Tous les gouvernements prennent des mesures dans le domaine du droit à réparation et dans leurs relations avec le monde combattant. Ces décisions répondent peu ou prou aux revendications présentées. Certaines sont significatives, d'autres sont trompeuses.
Parmi les mesures significatives, permettez-moi de rappeler la reconnaissance de la guerre d'Algérie, une décision qui honore encore aujourd'hui le Parlement.
Parmi les plus trompeuses, il y a celle de la réforme du rapport constant afin de le rendre plus lisible. Cette nouvelle lisibilité se traduit par une majoration de 0, 33 euro par trimestre. Vous n'ignorez pas que la demande du monde combattant portait sur le coeur du mécanisme, qui renvoyait à des données très anciennes. De la réforme, les anciens combattants attendaient une revalorisation substantielle de leurs droits et vous ne leur offrez que 0, 33 euro par trimestre !
Quand vous confiez à un inspecteur général des affaires sociales un rapport sur la campagne double, vous ne pouvez pas ignorer le nombre de rapports déjà produits sur le sujet. Toutes les données financières et juridiques sont connues de vous ; du moins, on peut l'espérer ! Vous avez refusé la création d'une commission tripartite qui aurait pu, contradictoirement, examiner les différents rapports existants. Mieux vaudrait tout simplement reconnaître que vous voulez gagner du temps. Mais je ne pense pas que le monde combattant soit dupe !
Vous avez sollicité le Conseil d'Etat, mais comment, après avoir accordé le bénéfice de la campagne double aux militaires ayant servi au Koweït, ne pas le faire pour la guerre d'Algérie ?
Combien de temps faudra-t-il pour répondre à la demande des associations concernant l'attribution d'une allocation différentielle au bénéfice des veuves ? Vous ne savez pas profiter de l'évolution du monde combattant sur cette question.
Il y a quelques années, face à une proposition de même nature, le monde combattant était hésitant, voire réticent. Il considérait que cette proposition pouvait affaiblir le principe du droit à réparation, auquel tendrait à se substituer un principe de solidarité à caractère social. Cependant, le temps a fait son oeuvre. La réalité l'emporte. Financièrement, cette demande peut être satisfaite avec le concours des fonds de solidarité AFN. Donner satisfaction aux veuves les plus démunies serait une mesure juste et utile.
Dans le numéro du 17 juin 2002 de la revue ONAC Info, vous écriviez que le dossier des veuves bénéficiaires d'une carte de ressortissant de l'ONAC - décision prise avant votre prise de fonction - était votre principale préoccupation. Près de quatre ans plus tard, nous n'avons toujours rien vu venir.
Votre argument qui consiste à dire qu'il est impossible de dénombrer les ayants droit potentiels et de connaître leurs revenus est surprenant. C'est à croire que les services de l'ONAC sont dans un triste état et que vous estimez que les services de Bercy sont incompétents !
À cet égard, comment pouvez-vous affirmer qu'en 2002 l'avenir de l'ONAC était menacé ? La pérennité de l'office a été assurée au moment même où le département ministériel des anciens combattants a été intégré à celui de la défense nationale. Les contrats d'objectifs, dont vous faites état régulièrement, ont été préparés bien avant votre arrivée au ministère.
Qu'en est-il du budget pour 2006 ? Il est maigre et pauvre en mesures significatives. C'est un budget en trompe-l'oeil, dont la baisse réelle ne peut être dissimulée par l'apport de crédits qui figuraient jusqu'alors parmi ceux des services du ministère de la défense et des services du Premier Ministre.
Deux petites mesures sont à signaler. La première permet l'inscription des termes « conjoint survivant » dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Cet ajustement assure l'entrée en vigueur de la parité entre hommes et femmes. Avec la féminisation croissante des armées, cela était nécessaire, et nous approuvons cette mesure.
L'autre mesure concerne les crédits sociaux de l'ONAC, qui augmentent de 500 000 euros. C'est peu au regard des besoins que j'ai rappelés tout à l'heure en évoquant la situation des veuves ressortissantes de cet organisme. C'est peu, aussi, au regard de tous vos engagements.
Sans l'intervention des députés qui, toutes tendances politiques confondues, ont eu le souci de vous aider à tenir votre engagement concernant la valorisation des points de la retraite des anciens combattants, le budget pour 2006 aurait été le budget le plus calamiteux de la décennie. Cependant, cette mesure, qui sera applicable au 1er juillet 2006, n'aura d'incidence qu'en 2007 et, avec cette majoration de 2 points, on est loin du compte.
Finalement, le plus remarquable dans ce budget, c'est ce qui ne s'y trouve pas, et la liste est longue ! Je n'évoquerai que deux exemples.
Le premier concerne, bien sûr, le plafond majorable de la rente mutualiste, qui reste à 122, 5 points, alors que vous vous étiez engagé à la porter à 130 points. Le coût de cette mesure était financièrement supportable - à peine 6 millions d'euros - surtout si on le rapporte à toutes les largesses fiscales que le Gouvernement consent aux plus aisés de nos concitoyens.
Le second exemple, qui est plus spécifique à ma région, concerne l'indemnisation des victimes et notamment des femmes du RAD-KHD, dont je plaide la cause depuis près de neuf ans. Vous avez réuni les parlementaires, les associations, vous avez eu entre les mains les accords passés entre la France et la République fédérale d'Allemagne. Il suffirait que vous pesiez sur la Fondation pour l'entente franco-allemande et sur son président pour que le dossier soit mené à bonne fin. Vous en avez les moyens politiques.
La première mesure aurait consisté à inscrire une ligne budgétaire marquant votre propre volonté. Vous ne l'avez pas fait : cela ressemble fort à un renoncement.
Nous sommes, en permanence, destinataires de courriers de l'Association des pupilles de la nation concernant un dossier que vous connaissez. Vous avez, le 20 septembre 2005, reçu à la sous-préfecture de Thonon-les-Bains une délégation de cette association. Vous auriez manifesté, selon L'Est républicain du lendemain, « un désir très fort de régler dans sa globalité et dans les meilleurs délais le dossier des pupilles de la nation non concernés par les décrets du 13 juillet 2000 et du 27 juillet 2004 ».
Comment faut-il comprendre cette promesse ? Pouvez-vous préciser clairement vos intentions, de telle sorte que les associations concernées s'adressent à qui de droit ?
Permettez-moi de vous indiquer que la décision de retenir la date du 5 décembre comme date de commémoration de la guerre d'Algérie est source de confusion et de division. Le choix de cette date est parvenu à diviser le monde combattant devant les monuments aux morts ! Bel exploit ! Le premier devoir est de rassembler la nation, certainement pas de la diviser.
Chaque année, au 31 décembre, la France est plus riche qu'au 1er janvier de la même année. Elle a donc les moyens de mieux répondre aux attentes du pays concernant le droit à réparation. Encore faudrait-il en avoir la volonté politique. Or cette volonté politique fait défaut. Le Gouvernement n'assume donc pas les devoirs de réparation de la France à l'égard de celles et ceux qui ont répondu à l'appel de la nation chaque fois que celle-ci était engagée dans la défense de ses intérêts vitaux.
Pour toutes ces raisons, les sénatrices et les sénateurs du groupe socialiste ne voteront pas les crédits de cette mission.