Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, parler de fin de vie, de mourants, de mort est extrêmement difficile.
Le cas douloureux de Chantal Sébire ne laisse personne indifférent, bien au contraire. Les images vues à la télévision étaient bouleversantes, les propos tenus par Mme Sébire étaient poignants.
Mais, aujourd'hui encore, je ne comprends vraiment pas pourquoi le cas de Mme Sébire a été autant médiatisé.
Il est certain que le débat sur l'euthanasie refait surface ; la preuve en est le nombre d'articles écrits, l'importance des débats audio ou télévisés, sans oublier tous les courriers que nous recevons.
Or, en 2005, loin de toute pression médiatique et de tout excès, le législateur, menant un travail « serein », avait pris le temps de la réflexion pour aboutir à un texte équilibré qui constitue, j'en reste persuadée, une avancée majeure pour les droits des malades en fin de vie. Le choix avait été fait de ne pas toucher au code pénal pour ne pas banaliser « l'autorisation de tuer ». Seul le code de la santé publique avait été modifié, car la nuance existe entre le fait de donner la mort et celui de ne pas l'empêcher. À ce titre, cette différence éthique fondamentale doit être maintenue.
Les rapports élaborés par Régis Aubry et Marie de Hennezel le confirment, si la loi est décriée, c'est qu'elle est mal connue, mal comprise et donc mal appliquée.
Alors que la loi Leonetti couvre un large éventail de situations douloureuses de fin de vie et que des efforts notables ont été consentis ces dernières années pour développer des soins palliatifs et des soins d'accompagnement, de trop nombreuses personnes meurent encore dans des souffrances non soulagées et dans la solitude.
Face à ces souffrances et à cette solitude, le fait d'autoriser la mort, d'abréger la vie peut apparaître comme l'unique façon d'aider à mourir dans la dignité.
Or, pour l'avoir vécu, je reste convaincue que la réponse n'est pas d'autoriser la mort, ce qui reviendrait à dépénaliser l'euthanasie ; elle est bien plutôt dans l'accompagnement et le soutien de la personne malade, de la personne en fin de vie : lui prodiguer les traitements sans obstination déraisonnable, lui administrer tous les soins adaptés, être le plus possible à ses côtés. « Ils auraient mieux aimé de nous un sourire pendant leur vie que toutes nos larmes après leur mort », a écrit Chateaubriand.
Madame le ministre, lors d'une réponse à l'un de nos collègues, vous avez dit : « Il a, en effet, été constaté qu'une demande d'euthanasie n'était pas maintenue si des soins palliatifs de qualité étaient proposés. »
En 2004, à l'annonce de la reprise d'un cancer avec métastases, ma fille a dit à mon mari médecin : « Papa, je ne veux plus souffrir, je ne peux plus supporter tous ces traitements, je ne veux plus dépendre de tout le monde. Ne me laisse pas, fais quelque chose, je ne veux plus vivre ! ».
Malgré les traitements, la maladie s'aggrave, les douleurs s'apaisent difficilement. Notre fille est alors admise dans un service de soins palliatifs ; après quelques jours, elle m'a dit : « je dois vivre ; il y a Xavier, il y a les enfants. Je veux rentrer à la maison. ».
Notre fille était calme, apaisée, rassurée. Les soins qui lui étaient prodigués chaque jour, chaque heure, l'étaient avec beaucoup de compétences, mais aussi beaucoup de tendresse ; la famille l'entourait sans cesse. Elle nous a quittés six semaines plus tard.
Si j'ai tenu, avec beaucoup d'émotion, à m'exprimer par le vécu, c'est que, tout comme vous, madame le ministre, je suis à tout jamais convaincue qu'un malade bien entouré, bien soigné, peut changer d'avis, même s'il sent la mort proche.
Je profite de cette intervention pour remercier tous les soignants, plus particulièrement les membres de l'équipe des soins palliatifs de Zuydcoote, établissement que M. le Président de la République et vous-même, madame le ministre, êtes venus visiter. Ils sont exemplaires dans la prise en charge de la douleur du malade.
Si cet exemple peut être salué, ne nions pas que la France souffre d'un manque de développement des soins palliatifs. De ce fait, de profondes inégalités subsistent dans l'accès aux soins.