Intervention de Roselyne Bachelot-Narquin

Réunion du 8 avril 2008 à 16h00
Aide aux malades en fin de vie — Discussion d'une question orale avec débat

Roselyne Bachelot-Narquin, ministre :

L'engagement de doubler les places de soins palliatifs à la fin du mandat sera tenu. L'excellent rapport de Régis Aubry, qui montre bien que cette démarche palliative est évidemment pluridisciplinaire et plurifactorielle, nous y aidera.

Ce débat interpelle aussi l'ensemble de notre société.

Nicolas About comme Alain Milon ont repris l'interrogation de Philippe Ariès sur les rapports de notre société avec la mort : 80 % des malades meurent à l'hôpital, les trois quarts d'entre eux sans être entourés de leur famille. Nous n'acceptons plus l'idée de la mort. Les familles ne veulent même plus recevoir la dépouille mortelle de leurs proches dans leur propre maison. Nous n'acceptons plus que des enfants ou des jeunes rendent visite à ces dépouilles mortelles, qu'ils assistent aux obsèques. Certaines des difficultés que rencontrent les étudiants en médecine au début de leurs études, le véritable choc que constitue pour eux l'entrée dans ces études sont dus au fait qu'ils n'ont jamais auparavant rencontré la mort, qui va pourtant être leur compagne de route.

Les événements tragiques récemment survenus, fortement médiatisés et qui ont suscité une émotion partagée, ont ouvert un débat portant sur l'exception d'euthanasie, concept contesté par André Lardeux.

Il ne faut pas confondre le débat sur la mort et le débat sur la souffrance. Or la confusion est souvent grande dans ce domaine. Nous, soignants, avons tous été confrontés à des douleurs insoutenables, des malades qui ont réclamé la mort et qui sont toujours en vie plusieurs dizaines d'années après.

Il y a des douleurs insupportables. Nul ne le nie. Nul ne peut y être insensible. La question que nous nous posons, que vous posez, est de savoir si une évolution de la loi pourrait permettre de mieux gérer ces cas exceptionnels. Cette question difficile appelle une réponse complexe. La difficulté réside dans la définition même des exceptions, la loi ne pouvant définir que des principes.

Patricia Schillinger parle du malade conscient, François Autain évoque le cas douloureux d'Hervé P. et Jean-Pierre Godefroy évoque l'absolue nécessité du consentement éclairé, répété et clairement obtenu. Or, dans l'exemple justement cité, le consentement éclairé du malade conscient était impossible à obtenir.

Il en est de même de la question de la directive anticipée. Gérard Dériot a bien marqué la différence entre la réalité abstraite d'un consentement formulé à un moment de la vie et l'instant de vérité où la Mort vient prendre le pauvre bûcheron.

Ce qui est exception ressortit à l'espèce, non au genre. Ainsi, instituer une loi qui fixerait par avance l'exception, c'est bien courir le risque que la loi manque son but. Produire une telle loi est d'ailleurs incompatible avec l'idée même de la loi. Comment la loi pourrait-elle, en effet, définir dans leur singularité radicale, irréductible à toute anticipation abstraite, les cas exceptionnels ?

À supposer qu'on soit capable de rédiger une telle loi, les médecins auront toujours à trancher, dans chaque cas singulier soumis à leur appréciation.

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