Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 12 avril 2006 à 21h00
Difficultés éprouvées par les collectivités territoriales dans l'accès aux informations — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la transmission de certaines informations entre les administrations et les collectivités territoriales peut, à première vue, faire l'objet d'une question légitime. Or dois-je rappeler que la décentralisation engagée par M. Raffarin avait notamment pour objectif d'améliorer ces relations, la transparence et l'autonomie des collectivités territoriales ?

Est-ce un hasard si les collectivités territoriales n'arrivent pas à obtenir certaines informations fiscales et financières quand, dans le même temps, le Gouvernement leur transfère de nouvelles compétences sans les accompagner des transferts financiers équivalents ? Dans ces conditions, comment réussir à obtenir des informations ? Il ne faut donc pas s'étonner que les exécutifs locaux aient des difficultés à mener à bien les politiques publiques dont ils ont la charge ou à clore leur budget.

Nous assistons ainsi à un effet pervers de la décentralisation opérée sur l'initiative de M. Raffarin, que nous dénoncions d'ailleurs lors de l'examen du texte soumis à cet égard au Sénat.

Aujourd'hui, alors que la majorité avait adopté d'une seule voix ce texte, ses élus semblent étrangement bien plus critiques à son égard. Force est en effet de constater que nous sommes plus nombreux, aujourd'hui, à dire que cette décentralisation aggrave les problèmes financiers des collectivités locales. La politique de transferts de charges du Gouvernement se traduit par un appauvrissement de toutes les collectivités territoriales, en particulier de celles dont les populations sont les plus défavorisées.

La question orale de notre collègue M. Puech va en fait un peu plus loin que le simple problème de relations entre les collectivités territoriales et les administrations déconcentrées de l'État : elle ouvre une brèche dans le principe de protection des traitements de données personnelles.

En prenant l'exemple de l'adoption de l'article 106 de la loi de finances pour 2006, M. Puech fait référence à une nouvelle disposition introduite par voie d'amendement à l'Assemblée nationale. Celle-ci, qui n'a donc pas été soumise à l'avis du Conseil d'État, prévoit d'étendre aux rôles supplémentaires l'obligation de transmission annuelle des rôles généraux des impôts directs locaux aux collectivités territoriales et à leurs groupements dotés d'une fiscalité propre. Les rôles généraux des impôts directs locaux constituent une sorte d'inventaire, de listing, certes anonyme, des contribuables locaux.

Les rôles supplémentaires posent cependant une autre difficulté, qui a d'ailleurs été soulevée par la commission des finances de l'Assemblée nationale mais sans qu'aucune réponse satisfaisante ait été apportée : une partie des rôles supplémentaires est établie en raison des redressements fiscaux entrepris par l'administration. Il aurait donc fallu prévoir une procédure de confidentialité afin que les informations correspondantes ne soient ni divulguées ni rendues publiques.

La question de la confidentialité et de l'utilisation des rôles généraux des impôts directs a, pour sa part, fait l'objet d'un avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. En effet, la CNIL a eu l'occasion d'émettre un avis sur ces rôles généraux des impôts directs locaux. Dans sa délibération du 4 novembre 2004, elle considère que « les données enregistrées ne peuvent pas [...] faire l'objet d'autres traitements, ni être intégrées dans d'autres fichiers, ni faire l'objet d'interconnexions, de rapprochements ou de toute autre forme de mise en relation avec d'autres traitements ».

Notre crainte est donc la suivante : l'utilisation des rôles supplémentaires d'impôts n'est pas entourée, dans la loi de finances, des garanties nécessaires en termes de confidentialité des données personnelles qui y sont recensées. Dans la mesure où la CNIL n'émet de recommandation que sur les rôles généraux des impôts directs, faut-il comprendre que les rôles supplémentaires peuvent faire l'objet, par exemple, d'interconnexions ou de mises en relation avec d'autres traitements ? Tout le laisse à penser, et ce d'autant plus que la possibilité d'effectuer des interconnexions de fichiers est une vieille revendication de la majorité.

Tel est d'ailleurs, ni plus ni moins, le souhait de notre collègue M. Puech, pour qui l'article 106 de la loi de finances ne va pas assez loin. Son idée est claire : « Il est nécessaire que les collectivités disposent des données non seulement fiscales, mais aussi sociales qui les concernent. Il faut qu'une commune puisse aisément savoir, et contrôler, combien de titulaires du RMI, de personnes sans emploi, de logements sociaux, sont situés sur son territoire. »

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