Intervention de Brice Hortefeux

Réunion du 12 avril 2006 à 21h00
Difficultés éprouvées par les collectivités territoriales dans l'accès aux informations — Discussion d'une question orale avec débat

Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales :

J'ai bien conscience que les échanges d'informations entre l'État et les collectivités locales sont et doivent être réciproques, c'est-à-dire qu'ils doivent aller des collectivités vers l'État mais aussi de l'État vers les collectivités. Tel est le principe de base qui doit guider notre réflexion.

Commençons donc par les informations que l'État sollicite des collectivités locales.

Dès les premières lois de décentralisation - cela ne date donc pas de 2004, je m'empresse de le préciser -, le législateur a posé la règle selon laquelle « tout transfert de compétences de l'État à une collectivité territoriale entraîne pour celle-ci l'obligation de poursuivre l'établissement des statistiques liées à l'exercice des compétences ». Il est donc de l'intérêt de tous de progresser dans ces échanges d'informations sur les compétences décentralisées.

L'État s'est engagé dans cet effort avec le souci de faciliter le travail demandé aux collectivités et de leur restituer les informations recensées.

À cet égard, je citerai rapidement deux exemples.

Le premier concerne le service « statistiques » du ministère de l'emploi, c'est-à-dire la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES. Cette direction a récemment refondu la nouvelle enquête auprès des régions sur la formation professionnelle et sur l'apprentissage.

Le second exemple a trait à la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, la DREES. Cette direction, qui est responsable des études dans le champ sanitaire et social, s'est engagée dans la voie de la dématérialisation de la remontée d'informations. C'est d'ores et déjà le cas pour le RMI, ce sera le cas, dans le courant de 2006, pour l'allocation personnalisée d'autonomie, la prestation de compensation du handicap et le fonds d'aide aux jeunes. Le retour d'information vers les conseils généraux sera, monsieur Puech, bien entendu garanti.

Je ne souhaite pas m'attarder trop sur ce premier aspect de la question, même si d'autres choses pourraient être dites, car ce n'est pas le coeur du débat.

J'en arrive aux informations que les collectivités sont en droit d'attendre directement de l'État.

Monsieur Puech, vous distinguez les informations de nature financière des informations de nature sociale.

Vous estimez, fort justement, que les échanges d'informations financières sont désormais, - je suis volontairement prudent -, globalement satisfaisants.

Certains de ces échanges sont d'ailleurs anciens.

En matière fiscale, la loi prévoit - qui pourrait d'ailleurs s'en étonner ? - que l'administration fiscale est tenue de transmettre chaque année aux collectivités locales les rôles généraux des impôts directs locaux comportant les impositions émises à leur profit.

En matière de dotations, le code général des collectivités locales organise depuis de nombreuses années les obligations de l'État envers les collectivités. Cela signifie, très concrètement, que l'État a ainsi l'obligation de communiquer aux collectivités le montant de leur DGF avant le 15 mars.

Je crois sincèrement que ces efforts d'information ont tendance à s'améliorer.

Tout d'abord, certains de ces échanges sont désormais plus rapides.

Je citerai l'exemple des dotations de l'État gérées par le ministère de l'intérieur. Elles sont désormais, comme l'a souligné l'un des orateurs, mises en ligne sur le site Internet du ministère. Cela ne vaut pas notification officielle, j'en ai bien conscience, mais cela fait gagner un temps précieux aux collectivités locales dans l'élaboration de leur budget.

Ainsi, dès le 10 février, les élus pouvaient trouver sur ce site la dotation forfaitaire de chaque commune, l'essentiel de la DGF des départements et la totalité de la DGF des régions.

La dotation de compensation des EPCI était mise en ligne dès le 14 février ; la dotation de péréquation urbaine des départements et la dotation de fonctionnement minimale l'étaient dès le 16 février, ce qui d'ailleurs a encouragé certains à écrire sur cette dernière. La DGF intercommunale l'est, quant à elle, depuis le 2 mars. La DSU, la DSR et la dotation particulière « élu local » ont été mises en ligne dès le 13 mars.

Ensuite - et c'est le second facteur d'amélioration des échanges d'informations -, plusieurs dispositions ont été récemment adoptées afin d'améliorer l'information des collectivités locales sur l'état de leurs bases fiscales.

Vous avez cité, monsieur le sénateur, l'article 106 de la loi de finances initiale pour 2006. Aux termes de cet article, l'administration fiscale est dorénavant tenue de transmettre, chaque année, aux collectivités locales, les montants des rôles supplémentaires.

En outre, les services de l'État doivent communiquer chaque année, à chaque collectivité territoriale, le montant des compensations d'exonération de fiscalité directe locale versées par l'État et la part de la DGF correspondant aux montants antérieurement perçus au titre de la compensation de la suppression de la part salaires des bases de la taxe professionnelle.

Une deuxième disposition a été très récemment adoptée : l'article 107 de la loi de finances initiale pour 2006. Ainsi que vous le savez, le livre des procédures fiscales permet aux communes et à l'administration de se communiquer mutuellement les informations nécessaires au recensement des bases des impositions directes locales. Cet article 107 élargit concrètement le domaine de ces dispositions à l'ensemble des collectivités locales et de leurs EPCI.

Dernière disposition : le code général des collectivités territoriales a été récemment modifié afin d'actualiser la liste des informations nécessaires que le représentant de l'État doit communiquer avant le 15 mars.

Le préfet doit donc désormais communiquer aux maires un état indiquant le montant prévisionnel des bases nettes de chacune des quatre taxes directes locales et de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, les taux nets d'imposition adoptés par la commune l'année précédente, les taux moyens de référence aux niveaux national et départemental et les taux plafonds opposables à la commune.

Le préfet doit, par ailleurs, notifier le montant de la dotation de compensation de la taxe professionnelle et le montant prévisionnel des compensations versées en contrepartie des exonérations et abattements de fiscalité directe locale.

Il va de soi que ces mêmes informations doivent être notifiées aux présidents des exécutifs départementaux et régionaux.

Cela me semble répondre à vos préoccupations légitimes en matière d'information financière.

Enfin, monsieur Puech, vous avez évoqué les échanges d'information dans le contexte, plus ponctuel mais non marginal, de la mise en oeuvre de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

Je rappellerai tout d'abord que le Gouvernement s'est attaché à ce que les élus locaux disposent, dans le cadre des instances nationales, qu'il s'agisse de la Commission d'évaluation des charges ou de la Commission nationale de conciliation, de toutes les informations nécessaires sur les transferts de compétences.

Ces instances garantissent véritablement la plus grande transparence quant aux conditions de ces transferts de compétences.

Vous le savez, les articles 132 à 134 de la loi du 13 août 2004 posent d'ailleurs un principe général, selon lequel les exécutifs locaux reçoivent des préfets, à leur demande, les informations nécessaires à l'exercice de leurs attributions.

Le principe d'un échange d'informations entre administrations de l'État et collectivités territoriales est donc consacré, et les préfets en sont eux-mêmes les garants.

Au cours de ce processus, il semblerait y avoir parfois, si je vous ai bien entendu, des phases durant lesquelles la transmission de l'information se fait de façon plus ou moins conforme à ce qu'elle devrait être. Je vous le concède, cela peut se produire en effet. L'important est, toutefois, qu'au terme du processus, lorsque des décisions sont effectivement prises, elles le soient bien sur la bases d'informations construites, vérifiées, discutées et partagées.

Qu'en est-il, maintenant, de la transmission d'informations de l'État aux collectivités locales dans le domaine social ?

Dans ce domaine, nous ne partons pas de rien, rappelons-le, et des améliorations qui me paraissent, comme à vous, indispensables sont en cours.

Vous avez évoqué trois champs, monsieur Puech : l'emploi, le logement et l'action sociale.

Dans le domaine de l'emploi tout d'abord, je rappelle que les maires peuvent, à leur demande, se faire communiquer mensuellement par l'ANPE la liste des demandeurs d'emploi domiciliés dans leur commune. J'ai l'impression, à vrai dire, que ces dispositions sont encore trop souvent méconnues.

Le maire peut ainsi être informé de la situation de chaque demandeur d'emploi au regard du régime d'assurance chômage ou de l'allocation spécifique de solidarité. Ces informations peuvent être partagées avec ses adjoints et les services municipaux compétents.

L'ANPE a, par ailleurs, mis en place au profit des maires des communes de plus de 3 500 habitants un service leur permettant d'accéder aux chiffres de l'emploi - évolution du nombre de demandeurs d'emplois sur la commune, offres d'emplois sur la commune - et je crois que cette initiative répond à la demande des élus locaux

Ce souci de coopération et d'échange d'informations entre l'État et les élus locaux au service de l'emploi est au coeur du plan gouvernemental de cohésion sociale.

Je pourrais en donner plusieurs illustrations ; je n'en mentionnerai qu'une, qui me semble révélatrice et symbolique : les maisons de l'emploi.

La vocation de ces maisons de l'emploi, vous le savez, est d'assurer, au plus près du terrain, une meilleure coopération entre les partenaires du service public de l'emploi - collectivités locales et intercommunalités, services de l'État, ANPE, UNEDIC, missions locales -, autour d'un projet de territoire porté par les élus locaux et partagé avec les autres partenaires du service public de l'emploi.

Dans le cadre des maisons de l'emploi, un dispositif de dossier unique du demandeur d'emploi est en cours de constitution. Les collectivités territoriales, partenaires de cette maison de l'emploi, pourraient être destinataires d'une partie des données traitées dans ce dossier unique. Une déclaration pour un dispositif expérimental a d'ailleurs déjà été faite auprès de la CNIL.

Ce sont déjà 126 maisons de l'emploi qui ont été labellisées, et le plan de cohésion sociale prévoit d'en implanter 300 sur l'ensemble du territoire afin d'améliorer le service rendu aux employeurs et aux demandeurs d'emplois.

J'avais prévu d'évoquer également à l'appui de mon propos les exemples de la revitalisation des bassins d'emploi et de l'insertion professionnelle des publics en difficulté, mais pour ne pas prolonger outre mesure cette discussion, je passerai immédiatement au domaine du logement.

Je rappellerai qu'il appartient aux services du ministère du logement de mettre à la disposition des élus toutes les données nécessaires à l'exercice des compétences locales.

Dans le cadre des délégations de gestion des aides à la pierre, instituées par loi de décentralisation du 13 août 2004, la mise en place d'un dispositif d'observation de l'habitat est prévue.

Dans le domaine de l'aide et de l'action sociale enfin, domaine dans lequel les collectivités territoriales jouent depuis longtemps un rôle essentiel, plusieurs dispositions posent déjà le principe de l'accès à l'information.

D'une manière générale, l'accès des collectivités territoriales aux données à caractère social, qui sont souvent des données protégées par le secret professionnel, est directement lié à l'exercice du pouvoir d'attribuer des aides sociales ou de contrôler le respect des règles applicables aux formes d'aides sociales qui est reconnu aux autorités locales.

Le code de l'action sociale et des familles prévoit que, par dérogation aux dispositions qui les assujettissent au secret professionnel, les agents des administrations fiscales, tout comme ceux des organismes de la sécurité sociale et de la mutualité sociale agricole, la MSA, sont habilités à communiquer aux autorités administratives compétentes, le président du conseil général ou le préfet, les renseignements qu'ils détiennent et qui sont à l'évidence nécessaires à l'instruction des demandes tendant à l'admission à une forme quelconque d'aide sociale.

Ce principe est complété en ce qui concerne l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA : les administrations fiscales, les collectivités territoriales, les organismes de sécurité sociale et de retraite complémentaire sont tenus de communiquer les informations que sollicitent les départements afin de vérifier les déclarations des intéressés et de s'assurer de l'effectivité de l'aide qu'ils reçoivent.

En ce qui concerne le RMI, les informations recueillies par les organismes payeurs, la CAF et la MSA, auprès des administrations financières et des organismes de sécurité sociale ou d'indemnisation du chômage peuvent être portées à la connaissance du président du conseil général et du président de la commission locale d'insertion compétente.

J'ajoute qu'à la suite de la loi portant décentralisation du RMI du 18 décembre 2003 il est fait obligation aux CAF et aux caisses de MSA de transmettre mensuellement aux départements les données de gestion nominatives, les données financières et les données de pilotage statistique.

Pour sa part, l'ANPE transmet aux conseils généraux des informations relatives aux actions proposées aux demandeurs d'emploi bénéficiaires du RMI. Ces données servent à l'élaboration et au suivi du volet emploi du contrat d'insertion.

L'accès aux informations sociales n'est cependant pas, selon les textes, exclusivement réservé aux départements. Comme en matière d'emploi, l'échelon communal bénéficie également, en un certain nombre de cas, de cet accès aux informations.

Voilà ce que je voulais vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, quant à la législation. Cependant, à l'évidence, monsieur Puech, votre demande va au-delà des seuls textes de loi et vise à une collaboration plus efficace, plus dynamique et plus confiante entre les différents acteurs.

Au-delà des textes, ce sont très certainement les pratiques qui doivent évoluer pour tenir compte de la décentralisation et des nouvelles responsabilités locales.

Quelques initiatives sont déjà en cours et méritent que nous nous y arrêtions. J'en évoquerai quelques-unes.

Depuis 2004, la DRESS a ouvert aux départements ainsi qu'aux régions la base de données sociales localisées, jusque là réservée aux seuls services de l'État. Les communes pourront y accéder sur internet dès la fin du premier semestre 2006.

Cette base rassemble des données issues de plusieurs ministères et organismes institutionnels. Elle est constituée d'une cinquantaine d'indicateurs, validés et classés selon six thèmes : minima sociaux, marché du travail et chômage, logement, formation et échec scolaire, santé et accès aux soins, protection de l'enfance et prévention des risques.

Ces indicateurs sont disponibles. Ils sont géographiquement détaillés puisqu'ils se retrouvent à six niveaux : France, régions, départements, zones d'emploi, cantons, communes urbaines. Ils seront naturellement actualisés chaque année.

Par ailleurs, les contrats d'objectifs que l'État conclut avec ses grands opérateurs intègrent désormais pleinement les nouvelles responsabilités locales et font de la collaboration avec les autorités locales élues une priorité.

Vous avez en mémoire la convention d'objectifs et de gestion, la COG, conclue en 2005 avec la CNAF, ainsi que la convention d'objectifs conclue en 2005 avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie pour la période 2006-2009, ou encore le troisième contrat de progrès conclu en 2005 avec l'AFPA pour la période 2004-2008. Vous connaissez les détails de ces accords, qui ont été évoqués lors de débats antérieurs.

J'aimerais maintenant vous faire part de propositions de réformes législatives qui pourraient concerner trois domaines.

S'agissant du RMI tout d'abord, je voudrais rappeler que la loi du 23 mars 2006 relative au retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux prévoit un nouveau dispositif d'information du président du conseil général. Celui-ci sera informé des situations de travail illégal par les organismes de contrôle : inspections du travail, agents des impôts, des douanes et des URSSAF.

Cette mesure répond très précisément...

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