Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai souhaité intervenir dans le cadre de la mission « Transports » afin de vous alerter sur la situation financière des aéroports régionaux situés à proximité d'aéroports étrangers et soumis de ce fait à une distorsion de concurrence en raison du montant très élevé des taxes aéroportuaires applicables en France, d'une part, et sur un sujet concernant le transport fluvial, d'autre part.
L'aéroport international de Strasbourg-Entzheim a une vocation européenne qui dépasse le strict cadre régional dévolu aux aéroports régionaux français en raison de la présence à Strasbourg d'institutions européennes et des représentations diplomatiques induites : ainsi, le seul Conseil de l'Europe compte 41 représentations à Strasbourg. Or, l'aéroport est confronté à une situation difficile due à une distorsion de concurrence de la part d'aéroports voisins : il est l'un des rares à devoir affronter une concurrence directe, mais sur des bases économiques qui ne sont pas égales.
Alors que, ces dernières années, le trafic aérien a progressé grâce au développement des compagnies à bas coût, l'aéroport de Strasbourg n'est pas en mesure d'attirer celles-ci du fait du montant des taxes qui pèsent sur les billets de passagers. Cette distorsion a permis à l'aéroport de Bâle-Mulhouse de se développer avec la compagnie Easyjet, et à celui de Baden avec la compagnie irlandaise Ryanair. Bâle-Mulhouse attire fort astucieusement les compagnies aériennes vers la desserte de Bâle, ce qui permet d'échapper à la taxe d'aviation civile de 4, 48 euros par passager applicable en France ; le passage de la frontière n'est ensuite qu'une formalité. Quant à Baden, l'aéroport, situé en Allemagne, n'est pas assujetti à cette taxe.
Le projet d'instauration d'une taxe « solidarité » viendra renforcer encore cette distorsion.
Aujourd'hui, notre objectif est bien sûr de réduire le montant des taxes qui pèsent sur l'aéroport de Strasbourg afin de pouvoir aligner la taxation des billets des passagers sur celle des plates-formes concurrentes que sont Bâle et Baden. Une telle diminution serait de nature à conforter la desserte par les compagnies traditionnelles et à favoriser l'arrivée des compagnies à bas coût.
Plusieurs pistes s'offrent au Gouvernement pour répondre à ces difficultés.
En premier lieu, il est possible d'alléger les taxes qui pèsent sur les aéroports régionaux distants de moins de cinquante kilomètres d'un aéroport étranger. Cela permettrait à l'aéroport d'Entzheim d'être attractif. Lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2006, nous avons présenté un amendement portant sur la taxe d'aviation civile ; il a été refusé ; je défendrai tout à l'heure deux amendements visant cette fois à offrir à nos aéroports la possibilité de baisser la taxe d'aéroport.
La desserte européenne à partir de l'aérodrome de Strasbourg-Entzheim s'effectue depuis 1995 en grande partie par des lignes aériennes sous statut d'obligation de service public, ou OSP, qui sont déjà financées par des fonds des collectivités territoriales et du ministère des affaires étrangères dans le cadre du contrat triennal « Strasbourg, Ville européenne ». Si le Gouvernement acceptait de diminuer les taxes d'aviation civile et d'aéroport, il serait peut-être envisageable de revenir sur le financement par l'État de ces lignes aériennes, qui, je le rappelle, lui ont coûté 12, 5 millions d'euros pour la période 2003-2005. Ce serait moins de recettes d'une part, mais moins de dépenses d'autre part.
En deuxième lieu, je rappelle que le Président de la République et M. Schroeder s'étaient engagés à soutenir la création d'un eurodistrict entre Strasbourg et Kehl. Ne pourrait-on trouver dans ce cadre une forme de coopération transnationale à vocation fiscale, monsieur le ministre ?
En dernier lieu, je soulignerai que la Commission a clarifié la doctrine sur les aides d'État dans sa décision sur le cas Charleroi-Ryanair, donnant un signal en faveur de l'extension du modèle des compagnies à bas coût. En effet, c'est grâce à la libéralisation que la concurrence s'est développée dans l'Union européenne et a permis le développement de nouvelles compagnies à bas coût.
La décision de la Commission confirme également que « les activités qui tombent normalement sous la responsabilité de l'État dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique [...] ne rentrent pas dans le champ d'application des règles sur les aides d'État ». Concrètement, cela signifie que Bruxelles autorise les États à financer de telles activités, qui comprennent notamment la sûreté. L'aéroport de Strasbourg ne pourrait-il pas bénéficier de ces avantages ?
La décision de la Commission ne s'oppose pas aux accords entre les aéroports régionaux et les compagnies à bas prix. Elle encourage toutes les initiatives qui permettent une meilleure utilisation des infrastructures aéroportuaires. Concrètement, cela veut dire que Bruxelles autorise les aides sous certaines conditions.
Par sa décision, Bruxelles a donné un signal clair en faveur de l'extension du modèle des compagnies à bas coût. L'aéroport de Strasbourg ne pourrait-il pas bénéficier de ces mêmes avantages.
Monsieur le ministre, je tenais à vous exposer ces difficultés. Des mesures d'allégement ou de coopération sont possibles pour renforcer l'attractivité des aéroports régionaux soumis à la concurrence directe d'aéroports étrangers. Il est important que le Gouvernement s'engage pour renforcer la compétitivité européenne de l'aéroport de Strasbourg. Il y va de son avenir et de tout ce qui y est lié.
Quelques mots maintenant sur le fluvial.
Nous avons tous été déçus par l'abandon du projet Saône-Rhin, et je n'y reviendrai pas ; une étude est en cours sur la liaison Saône-Moselle, c'est parfait.
Néanmoins, nous souhaiterions, dans cette partie de l'est de la France, revenir sur une étude stratégique qui concernerait la liaison Saône-Rhin. Donné par M. Bussereau en 2004, confirmé par M. Goulard en 2005 et, récemment, par vous-même dans une réponse à Mme Grosskost, députée UMP du Haut-Rhin, un accord de principe existe pour une participation de l'État à cette étude.
En région, on nous oppose que ce financement ne peut pas être traité par un avenant au contrat de plan, alors que toutes les collectivités alsaciennes ainsi que les chambres de commerce et d'industrie ont donné leur accord pour participer à cette étude, qui serait portée par le conseil général du Haut-Rhin. Il s'agit, monsieur le ministre, d'environ 50 000 euros : serait-il possible d'avoir aujourd'hui une réponse claire et positive sur ce tout petit sujet ?
Je vous remercie par avance de toutes les réponses que vous apporterez à mes questions.