Je partage, en tant que représentant des collectivités locales, leur volonté et leur combat, indispensables pour faire vivre et rayonner ces cultures.
En 2008, les langues régionales ont été reconnues par la Constitution, dans son article 75-1, éléments constitutifs du patrimoine national. Cette évolution, qui a permis de reconnaître leur importance, a également créé un instrument au service de revendications régionales toujours plus poussées.
Aujourd’hui, s’appuyant notamment sur cette constitutionnalisation des langues régionales, l’article unique de la proposition de loi qui nous est soumise prévoit que les panneaux apposés sur la voix publique pourront être complétés d’une inscription de la traduction du nom de l’agglomération en langue régionale.
Mais demain ? Au service de quelle cause la nouvelle reconnaissance des langues régionales sera-t-elle utilisée ? Il convient de rester vigilants en la matière, car tout se passe comme si, à l’heure de la mondialisation, le repli identitaire et la résurgence des mouvements nationalistes, communautaires et indépendantistes constituaient une réponse à la perte de lisibilité et de signification des frontières, ainsi que des repères nationaux et culturels.
Dans le débat qui nous agite aujourd’hui, je veux dire ma crainte que nous n’ouvrions la voie à des revendications dont le nombre et l’ampleur seront exponentiels. C’est donc avec de grandes précautions que je prends position – ou avec cette main tremblante que conseille Montesquieu.
Cette proposition de loi fait suite à la décision du tribunal administratif de Montpellier du 12 octobre 2010 ordonnant la suppression des panneaux d’agglomération en occitan dans la ville de Villeneuve-lès-Maguelone. Ils ne constituaient qu’une traduction, puisqu’ils étaient placés sous les panneaux en langue française.
Ce n’est pas à proprement parler l’utilisation de la traduction française qui a été condamnée. Le tribunal a en effet considéré que la pose de panneaux en langue régionale sous les panneaux libellés en français nuisait à la clarté de l’information et ne répondait pas aux objectifs de sécurité routière.
Cependant, cet argument pourrait être utilisé pour supprimer tous les panneaux faisant mention en langue régionale d’une entrée ou d’une sortie de ville. Il pourrait devenir un instrument de lutte active contre les langues régionales.
Nous souhaitons, nous, protéger et développer les langues régionales sans que soient créées des différences de droit fondées sur la locution ou sur un quelconque particularisme.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 15 juin 1999 sur la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, ne dit pas autre chose quand il affirme que « leur usage et leur pratique ne peuvent remettre en cause les principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français. »
Bien entendu, l’adoption de cette proposition de loi ne constitue pas une menace à cet égard. Sa portée me semble même extrêmement limitée, puisqu’elle ne vise qu’à garantir par la loi la possibilité de traduction des panneaux d’entrée et de sortie de ville en langue régionale.
La rédaction de l’article de ce texte doit d’ailleurs être précisée, afin de limiter réellement ces traductions aux seuls panneaux d’entrée et de sortie de villes. Nous voterons donc l’amendement déposé par Mme le rapporteur, qui permet de régler ce problème.
En l’état, cette proposition de loi ne porte atteinte à aucun des principes fondamentaux de la République que j’évoquais. Je ne vois donc aucune raison de s’y opposer.