Intervention de Simon Sutour

Réunion du 16 février 2011 à 14h30
Bilan et avenir de l'union pour la méditerranée — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Simon SutourSimon Sutour :

Il est d’ailleurs admis, désormais, que l’UPM n’est plus qu’une instance de coordination de projets. Quel manque d’ambition sur un sujet majeur pour notre avenir !

J’ajouterai, sans chercher à polémiquer, que, dès le départ, ce projet était mal engagé. Les critiques formulées à l’époque de son lancement par les pays du nord de l’Europe et, ici même, par les sénateurs socialistes étaient pleinement justifiées.

En effet, d’emblée, l’initiative de M. Sarkozy avait été lourdement critiquée par l’Allemagne et d’autres pays européens, qui tenaient alors à s’assurer que la nouvelle organisation ne viendrait pas concurrencer l’Union européenne ou le processus de Barcelone.

Plus au Sud, les différences d’interprétation entre les versions anglaise et française de la Déclaration de Paris ont donné lieu à des querelles sur la participation ou non de la Ligue arabe aux réunions de l’UPM. Des désaccords sont aussi apparus sur la question de la gouvernance ; pour l’heure, ils ne sont toujours pas résolus et ne sont vraisemblablement pas près de l’être.

À Bruxelles, l’Union européenne s’est immédiatement sentie mise à l’écart. Le processus de Barcelone était un projet de l’Union européenne, coordonné par la Commission européenne, alors que l’UPM est avant tout un projet intergouvernemental né sur l’initiative de certains États membres. La Commission européenne et les États du nord de l’Europe ont été réticents à mettre en place un nouveau mécanisme. Le Parlement européen s’est lui-même à de nombreuses reprises montré très critique sur ce projet.

Au-delà des discours du Président de la République et de quelques bonnes intentions, force est de constater que, sur le plan institutionnel, l’UPM renforce l’intergouvernementalisme et fait primer les intérêts nationaux sur l’intérêt supérieur commun.

Cette logique est récurrente depuis 2007. Elle est la source de nombreux échecs sur le plan diplomatique. En voulant à tout prix occuper le devant de la scène, la France perd irrésistiblement de son influence dans le monde, au contraire de l’Allemagne.

Enfin, un projet d’une telle envergure ne peut pas faire l’économie d’un volet politique et esquiver, comme l’a fait l’UPM, les questions de la promotion de la démocratie, des droits de l’homme ou de l’avenir d’Israël et de la Palestine.

Aujourd’hui, l’heure est venue de dresser un bilan des expériences passées et de réaffirmer l’objectif historique du rapprochement des deux rives de la Méditerranée. Il n’y a pas d’autre voie que le renforcement des liens entre le nord et le sud de la Méditerranée si nous ne voulons pas devenir une région périphérique. En restant séparés, l’Union européenne et les pays du nord de l’Afrique et du Proche-Orient prendraient le risque d’être définitivement marginalisés dans le cadre de la mondialisation.

Nos économies sont très complémentaires : ce qui manque au Nord, notamment en matière énergétique, se trouve au Sud ; ce qui manque au Sud dans les domaines des technologies ou de l’agroalimentaire, le Nord le possède.

Je parle ici de codéveloppement, avec pour objectif prioritaire l’amélioration des conditions d’existence dans un ensemble prospère. La résorption des disparités sociales et économiques entre les deux rives est prioritaire. C’est un enjeu majeur pour notre avenir.

Les échanges doivent également concerner les champs social, médical, culturel, environnemental, éducatif. Nous avons trop ignoré les sociétés civiles des pays du Sud. L’Europe est frileuse, au contraire de la Chine et des États-Unis, qui s’engagent massivement sur le continent africain, au Proche-Orient et au Moyen-Orient.

Il reste donc beaucoup à faire. S’il faut être ambitieux et relancer le plus rapidement possible les relations euro-méditerranéennes, il n’en demeure pas moins qu’il faut aussi faire preuve de pragmatisme et d’humilité : nous en manquons souvent.

L’Europe doit reprendre l’initiative afin de mettre en place une alliance forte entre les deux rives de la Méditerranée. L’échec d’une telle ambition pèserait lourd en termes de conflits, de ralentissement économique, de tensions sociales, de problèmes environnementaux. Sa réussite, au contraire, permettrait de fonder une aire de civilisation partagée et dynamique, ce qui aiderait profondément non seulement l’Europe à résoudre ses propres problèmes, à renforcer sa voix et son poids dans le monde, à améliorer sa croissance, mais aussi les pays du sud et de l’est de la Méditerranée à progresser dans la voie du développement économique et démocratique.

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