement une question de manque à gagner pour les collectivités, c'est d'abord - et c'est un comble - un problème d'équité, d'égalité devant l'impôt : les bons contribuables paient finalement pour les mauvais.
Monsieur le ministre, à l'origine des réticences de l'État et des organismes nationaux à transmettre les informations aux collectivités locales, il y a souvent cette impression désobligeante que seul l'État serait garant de l'intérêt général et que les collectivités territoriales prendraient nécessairement la défense d'intérêts particuliers, voire « clientélistes ». Pourtant, il serait temps que la décentralisation, après bientôt vingt-cinq ans, entre définitivement dans les moeurs. Les collectivités et l'État doivent donc travailler ensemble, faire converger leur volonté. En effet, les collectivités locales ne peuvent pas exercer au mieux leurs compétences si elles sont l'objet d'une méfiance permanente. Elles réclament un vrai dialogue, permanent et serein.
Ne pourrait-on pas prévoir - peut-être pas dans un texte de loi, mais au moins par une instruction de portée générale, dont l'application serait quasiment suivie au quotidien - que tous les détenteurs d'une information nécessaire ou utile à l'exercice d'une compétence locale soient tenus de la fournir à la collectivité considérée ? Ce serait un principe de bon sens qui marquerait le début de relations transparentes et confiantes entre les administrations nationales et les collectivités territoriales.
Dans cette assemblée, nous sommes les représentants qualifiés des collectivités territoriales. Je puis donc vous assurer, monsieur le ministre, que ces collectivités réclament cette information. Elles veulent en effet pouvoir répondre avec efficacité à l'attente de nos concitoyens. En tout cas, c'est le voeu ardent que nous formulons. Je vous remercie par avance de l'écoute et de l'attention que vous nous réserverez, monsieur le ministre.