Intervention de Roland Ries

Réunion du 9 décembre 2005 à 15h20
Loi de finances pour 2006 — Compte d'affectation spéciale : contrôle et sanction automatisés des infractions au code de la route

Photo de Roland RiesRoland Ries :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je centrerai mon intervention sur le programme 226 du projet de loi de finances, intitulé « Transports terrestres et maritimes ».

Je note tout d'abord que les 2, 602 milliards d'euros en autorisations d'engagement et les 2, 671 milliards d'euros en crédits de paiement traduisent des diminutions très sensibles par rapport à la loi de finances initiale de 2005, respectivement de 26, 52 % et de 22 %.

Cette première constatation ne peut pas ne pas nous amener à nous interroger sur le fossé qui sépare les déclarations d'intention du Gouvernement de la réalité budgétaire qui est censée permettre leur mise en oeuvre concrète.

Je ne sais pas si M. le Président de la République, lorsqu'il déclarait à Johannesburg : « la maison brûle, mais nous regardons ailleurs », songeait à nos débats budgétaires annuels. Force est cependant de constater que sa formulation s'applique rigoureusement à nos débats d'aujourd'hui : nous savons tous dans cet hémicycle que les logiques de mobilité des personnes et des biens appliquées actuellement nous conduisent droit dans le mur. Et pourtant nous n'en tirons aucune conséquence pratique dans les priorités budgétaires. Donc, nous regardons effectivement ailleurs.

Monsieur le ministre, vous le savez, aujourd'hui vingt-sept agglomérations ont des projets de transport en commun en site propre, TCSP, en cours de réalisation ou à un stade d'étude préalable suffisant pour permettre leur achèvement dans les années à venir.

Le montant global de ces investissements est estimé à 7, 3 milliards d'euros. Comme cela a été dit tout à l'heure, 650 millions d'euros sont attendus par les autorités organisatrices, hors Île-de-France, pour les projets déjà pris en considération par l'État et pour lesquels le montage financier prévoyait l'aide de celui-ci sur la base de la circulaire du 10 juillet 2001.

Or, depuis le budget 2004, vous avez décidé de supprimer la ligne budgétaire d'aide aux TCSP de province. Depuis, on a le sentiment d'une navigation à vue, ou plutôt d'une errance dans le brouillard.

J'ai repris la liste de l'ensemble des projets - ils sont au nombre de treize -, et je me suis efforcé d'y voir clair dans les engagements successifs de l'État après le désengagement de 2004. Le collectif budgétaire de 2004 prévoyait globalement 57, 5 millions d'euros pour l'ensemble de ces projets, et, déjà, les répartitions de cette enveloppe entre les différentes autorités organisatrices étaient étonnantes. Ainsi, Clermont-Ferrand obtenait pour son tramway sur pneus 6 millions d'euros sur les 62, 5 millions demandés, soit 9, 5 % de la subvention promise. Montpellier obtenait 5 millions d'euros sur les 100 demandés, soit 5 %. Nantes espérait 33, 5 millions d'euros, elle percevra zéro euro pour son projet !

En décembre 2004, il y a eu un nouveau coup de pouce dans le cadre du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT, qui bénéficie, lui, à trois agglomérations : Bordeaux a obtenu 20 millions d'euros, Marseille, 15 millions d'euros et Strasbourg, 10 millions d'euros.

Enfin, le 14 octobre 2005, dans le cadre du CIACT, une nouvelle rallonge de 100 millions d'euros, par le biais de l'AFITF - est consentie, avec toujours autant de disparités entre les différentes autorités organisatrices.

En résumé, monsieur le ministre, après avoir supprimé en 2004 la ligne budgétaire qui permettait, sur la base de critères précis et objectifs, de subventionner les projets de TCSP de province, le Gouvernement en vient à traiter au coup par coup, et manifestement sans critère identifiable, les projets : rajoutant ici, stabilisant là et maintenant le compteur à zéro ailleurs.

Très sincèrement, je ne crois pas que la situation ainsi créée soit saine. En fait, elle est en train de créer une sorte de « course à l'échalote » entre les autorités organisatrices, avec, au final, des disparités énormes, comme je viens de l'évoquer.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire quels sont les critères qui ont servi de base à ces arbitrages successifs et, parallèlement, si ces subventions accordées sont aujourd'hui fermes et définitives ou si d'autres arbitrages intervenant en 2006 ou au-delà pourraient renforcer l'aide de l'État à ces différents projets, ou à d'autres aujourd'hui en gestation.

Par ailleurs, depuis maintenant plus de deux ans, des pistes extrabudgétaires de financement des projets de TCSP ont, semble-t-il, été explorées. Je veux parler de l'affectation de centimes additionnels de TIPP, de l'augmentation du taux de versement transport et de la dépénalisation du stationnement, pour ne citer que les pistes principales.

Apparemment, à ma connaissance en tout cas, aucune de ces pistes ne semble aujourd'hui susceptible d'être retenue. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer si ces pistes restent d'actualité ? Je pense en particulier à celle qui est liée aux recettes de stationnement, sans doute la plus « vertueuse » dans la mesure où elle conduirait à faire prendre en charge par l'automobile le financement, au moins partiel, de son mode de substitution en milieu urbain.

M. Christian Philip, député du Rhône, dans son rapport de 2003 et moi-même, dans le rapport du Commissariat général du Plan de 2002, préconisions cette solution comme complément au produit fiscal du versement transport.

Il y a donc manifestement un blocage quelque part. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer s'il existe une perspective de déblocage sur ce dossier précis, qui permettrait aux autorités organisatrices d'alléger leur contribution fiscale directe aux financements de leurs projets à partir des recettes supplémentaires en provenance du stationnement ?

Permettez-moi, monsieur le ministre, pour terminer, de vous interroger encore sur le projet de chèque déplacements proposé par le Groupement des autorités responsables de transport, le GART, lors de son assemblée générale d'octobre dernier. Pour sa part, M. le Premier ministre a parlé, lors de son allocution de rentrée en septembre dernier, de la création d'un ticket transport utilisable dans le cadre des déplacements domicile-travail et, plus précisément, d'un chèque transport destiné « à atténuer la hausse des prix des carburants pour les ménages les plus dépendants de la voiture », une sorte de ticket transport sur le modèle du ticket restaurant.

Bref, l'idée est manifestement dans l'air, mais, elle aussi, semble avoir du mal à se concrétiser. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur l'état d'avancement de ce dossier, étant entendu que, de mon point de vue, le dispositif à mettre en place devrait inciter les personnes concernées non pas à choisir le mode de transport automobile, mais plutôt, dans la mesure du possible, à opter pour des modes de transport alternatifs à l'automobile ?

En résumé, le projet de budget de la mission transport pèche en ce qui concerne tant les réductions budgétaires, alors que les besoins sont énormes, que les orientations, qui ne me paraissent pas reposer sur des choix clairs de développement durable.

Si je partage les demandes de notre collègue Francis Grignon concernant l'aéroport de Strasbourg-Entzheim - et plus généralement la défense de la vocation européenne de Strasbourg -, je ne pourrai en revanche voter les crédits de la mission « Transports » qui nous sont proposés, pour toutes les raisons que je viens d'évoquer.

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