Monsieur le ministre, le groupe de l'UMP, au nom duquel je m'exprime en cet instant, soutient votre politique d'infrastructures.
La France a besoin d'infrastructures. Or les dépenses en la matière ont décru ces vingt dernières années, passant de 1, 4 % à 0, 8 % du PIB. À cet égard, le conseil général des ponts et chaussées et l'Inspection générale des finances ont réalisé, un travail remarquable, sur l'initiative de M. Jean-Pierre Raffarin. Il en est ressorti que, même si la croissance des besoins en transports - d'ici à 2025, elle sera de l'ordre de 40 % à 50 % - en kilomètres-passager était inférieure à la croissance économique globale, celle des infrastructures et de leurs capacités d'absorption devrait être de 1, 8 % par an, ce qui est évidemment bien supérieur à ce dont nous avons hérité au cours des années 1997 à 2002.
Monsieur le ministre, nous avons des besoins globaux mais aussi des besoins sectoriels. Ces derniers s'analysent d'une façon extrêmement différente. Le routier interurbain s'équilibre économiquement, j'y reviendrai. Les secteurs urbain et périurbain, qui sont confrontés à un véritable défi, exigent une attention plus soutenue. Le secteur ferroviaire, enfin, requiert une très forte solidarité nationale.
Ces infrastructures sont indispensables. Le groupe de l'UMP a la conviction qu'une politique d'infrastructures doit être réaliste, respectueuse de l'environnement, et doit s'inscrire dans une perspective de long terme. De ce point de vue, M. Jean-Pierre Raffarin, en qualité de Premier ministre, avait lancé une idée forte, qui s'est inscrite dans une référence de base : le comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, le CIADT, du 18 décembre 2003.
Ce programme était ambitieux. Il était également solidaire, puisque 75 % des dépenses publiques au service du rail seraient financés par 100 % des recettes provenant de la route. Pour ce programme à long terme, il y avait un outil, l'AFITF, dont il a été beaucoup question et qui devait disposer de ressources dédiées, M. Reiner vient de les rappelées.
Changement de gouvernement, changement non d'orientation, mais de modalités.
Le CIADT du 18 décembre 2003 reste le rendez-vous des grandes infrastructures françaises. Nous avons vocation à mettre en oeuvre cet ambitieux programme interurbain, qu'il s'agisse de la route, du rail, des voies navigables et des autoroutes de la mer.
En revanche, les circonstances budgétaires que nous connaissons hélas ! les uns et les autres ont amené le Gouvernement à faire un autre choix.
L'AFITF perd-elle pour autant sa responsabilité et son opportunité ? La démarche est utile et ne doit pas inquiéter, en particulier ceux de nos collègues qui, comme moi, sont attachés à l'orthodoxie et au contrôle budgétaire.
Quel est l'intérêt de l'AFITF ?
Elle est d'abord le conservateur des vertus collectives, définies au CIADT du 18 décembre 2003. C'est notre seule référence sous l'autorité du Gouvernement, et en particulier du ministre chargé des infrastructures. À aucun moment, l'AFITF ne se prend pour ce qu'elle n'est pas. Elle n'a pas à définir une politique, elle doit appliquer un programme établi, reconnu et adopté après un très vaste débat national, auquel le Sénat a d'ailleurs largement participé.
Ensuite, avec l'AFITF, nous avons une pérennité budgétaire. Celle-ci s'appuie non plus sur les dividendes, mais sur l'affectation, décidée par le Gouvernement, de ressources d'origine routière comme la taxe d'aménagement du territoire, la TAT, la redevance domaniale, ainsi que nemo auditur une partie du produit des recettes résultant des radars. Celle-ci devrait nous permettre d'équilibrer les 7, 2 milliards d'euros de subventions prévues dans le CIADT de 2003 pour la période 2005-2012, à concurrence d'environ 1 milliard d'euros par an. L'équilibre est tenu sans endettement.
À cela s'ajoute une nouvelle mission, cher collègue Reiner : les contrats de plan État-région, les CPER, et les transports en commun en site propre. Personnellement, je m'en félicite.
Pour avoir été, dans un passé lointain, président d'un exécutif régional, je sais que les fins de CPER sont toujours difficiles à réaliser, monsieur le président du conseil régional de Lorraine. Le fait de disposer d'un interlocuteur identifié, avec un conseil d'administration mixte, est un atout. Tous ceux qui sont associés à la politique d'infrastructures, notamment les grands fonctionnaires de l'État, et qui n'ont pas toujours, par leur culture administrative spécifique, la même passion pour les infrastructures, sont solidaires face à des représentants élus à l'échelon national, régional ou départemental.
J'émettrai peut-être un bémol, monsieur le ministre, s'agissant de la composition du conseil d'administration de l'AFITF. La départementalisation du réseau national mériterait que la représentation des élus des départements soit renforcée. Si on devait un jour modifier le conseil d'administration, il y aurait là une ouverture légitime compte tenu du rôle que jouent les départements en matière de transports routiers. Les régions, quant à elles, - je me tourne vers mon collègue Reiner - sont les partenaires de l'État en matière de CPER et sont bien représentées, en termes d'élus, au conseil d'administration de l'AFITF.
Cette institution est donc originale, paritaire et ouverte sur les élus. Si l'achèvement des CPER n'est hélas ! pas envisageable au 31 décembre 2006, leur taux de réalisation sera néanmoins largement supérieur à celui du plan précédent.
Compte tenu des sommes affectées à l'AFITF en raison des privatisations de sociétés d'autoroutes, on peut estimer que les 2, 3 milliards d'euros nécessaires à l'achèvement du volet infrastructures des CPER pourront être dégagés en 2006 et 2007. Il faut, pour cela - cette question mériterait d'ailleurs d'être soulevée - que les collectivités locales acceptent de faire le chemin qui leur est demandé pour accompagner les demandes de l'État.
Le système a changé de pied, mais il a le mérite d'instituer, à l'intérieur d'un budget nécessairement contraint, un lobby original en faveur de la permanence des dépenses d'infrastructures : l'échange entre les élus nationaux et régionaux et les hauts fonctionnaires compétents favorisera la réalisation des programmes.
L'AFITF n'a d'autre ambition que de mettre en oeuvre une feuille de route. Nous ne disposons pas de l'autorité politique pour la choisir, et notre organisation administrative ne nous permet pas de la mettre en place techniquement. Je veux être très précis : L'AFITF n'est pas maître d'ouvrage ni gestionnaire des contrats du CPER, ce sont les administrations de l'État, notamment la direction des transports terrestres, qui doivent mettre en oeuvre les CPER. L'AFITF est là simplement pour veiller à ce que les engagements publics ne soient pas rabotés, esquivés, dilués ou reportés, dans le cadre de deux contrats publics, le CIADT du 18 décembre 2003 et les CPER tels qu'ils ont été adoptés en 2000 et tels qu'ils doivent être conduits jusqu'en 2006.
Les transports en commun en site propre représentent, il est vrai, une ouverture. Je rappelle à cet instant les deux autres vocations l'AFITF : conservateur de programmes de long terme, elle veille à l'application des engagements de l'État ; elle compare les situations nationales et internationales et en tire des propositions.
Monsieur le ministre, je terminerai par deux types de propositions.
La première m'est suggérée par notre collègue député Hervé Mariton. Il a fait adopter par l'Assemblée nationale un amendement de réduction des dépenses prévoyant de retirer 30 millions d'euros à l'AFITF, au motif que cette dernière a la possibilité d'explorer les ressources nouvelles, en termes de financement et d'infrastructures, que représentent les partenariats public-privé, les PPP.
Oui, monsieur le ministre, l'AFITF souhaite être un acteur des PPP pour le compte de l'État et de votre politique. Nous souhaiterions simplement savoir comment vous comptez mettre en forme l'article 2 du décret qui fait de l'AFITF l'un des bras séculiers de l'État dans la mise en oeuvre les PPP.
La seconde proposition concerne un sujet qui a été évoqué par de nombreux orateurs : le protocole de kyoto. On a évoqué les indicateurs de performances. Comment intégrer dans le financement des équipements publics la monétarisation des économies d'émission de CO2 ? Autrement dit, comment cette monétarisation pourrait-elle être intégrée dans le calcul de l'équilibre économique de chacun de ces projets ?
Mon collègue et ami Claude Biwer ayant évoqué avec talent la Meuse, je ne reviendrai pas sur mon département, dont la totalité de sa représentation sénatoriale est ici présente. J'indiquerai simplement, monsieur le ministre, que le groupe de l'UMP votera avec conviction votre budget.