Monsieur le président, madame la ministre de la défense, monsieur le ministre délégué aux anciens combattants, mes chers collègues, les crédits destinés au monde combattant sont désormais inscrits dans une mission au titre évocateur, « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ». Si j'insiste sur cet intitulé, c'est que sa gestation a été quelque peu difficile ! Je me réjouis donc que l'expression « anciens combattants », qui n'apparaissait pas dans la mouture initiale, ait été introduite.
Cette mission comprend trois programmes et un certain nombre d'actions.
Le programme 167, « Liens entre la nation et son armée », a pour objectif l'esprit de défense. Il se compose de quatre actions : l'action « Journée d'appel de préparation à la défense » - qui dispose de la majorité des crédits et des effectifs du programme -, l'action « Politique de la mémoire », l'action « Promotion et valorisation du patrimoine culturel », l'action « Communication ».
Le programme 169, « Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant », recouvre, avec ses cinq actions, 87, 5 % des crédits.
Le programme 158, « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale », compte deux actions. L'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l'ONAC, est en charge du versement de ces réparations.
Cette mission, avec ses trois programmes, disposera donc pour 2006 de 3, 9 milliards d'euros de crédits de paiement. Je ne lancerai pas la polémique en ramenant le montant de ces crédits au nombre de pensionnés, ou en le comparant à l'évolution du coût de la vie ou à tout autre paramètre. Nous savons tous qu'un verre peut être à moitié vide ou à moitié plein, selon l'approche que nous avons. Je suis rapporteur spécial pour le budget des anciens combattants depuis douze ans et, à ce titre, j'ai déjà présenté le budget à plusieurs ministres ou secrétaires d'État et les réactions des anciens combattants, comme de leurs défenseurs, sont toujours identiques.
Le programme 169, qui est en prise directe avec le monde combattant, a bénéficié des mesures nouvelles du Gouvernement. Tout d'abord, la subvention d'action sociale de l'ONAC progresse de 0, 5 million d'euros. Ensuite, l'article 75 prévoit l'entrée en vigueur de la parité entre les hommes et les femmes dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; son coût est évalué à 0, 5 million d'euros. Enfin, l'indice de la retraite du combattant bénéficie d'une revalorisation de deux points, à partir du 1er juillet 2006. Le montant de cette mesure, contenue à l'article 75 bis, s'élève à 18 millions d'euros.
Avant tout, je tiens à saluer la présence de Mme la ministre de la défense et, au regard de la dramatique actualité de ces dernières semaines, insister sur le rôle social et pédagogique que joue l'armée - essentiellement auprès des jeunes générations les moins favorisées - et par le biais de la journée d'appel de préparation à la défense, la JAPD, et grâce à ses actions de communication. En effet, la JAPD permet non seulement d'apporter une information, mais aussi d'évaluer la situation sociale de chacun et d'offrir un projet d'avenir.
La Défense a, sous votre impulsion, madame la ministre, multiplié les actions de communication et de valorisation des acquis historiques de notre pays, ce qui a permis à tous de mieux appréhender notre passé et d'entrevoir un avenir meilleur. Soyez assurée, madame la ministre, que les anciens combattants sont très sensibles à cette ouverture de leur expérience vers le public et les jeunes.
Monsieur le ministre délégué, je tiens à vous remercier de l'opiniâtreté avec laquelle vous avez défendu le principe du relèvement de la retraite du combattant. Je reconnais avoir douté, dans le contexte actuel, de l'aboutissement de ce projet. À l'issue de l'arbitrage budgétaire de l'été, rien n'était moins sûr ! Je souligne la détermination dont vous avez fait preuve à cet égard.
Certes, accorder deux points de revalorisation à partir du 1er juillet 2006 revient à octroyer un point en année pleine. Toutefois, la Haute Assemblée se serait volontiers satisfaite de deux points dès le 1er janvier prochain et aurait apprécié de pouvoir l'annoncer aux associations, qui attendent ce dégel depuis plus de vingt-cinq ans. Il n'est peut-être pas trop tard...
Quoi qu'il en soit, pour les années à venir, cette revalorisation de deux points est définitivement acquise ; j'insiste sur ce point. Vous auriez pu accorder un point pour 2006 et promettre - sans savoir ce que l'avenir nous réserve - un point pour 2007. Mais c'eût été beaucoup plus aléatoire. Je vous remercie donc de ce gage pour l'avenir, monsieur le ministre délégué.
Cette attente constituait l'une des revendications majeures du monde combattant, à juste titre d'ailleurs, puisque la retraite du combattant était figée, depuis 1978, à l'indice 33 des pensions militaires d'invalidité. Cependant, ce premier pas doit être retenu comme une amorce de revalorisation, qui appelle, bien évidemment, une poursuite de l'initiative dans les années à venir.
Conscient du rôle déterminant que joue l'ONAC, essentiellement auprès des veuves, vous accroissez systématiquement le montant de ses crédits sociaux depuis ces dernières années, monsieur le ministre délégué, anticipant ainsi sur une demande que ne manqueraient pas de vous adresser les parlementaires. Nous ne pouvons que nous féliciter de cette initiative et, là encore, vous remercier, d'une part, parce que le sort des veuves de combattants - hélas ! très nombreuses et souvent démunies - nous préoccupe beaucoup ; d'autre part, parce que la mission de l'ONAC en sort confortée.
Les champs d'action de cet office, en matière tant de politique sociale que de mémoire, militent d'ailleurs en faveur d'une pérennisation durable de l'institution. Tel était, en tout état de cause, l'objet du contrat d'objectifs et de moyens de 2003. Toutefois, si l'action de l'ONAC à l'égard des veuves est déterminante, elle demeure essentiellement ponctuelle.
Je suis donc tenté d'adhérer à la proposition émise par nos collègues députés membres de la commission des finances, qui consiste à leur allouer une allocation différentielle dont le principe serait calqué sur celui du fonds de solidarité pour les anciens combattants d'Afrique du Nord.
Le 8 novembre dernier, à l'Assemblée nationale, monsieur le ministre délégué, vous avez suggéré la mise en place d'un groupe de travail chargé d'analyser la faisabilité de ce projet. Pouvez-vous nous confirmer aujourd'hui la création d'un tel groupe au cours du premier semestre de l'année 2006, dont les conclusions seraient remises avant l'arbitrage budgétaire de l'été prochain ?
Toutefois, en accord avec mes collègues de la commission des finances, j'appelle votre attention sur la situation des orphelins des prisonniers du Viêt-minh. Alors que, en application de la loi du 31 décembre 1989, les victimes sont assimilées aux déportés des camps nazis, leurs orphelins subissent un sort différent. On ne peut que déplorer là un oubli évident du législateur.
Tout le monde sait le soin scrupuleux qu'a mis la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations, la CIVS, à déterminer le champ d'application du décret d'extension. Mais le mieux est l'ennemi du bien, et ces quelques dizaines d'intéressés ont échappé à sa vigilance. Je ne doute pas, monsieur le ministre délégué, que vous aurez à coeur de les réhabiliter dans leurs droits.
J'insisterai également sur le sentiment d'abandon dont souffrent les pupilles de la nation, orphelins de guerre, à la suite des mesures adoptées depuis l'été 2000 en faveur des orphelins de déportés. Sans solliciter l'extension pure et simple des décrets, je pense, après concertation avec leurs représentants, qu'il serait bon de se pencher sur la situation de ces autres orphelins oubliés.
Je ne puis m'empêcher de penser également à d'autres laissés-pour-compte, les orphelins des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes, Reichsarbeitsdienst-Kriegshilfäsdienst, les RAD-KHD, à qui l'on a vainement laissé espérer une indemnisation. Je sais, pour avoir assisté à la rencontre que vous aviez organisée avec le président de la Fondation pour l'entente franco-allemande au mois de mai 2003 à Strasbourg, que cette instance fait preuve d'une mauvaise volonté patente sur ce dossier.
Toutefois, je ne puis admettre que le gouvernement français, convaincu du bien-fondé de sa démarche, ne puisse -ne serait-ce qu'à l'usure ! - obtenir gain de cause, d'autant que nous savons que la fondation dispose de fonds inutilisés très importants.
Je me dois également de vous rappeler le mécontentement des anciens combattants mutualistes, monsieur le ministre délégué. Même si l'on peut juger qu'ils ne sont pas parmi les plus nécessiteux, je comprends leur frustration. Je me suis déjà expliqué sur ce point lors du précédent débat budgétaire.
La question du plafond majorable de la rente mutualiste avait été judicieusement réglée par l'un de vos prédécesseurs, aujourd'hui sénateur, qui avait instauré une augmentation systématique de 5 points par an, ce qui avait mis alors fin à toute polémique. Monsieur le délégué, vous avez rompu avec ce principe en accordant, en 2003, une majoration de 7, 5 points, que j'avais alors jugée exagérée. En figeant ensuite ce plafond, vous avez confirmé mes inquiétudes. Si cette décision n'était pas intervenue, l'objectif des 130 points souhaité par les associations serait aujourd'hui atteint et cette question serait tranchée.
J'aborderai maintenant une question qui me tient à coeur et dont les médias se sont légitimement emparés lors des cérémonies du 11 novembre dernier. Il s'agit de la départementalisation des routes nationales et de son incidence sur les conditions d'entretien des monuments aux morts ou des autres lieux de commémoration qui les bordent, « la Voie sacrée » constituant l'un des lieux emblématiques de cette inquiétude. Je ne puis imaginer un désengagement de l'État dans ce domaine. Toutefois, je souhaite, monsieur le ministre délégué, que vous nous rassuriez publiquement sur les intentions du Gouvernement en la matière.
Pour en terminer avec les problèmes relatifs au monde combattant qui restent en attente, j'aimerais connaître, monsieur le ministre délégué, la suite que vous comptez donner aux conclusions de l'inspecteur général aux affaires sociales, M. Christian Gall, sur l'application du principe de la campagne double aux anciens fonctionnaires et assimilés combattants, qui vous ont été remises au printemps dernier.
Je formulerai à présent quelques observations « lolfiennes ».
Tout d'abord, les crédits relatifs à la mémoire sont éclatés entre deux programmes : si l'édification des monuments est prévue au programme 167, leur entretien dépend du programme 169 ! Une telle répartition semble pour le moins peu rationnelle et peu respectueuse des principes mêmes de la loi organique relative aux lois de finances !