Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi, déposée par notre collègue Roland Courteau et les membres du groupe socialiste, dont certains collègues de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, vise à compléter la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, en précisant que les panneaux d’entrée et de sortie d’agglomération peuvent être complétés d’une traduction en langue régionale.
La défense des langues régionales est un sujet passionnant qui mobilise le Parlement, et ce quels que soient les courants politiques. En témoignent les propositions de loi qui se multiplient au Sénat comme à l’Assemblée nationale, telles que celles de nos collègues Robert Navarro et Jean-Paul Alduy, toutes deux relatives au développement des langues et cultures régionales, ainsi que les deux propositions de loi déposées au mois de décembre dernier par nos collègues députés Marc Le Fur et Armand Jung.
La vivacité du débat est déjà perceptible, ainsi que l’attestent les nombreuses questions orales ou écrites à ce sujet - en un an, près d’une dizaine au Sénat.
Cette mobilisation s’inscrit dans la dynamique suscitée par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. En effet, le nouvel article 75-1 de la Constitution reconnaît les langues régionales comme constitutives du patrimoine de la France.
Pour autant, il ne s’agit pas aujourd’hui de se prononcer sur la portée de cette réforme et d’entamer les débats qui ne manqueront pas de naître à l’occasion de l’examen de l’un des textes que je viens d’évoquer.
Loin de s’attaquer à la question très générale de la promotion des langues régionales, la présente proposition de loi vise à traiter une question très précise et circonscrite, celle de la signalisation des entrées et sorties de ville. L’objectif est de transcrire en droit positif une pratique qui n’est pas interdite, et qui est d’ailleurs courante dans de nombreux endroits en France.
Nous avons tous déjà constaté que de nombreuses communes ont fait le choix d’installer des panneaux bilingues, utilisant à la fois la langue française et une langue régionale.
Comme le rappelle l’exposé des motifs de la proposition de loi, la combinaison des articles 3 et 21 de la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française permet aux communes d’installer des panneaux d’entrée d’agglomération en langue régionale. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 29 juillet 1994, l’a d’ailleurs confirmé, en précisant que « la loi relative à l’emploi de la langue française prescrit sous réserve de certaines exceptions l’usage obligatoire de la langue française dans les lieux ouverts au public, dans les relations commerciales, de travail, dans l’enseignement et la communication audiovisuelle ; qu’elle n’a toutefois pas pour objet de prohiber l’usage de traductions lorsque l’utilisation de la langue française est assurée ».
Les langues régionales peuvent donc figurer sur les panneaux d’entrée de ville, mais à condition qu’il s’agisse d’une signalisation bilingue comprenant le nom en langue française.
C’est d’ailleurs cette réponse qui a été régulièrement apportée aux parlementaires ayant abordé ce sujet par le biais des questions écrites ou orales.
Aussi peut-on se demander s’il est bien opportun d’inscrire dans la loi une disposition qui semble a priori inutile, car autorisant une pratique non proscrite.
L’élément décisif ayant conduit M. Courteau et les auteurs de cette proposition de loi à soutenir ce texte est une très récente décision du tribunal administratif de Montpellier enjoignant à une commune, Villeneuve-lès-Maguelone, de procéder à l’enlèvement de panneaux portant la transcription en occitan du nom de l’agglomération.
Je tiens à souligner un point fondamental : le juge administratif n’a pas remis en cause le principe du bilinguisme. Il a même rappelé, au contraire, la possibilité offerte par la loi et confirmée par le Conseil constitutionnel.
Si le tribunal administratif a rendu ce jugement, c’est pour deux autres motifs.
Premièrement, les panneaux litigieux ne respectaient pas les règles de sécurité routière.