Intervention de Daniel Reiner

Réunion du 9 décembre 2005 à 15h20
Loi de finances pour 2006 — Compte d'affectation spéciale : contrôle et sanction automatisés des infractions au code de la route

Photo de Daniel ReinerDaniel Reiner :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons les crédits de la mission « Transports », ainsi que le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », douze programmes qui relèvent de la seule compétence de votre ministère.

Il s'agit là d'une mission stratégique pour l'organisation de la mobilité des personnes et des biens, et d'une mission très complexe car elle doit arbitrer entre différents modes de transports qui sont parfois concurrents, parfois complémentaires, ou les deux à la fois.

C'est, d'abord, une mission stratégique. Les modes de vie, les systèmes de production de plus en plus éclatés, le développement des échanges commerciaux, les évolutions technologiques des moyens de transport, tout concourt à la multiplication des déplacements. C'est un fait.

On peut s'en réjouir, car les transports sont un facteur déterminant de l'exercice par chacun de sa liberté individuelle et d'échanges. En cela, ils sont porteurs de progrès social et de développement économique.

On peut néanmoins le regretter, car le transport est un gros consommateur de temps ainsi que d'énergie et participe largement à la pollution de l'environnement.

Il faut donc, on le voit bien, des autorités organisatrices de transport.

C'est, ensuite, une mission complexe, car il faut arbitrer entre de multiples contingences. Selon nous, elle doit privilégier l'intérêt général plutôt que l'intérêt individuel - il faut éviter tout gaspillage -, la sécurité des usagers et des acteurs, la qualité du service plutôt que la recherche du moindre coût, le respect du long terme, c'est-à-dire l'économie d'énergie et la préservation de l'environnement. Il faut tendre vers un choix volontariste d'infrastructures nouvelles.

La concurrence seule ne peut « trier » entre les modes de transport, sinon la route l'emportera toujours. Il s'agit de jouer de la complémentarité plutôt que de la concurrence entre les modes.

On le voit, l'équation est complexe. Multiples sont les variables. L'une d'entre elles - nul ne peut l'ignorer - a trait aux moyens financiers qu'on veut ou qu'on peut y consacrer.

Gouverner, c'est choisir, dit-on. C'est à cette aune que l'on doit apprécier une politique publique de transport.

Pourrais-je dire ici, au risque de manquer à mon rôle d'opposant, que j'ai pu trouver dans les fascicules budgétaires, et ce grâce aux nouvelles règles de la loi de finances, nombre des idées que je viens d'évoquer rapidement sous la forme des objectifs d'action ?

Et, s'agissant de ces objectifs et de leurs indicateurs, permettez-moi de faire quelques observations.

Au programme « Transports terrestres et maritimes », le deuxième indicateur permet de mesurer le bénéfice socioéconomique des projets d'infrastructures alternatifs à la route. Il est intéressant, mais peut-être pourrait-on y ajouter un indicateur à dimension environnementale. Il faut regretter qu'il n'y en ait aucun. Souvenons-nous de notre engagement de Kyoto.

À propos de l'objectif 4, veiller à une concurrence loyale et harmonisée dans chaque mode de transport dans le cadre européen, je m'interroge : pourquoi la législation européenne est-elle seule visée, alors qu'on connaît son insuffisance, en particulier d'un point de vue social ? Pourquoi ne vise-t-on pas aussi la loi française ? J'ajoute que ces indicateurs, faute d'être interministériels, risquent d'être peu lisibles. Qu'advient-il de l'inspection du travail, de la douane, de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ? Craindrait-on de prendre la mesure de l'insuffisance du nombre d'inspecteurs ?

Enfin, je note que l'objectif 5 ne comporte aucun indicateur sur le transport de voyageurs, ce qui est tout de même assez surprenant. Quant au fret, l'indicateur - en fait, il y en a deux - porte uniquement sur le transport combiné.

Après ces quelques observations, venons-en aux chiffres, car, s'agissant du budget, l'essentiel, ce sont les chiffres !

Que traduit ce budget ? En premier lieu, il montre la poursuite du désengagement de l'État. Tel est le cas dans le transfert des routes nationales aux départements, bien sûr. Tel est également le cas, globalement, dans les montants financiers affectés : hormis les fonds de concours, que j'évoquerai plus loin, ils sont, à périmètre constant, et après le « rabotage » effectué par l'Assemblée nationale, en baisse par rapport à l'an dernier. Les huit programmes de la mission « Transports » diminuent de 6 %, passant, en loi de finances initiale, de 10, 1 milliards d'euros en 2005 à 9, 4 milliards d'euros. Et il n'est point nécessaire d'arguer des réductions de crédit en cours d'exercice puisque les prévisions pour 2006 sont du même ordre que celles qui se sont réalisées en 2005.

Voyons maintenant chaque secteur séparément. S'agissant de RFF, on note que l'État diminue sa participation aux charges d'infrastructures et sa participation au remboursement de la dette, laquelle passe de 800 millions à 730 millions d'euros, après l'amendement adopté par l'Assemblée nationale, alors que le risque est grand que les taux d'intérêt remontent d'ici peu. Et chacun sait ici que la dette globale ferroviaire - 40 milliards d'euros -, qui ne s'est stabilisée que depuis cinq ans, est une épée de Damoclès au-dessus du système ferroviaire français. Si la SNCF parvient à grande peine à gérer sa part de la dette - environ 7 milliards d'euros -, ce ne peut être le cas pour RFF, non plus que, évidemment, pour le service annexe.

Je note l'insuffisance évidente du financement de la régénération du réseau, au regard des besoins tels qu'ils sont reconnus. Initialement, votre projet de budget reconduisait un crédit d'un montant identique à celui de l'an passé - 900 millions d'euros -, soit en fait 2 % de moins en tenant compte de l'inflation. Il a été porté à 970 millions d'euros par un amendement de l'Assemblée nationale. C'est un peu mieux, à la réserve que les 70 millions d'euros ont été repris sur le subventionnement de la dette, ce qui apparaît sinon comme une provocation, à tout le moins comme un artifice.

S'agissant de la SNCF, vous diminuez la participation de l'État aux tarifs sociaux dont bénéficient les familles, les élèves, les étudiants ou les salariés pour leurs trajets domicile-travail. Cette baisse de 20 % serait justifiée par la politique commerciale de l'entreprise. L'explication paraît un peu courte, car ce sont tout de même 20 millions d'euros qui sont en jeu.

Les crédits au transport combiné sont, encore une fois, insuffisants, même si vous nous dites que la situation s'améliore. Pourtant, ce mode de transport constitue à l'évidence une solution intéressante et nécessaire pour jouer de la complémentarité entre le routier, le ferroviaire et le fluvial.

Une récente étude européenne indique que le coût des « externalités environnementales négatives » - telle est la formule - est estimé à 88 euros par millier de tonnes et par kilomètre parcouru pour le trafic routier, et à 18 euros - cinq fois moins - pour le rail. Au total, pour l'ensemble du transport de fret, 94 % de ces coûts sont engendrés par le transport routier. Cela mérite une attention particulière.

Ces crédits s'élevaient à près de 100 millions d'euros voilà cinq ans ; ils se montaient l'an dernier à 16 millions d'euros. C'était la fin annoncée de ce type de transport.

Je veux voir dans la légère amélioration de cette année une prise de conscience, un regret de l'avoir abandonné et un signal positif pour pousser la recherche et les expérimentations sur quelques lignes prometteuses, ainsi que le souhaitait le Conseil national des transports dans le rapport qu'il a consacré à ce sujet.

Je note que l'État persiste à achever d'ici à 2008 son désengagement des transports collectifs urbains en site propre de province. C'est inéquitable par rapport à l'Île-de-France et en contradiction, d'une part, avec les objectifs affichés, d'autre part, avec les engagements qu'a pris l'État républicain : sur les 650 millions d'euros qu'il avait annoncés en 2001, l'État versera 200 millions d'euros à terme.

En outre, que voit-on dans ce budget 2006 : de bienvenus et bienheureux fonds de concours.

Je vise ici les fonds de concours traditionnels aux collectivités territoriales - dans le cadre des contrats de plan -, les participations européennes ou étrangères et ceux de l'AFITF. Ils s'élèveront à plus de 2 milliards d'euros en 2006. À ce propos, il serait bon que la liste complète de ces participations soit établie, avec leurs origines et leurs usages. Le document serait plus lisible et plus prospectif.

Je ne referai pas le débat qui s'est tenu il y a peu ici même. Toutefois, reconnaissons-le, la vente au privé des concessions autoroutières décidée par surprise, annoncée par le Premier ministre, en totale contradiction avec le précédent gouvernement et l'avis quasi unanime du Parlement, arrange bien ce budget des transports. Il fera de même l'an prochain et après... ! Après l'élection présidentielle ! Voilà une preuve évidente que vous avez fait le choix de privilégier le court terme au détriment de l'avenir.

Faut-il rappeler que les dividendes de ces sociétés garantissaient le financement d'un plan ambitieux d'infrastructures nouvelles pour notre pays jusqu'en 2020-2030 ?

Au lieu de cela, on va tenter cette année, avec plus de la moitié de cet argent - qui n'était pas prévu pour cela -, de rattraper le retard des projets de contrats de plan. Car il n'entrait pas dans les missions de l'AFITF de financer des projets de contrats de plan. Il y a là un vrai détournement de destination.

Il est vrai que, à la fin de 2004, alors que le taux de réalisation de ces contrats de plan devait être de 70 %, on en était - vous connaissez les chiffres comme moi - à des taux de l'ordre de 30 % à 50 % selon le mode de transport.

Finalement, cette année, seul le solde du fonds de concours de l'AFITF ira au financement de projets en cours de réalisation du CIADT. Et le paradoxe - faut-il le rappeler ? - est que la grande part des financements de l'AFITF en 2006 sera affectée aux travaux routiers alors que, à sa création, cette agence avait vocation à financer à 70 % les infrastructures des modes alternatifs au routier. Vous le voyez, là encore, on est à rebours des intentions affichées.

Je souhaiterais maintenant vous interroger, monsieur le ministre, sur deux dispositions de ce budget.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion