Monsieur le ministre délégué, l'été dernier, je vous adressais dix questions écrites par lesquelles je vous demandais de faire le point des revendications non satisfaites des anciens combattants. Or, dès réception de vos premières réponses, j'ai perdu le peu d'illusions que j'avais !
Vous m'avez systématiquement répondu que c'était une priorité, mais que vous n'aviez pas les moyens ou que vous alliez réfléchir et créer une commission.
Le débat du mois dernier à l'Assemblée nationale a d'ailleurs malheureusement confirmé que le Gouvernement n'entend pas plus répondre aujourd'hui aux demandes des anciens combattants et victimes de guerre que ces dernières années.
J'évoquerai, tout d'abord - nous commençons à nous y habituer - le tour de passe-passe budgétaire, auquel M. le rapporteur spécial a fait allusion. Ainsi, on nous dit que le budget est en augmentation de 2 %. Or, pour la première fois, on y inclut l'indemnité des orphelins de déportés et de victimes de la barbarie nazie - ce qui représente 207 millions d'euros - qui relevait précédemment des crédits du Premier ministre.
De fait, ce budget est donc en régression de 1, 5 %, voire de plus de 3 % en euros constants.
Cette année encore, il n'est rien de plus qu'un budget de fonctionnement en année pleine. C'est ce que notre collègue rapporteur pour avis appelle « un budget de consolidation des acquis » !
Mais, surtout, aucune réponse n'est apportée aux principales revendications : retraite du combattant, rente mutualiste et pensions pour les veuves.
Vous affirmiez pourtant l'an dernier, monsieur le ministre délégué, que la revalorisation de la retraite du combattant était désormais la première priorité du Gouvernement.
Même si l'on peut prendre acte de deux mesures de moindre importance, à savoir, d'une part, l'introduction de l'égalité hommes-femmes dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre - un amendement de précision sera déposé sur ce sujet - et, d'autre part, une augmentation, qui reste cependant bien insuffisante, de 500 000 euros des crédits d'action sociale de l'ONAC, nous sommes bien loin du compte !
Et je réfute par avance les mauvaises raisons que vous allez invoquer.
Ne me dites pas que c'est une priorité pour le budget prochain ! Ne me dites pas que les moyens budgétaires n'existent pas ! Ne me dites pas qu'un groupe de travail va être constitué ! Tout cela est faux ! Ces propos sont autant de tromperies à l'égard du monde combattant !
Il aura fallu qu'un fait sans précédent se produise, à savoir que les anciens combattants sont descendus dans la rue avec leurs drapeaux, pour que vous lâchiez deux points pour la retraite du combattant, avec, là encore, un tour de passe-passe ! En fait, il ne s'agit que d'un point d'augmentation pour 2006, puisque vous proposez la mise en oeuvre de cette mesure au 1er juillet 2006.
De surcroît, ces 18 millions d'euros - coût de la mesure - ne seront pas utilisés en totalité, puisqu'une partie des retraites du combattant allouées après juillet 2006 ne sera payée qu'en 2007 sur les crédits du budget pour 2007.
Ce n'est pas sérieux, monsieur le ministre délégué ! Vous ne pouvez pas rester sourds de la sorte aux attentes du monde combattant qui se sent, sinon insulté, tout au moins ignoré par ce qu'il considère comme une aumône. Et ne protestez pas : un point, cela représente 13, 13 euros par an !
La retraite du combattant atteint déjà un montant dérisoire de 433, 29 euros par an. L'honnêteté, la sagesse, le bon sens voudraient que l'on accorde au moins trois points cette année, avec une mise en oeuvre au 1er janvier 2006. Je vous proposerai tout à l'heure deux amendements destinés à aller dans ce sens.
Je voudrais souligner ici la mascarade qui a eu lieu à l'Assemblée nationale le mois dernier, lorsque 150 députés, après avoir déposé un amendement prévoyant 38 millions d'euros, soit deux points au 1er janvier 2006, l'ont ensuite retiré sans débat pour laisser place à celui du Gouvernement, bien moins avantageux !
Concernant les veuves, vous vous vantez, cette année encore, du relèvement des pensions de quinze points d'indice effectué le 1er juillet 2004 et poursuivi en 2005. C'est bien la moindre des choses, mais je vous rappelle que vous aviez insisté sur le fait que la situation des veuves relevait d'un traitement urgent qu'il convenait d'inscrire dans un plan sur cinq ans. Qu'attendez-vous donc ?
Vous dites, à présent, qu'une allocation spécifique viendrait en concurrence avec les prestations déjà servies aux intéressées dans le cadre du régime d'indemnisation actuel. Vous affirmez, en outre, que vous ne disposez pas de chiffres relatifs aux veuves. Toutefois, un rapport a été remis au Parlement concernant les anciens combattants et leurs veuves âgées de plus de soixante ans et dont les ressources sont inférieures au SMIC, ledit rapport étant prévu par la loi de finances de 2004.
Ce qu'il faut mettre en place, aujourd'hui, c'est une allocation différentielle de solidarité raisonnable pour les veuves les plus défavorisées, allocation qui n'absorberait pas la moitié de la diminution annuelle du fonds de solidarité des anciens combattants d'Afrique du nord et ne représenterait que 0, 143 % du budget global des anciens combattants, soit 5, 57 millions d'euros.
Et que la majorité ne nous joue pas le même numéro qu'à l'Assemblée nationale où la commission des finances, après avoir adopté un amendement pour l'allocation différentielle, l'a par la suite retiré, comptant sur votre nouvelle promesse de régler la question l'année prochaine !
S'agissant du plafond majorable de la rente mutualiste, nous savons l'attente que représente son relèvement pour les anciens combattants et leurs mutuelles.
Vous l'avez porté à 122, 5 points en 2003, puis plus rien ! Or vous nous aviez pourtant dit, là aussi, que c'était l'une de vos priorités !
Revenons également sur la campagne double, cette très ancienne revendication, qui consiste en l'octroi d'un avantage particulier de la liquidation de la pension de retraite aux fonctionnaires civils et assimilés. Dans les textes datant de 1948, ce bénéfice de campagne fut accordé aux anciens combattants d'Indochine, de Madagascar, de Corée et de Suez, écartant délibérément les anciens combattants de la guerre d'Algérie.
Il vient d'être accordé aux militaires en service sur le territoire du Koweit, et il n'y a aucune raison pour que ce ne soit pas le cas, également, pour les combats d'Afrique du Nord.
Le rapport Gal vous a été rendu. Il se trouve à présent au Conseil d'État, « pour complément d'étude », comme vous l'avez affirmé devant l'Assemblée nationale, le mois dernier. Il faudrait que la représentation nationale et les associations, qui avaient réclamé ce rapport, en aient connaissance au plus tôt !
J'évoquerai, cette année encore, les RAD-KHD, c'est-à-dire ceux qui furent incorporés de force dans les formations paramilitaires nazies. Ce dossier a avancé, puisque la France a proposé de prendre en charge 50 % de leur indemnisation. Toutefois, la Fondation pour l'entente franco-allemande continue de le bloquer. Monsieur le ministre délégué, que comptez-vous faire pour clore, enfin, ce douloureux dossier ?
Enfin, le droit à réparation doit s'appliquer à tous, j'y insiste, y compris aux victimes de la guerre du Golfe ou des irradiations nucléaires consécutives aux essais effectués dans le Sahara et en Polynésie. Il faudra bien que nous nous penchions sérieusement sur ces douloureux dossiers, et je tiens, tout particulièrement, à saluer le travail réalisé par l'ARAC, aux côtés des associations de victimes, notamment l'AVEN, l'association des vétérans des essais nucléaires, et AVIGOLFE, l'association des victimes civiles et militaires de la guerre du Golfe.
Vous ne serez donc pas surpris que nous ne votions pas un budget qui n'est pas à la hauteur de vos promesses au monde combattant.
Par ailleurs, il faudra bien nous pencher sur de nombreux autres problèmes, sans doute moins médiatisés que les précédents, mais néanmoins importants. Compte tenu du peu de temps qui m'est imparti, je ne serai pas exhaustif
J'évoquerai, tout d'abord, le rapport constant, pour lequel rien n'est réglé. Une commission tripartite doit impérativement se réunir, afin d'estimer le retard qu'a pris la valeur du point et décider de mesures de rattrapage, comme en 1978, quand fut prévue une mise à niveau, par étapes, de 1981 à 1985.
Monsieur le ministre délégué, pourriez-vous nous éclairer sur la parution du décret de relèvement de la valeur du point PMI, en fonction de l'augmentation des traitements de la fonction publique ? Ce décret devra paraître avant le 31 décembre 2005 et être appliqué sans délai !
Permettez-moi, aussi, d'évoquer les « enfants de Buchenwald ». Il s'agit du cas particulier de jeunes déportés originaires d'autres pays, qui n'avaient pas la nationalité française au moment des faits. Ces enfants, qui n'avaient plus rien, n'ont pu rejoindre leur pays d'origine et ont été sauvés grâce aux déportés français qui, ne voulant pas les abandonner, les ont amenés avec eux dans notre pays. Ils ont ainsi acquis la nationalité française.
À la Libération, 2 000 de ces enfants ont été accueillis en France, sur décision du Général de Gaulle, dont 427 venaient de Buchenwald. Pourtant, ces déportés n'ont jamais pu obtenir le droit à la pension d'invalidité, malgré les nombreuses interventions de M. Guy Ducoloné, ancien résistant et déporté, président de l'amicale de Buchenwald-Dora et ancien vice-président de l'Assemblée nationale
Parmi eux, nous pouvons estimer, aujourd'hui, en totalisant les déportés de tous les camps de concentration, qu'il ne reste que quelques dizaines de survivants. Même si, pour nombre d'entre eux, il est trop tard, ne conviendrait-il pas de revenir sur cette injuste différence de traitement entre les personnes déportées ? Une association a d'ailleurs récemment saisi à ce sujet la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.
Je terminerai en vous parlant de la mémoire, pour déplorer que celle-ci soit si souvent tronquée, quand elle n'est pas falsifiée. Tout d'abord, j'affirmerai, de nouveau, qu'il n'est pas question que l'on nous impose une journée unique du souvenir, le 11 novembre, ainsi que l'a proposé un groupe de sénateurs de la majorité dans une proposition de loi. Je n'accuse personne, mais je préfère que les choses soient exprimées !
Je dénoncerai, une fois encore, la tromperie que constitue le choix de la date du 5 décembre, au lieu de celle du 19 mars, pour commémorer la guerre d'Algérie.