Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'accès des collectivités locales, et plus particulièrement des communes, aux informations dont elles ont besoin pour assurer leurs missions constitue une préoccupation centrale des élus. C'est pourquoi je tiens à remercier vivement notre collègue Jean Puech d'avoir pris l'initiative de ce débat.
Les communes françaises doivent en effet faire face à une augmentation des compétences et des obligations qui leur sont transférées à la suite de l'approfondissement de la décentralisation. Elles doivent, en outre, répondre aux attentes croissantes de leurs administrés, à leurs légitimes exigences de qualité de service et d'amélioration du cadre de vie. Ces besoins s'expriment notamment en termes de modes de garde et de scolarisation des enfants, d'infrastructures sportives et de loisirs, de logements. Or, dans ces domaines comme dans d'autres, malheureusement, force est de constater que les communes n'ont pas les moyens législatifs d'assumer leurs fonctions.
Ainsi, en l'absence de toute obligation de déclaration domiciliaire, les communes ne disposent pas d'une connaissance à la fois précise et fine de la population résidant sur leur territoire. Elles sont dès lors contraintes de s'en remettre au bon vouloir des services étatiques ou de se contenter des données bien souvent périmées des recensements.
Il s'agit d'une exception en Europe. En effet, une étude réalisée à ma demande par la division des études de législation comparée du Sénat montre que, parmi onze pays étudiés, la déclaration domiciliaire constitue une obligation très répandue en Europe. À part le Portugal et le Royaume-Uni, tous les pays étudiés disposent de registres locaux de population majoritairement tenus par les services municipaux.
La tenue de ces registres oblige les résidents à déclarer leur changement de domicile dans un délai variable selon les pays, mais le plus souvent de l'ordre de huit jours. Le non-respect de cette obligation constitue une infraction de nature administrative, voire pénale. En outre, l'inscription au registre de la population détermine de nombreux droits et obligations.
Cette étude conclut : « L'absence de déclaration domiciliaire en France apparaît donc comme une exception, tandis que la généralisation des registres locaux de population à l'étranger s'explique par l'importance des compétences des communes, notamment en matière sociale ».
Mais au-delà de la bonne gestion des compétences, sans cesse croissantes, qui sont transférées aux collectivités locales, l'obligation domiciliaire leur permettrait d'assumer plus efficacement leur fonction étatique de tenue des listes électorales.
En effet, la règle de révision annuelle implique que seuls les électeurs appartenant à certaines catégories de population limitativement énumérées peuvent être inscrits sur les listes en dehors des périodes normales de révision, ce qui dissuade certains de nos concitoyens de s'inscrire ou d'aller voter lorsqu'ils sont contraints de le faire dans la commune de leur précédente résidence.
Là encore, permettez-moi d'attirer votre attention sur une étude récemment publiée par la division des études de législation comparée du Sénat.
L'examen des dispositions étrangères montre que la gestion automatique et permanente des listes électorales est liée à l'existence de fichiers municipaux de population et à l'obligation de déclaration domiciliaire, qui entraîne l'inscription d'office de tout électeur sur les listes électorales.
Par conséquent, il apparaît nécessaire d'instaurer dans notre pays comme ailleurs une obligation de déclaration domiciliaire, afin que nos communes disposent des informations nécessaires pour assumer leurs compétences propres et étatiques, dans un souci de bonne gestion, mais également de qualité du service et de simplification des formalités, tant pour les communes que pour les administrés.
J'ai donc déposé une proposition de loi en ce sens, que nombre de mes collègues du groupe UMP m'ont fait l'honneur de cosigner. D'ailleurs, une proposition de loi en des termes identiques a été déposée à l'Assemblée nationale par M. Emile Blessig.
J'y suggère d'assortir la déclaration de la remise d'un récépissé qui servirait de justificatif de domicile exclusif à produire pour effectuer toute autre démarche administrative, dans le respect de la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
J'attire votre attention sur le fait qu'une telle obligation existe déjà en France, en Alsace-Moselle, en vertu d'ordonnances prises en 1883 pendant l'occupation allemande. Cependant, les sanctions applicables ayant été abrogées en 1919, ce qui a fragilisé le système, les communes concernées ne sont plus, depuis lors, et surtout depuis qu'il y a une plus grande mixité sociale, en mesure de mettre à jour leurs fichiers de population.
J'ai adressé un questionnaire aux 521 maires de mon département, le Bas-Rhin, afin de les interroger sur l'utilité de ce système. Je tiens d'ailleurs l'ensemble de ces réponses à votre disposition, monsieur le ministre.
Près de la moitié d'entre eux m'ont répondu et tous, parmi ceux-ci, estiment que ce fichier est utile voire indispensable. Ils avancent ainsi presque toujours les mêmes raisons : assurer une certaine proximité avec leurs administrés - organisation de fêtes et d'événements, notamment les fêtes de Noël, les anniversaires des personnes âgées ou encore les noces d'or ; gérer diverses taxes et redevances - ordures ménagères, eau, assainissement - ; permettre une planification efficace des effectifs scolaires ; remplir certaines obligations qui leur incombent telles que le recensement pour la journée d'appel de préparation à la défense, le recensement pour les plans « canicule », « variole », « iode », la mise à jour des listes électorales et des registres d'état civil.
Cette expérience locale concrète ainsi que le droit existant chez nos voisins européens prouvent que notre pays ne doit pas demeurer une exception, comme il l'est trop souvent, malheureusement.
C'est pourquoi je souhaite vivement que le débat d'aujourd'hui ne reste pas lettre morte et qu'il soit suivi, dans les plus brefs délais, de l'examen de projets ou de propositions de loi visant à améliorer l'accès des collectivités à l'information.
Le Sénat, par son action législative, s'est déjà assuré, à plusieurs reprises, que le transfert de compétences aux collectivités locales serait accompagné du transfert des moyens correspondants. Il convient de poursuivre dans cette voie.