Intervention de Roland Courteau

Réunion du 16 février 2011 à 14h30
Bilan et avenir de l'union pour la méditerranée — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Roland CourteauRoland Courteau :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention sera relativement brève, beaucoup de choses ayant déjà été dites par Bariza Khiari et Simon Sutour ou devant l’être par Jean-Pierre Sueur. Je bornerai donc mon propos à deux ou trois points bien précis.

En préambule, qu’il me soit permis de souligner, pour m’en réjouir, que, sur la rive sud de la Méditerranée, « la liberté souffle en tempête » et que « la démocratie s’est changée en lame de fond », comme l’a écrit un éditorialiste de la presse nationale. Après la Tunisie et l’Égypte, l’effervescence gagne d’autres pays voisins. Les droits de l’homme progressent et se répandent de façon irrésistible. Les combattants de la liberté étaient, et sont encore, dans les rues, au nom des valeurs qui sont les nôtres. Ils méritent notre admiration et notre soutien.

J’ai eu l’occasion, au cours des derniers mois et même des dernières semaines, de me rendre dans plusieurs pays de la rive sud de la Méditerranée pour le compte de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPECST, au titre de la réalisation d’une étude intitulée « Les pollutions en Méditerranée : état et perspectives à l’horizon 2030 ». L’Union pour la Méditerranée, madame la ministre, aurait sur ce thème vraiment beaucoup de grain à moudre dans les tout prochains mois ! Je soumettrai les conclusions de cette étude en mai prochain à l’OPECST.

Plus précisément, cet espace, qui regroupe 60 % des pays pauvres ou très pauvres en eau, est en effet appelé à subir les conséquences du changement climatique dans l’espace d’une génération, quoi que l’on fasse d’ici là. L’affaiblissement de la pluviométrie pourrait avoir des effets particulièrement dévastateurs dans ces régions, qu’un fort développement démographique au regard de ressources naturelles relativement limitées aggravera encore.

Rappelons que, selon les dernières projections de l’Institut national d’études démographiques disponibles, entre 2000 et 2025, la population des pays des rives sud et est de la Méditerranée passera de 235 millions à 327 millions d’habitants.

Dans un tel contexte, l’Union pour la Méditerranée a suscité de nombreux espoirs, en particulier parce qu’elle laissait entrevoir la possibilité d’un développement stabilisé de cette zone, notamment grâce à une coopération plus active avec l’Union européenne.

Que sont devenus, madame la ministre, les espoirs nés du sommet de Paris de juillet 2008 ?

Jusqu’ici, c’est-à-dire jusqu’aux événements de Tunisie et d’Égypte, l’Union pour la Méditerranée suscitait peu d’intérêt dans nombre de pays d’Europe du Nord, bien qu’ils en soient membres. Je ne donnerai qu’un seul exemple à cet égard : deux agences de développement seulement, l’allemande et la française, sont implantées dans cette région du monde, et maintiennent d’ailleurs un fort volume d’activité.

On peut aussi comprendre, compte tenu de l’évolution de la situation au Proche-Orient, que cette région connaisse une crispation politique très forte. Mes récents et courts séjours en Tunisie et en Égypte me l’ont d’ailleurs confirmé.

Pour autant, est-il inéluctable que les rencontres ministérielles prévues dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée sur des sujets techniques aient été très souvent reportées ou stérilisées du fait de cet antagonisme politique, alors que, dans le cas du sommet ministériel sur l’eau, les participants s’étaient mis d’accord sur l’essentiel ?

J’évoquerai maintenant la sécurité des personnes et des biens face aux catastrophes naturelles.

En décembre 2007, toujours dans le cadre des travaux de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, j’ai présenté un rapport intitulé « Tsunamis sur les côtes françaises : un risque certain, une impréparation manifeste », portant sur l’évaluation des risques de tsunamis sur les côtes françaises, donc en Méditerranée.

Je dois reconnaître que, concernant la mise en place d’un centre national d’alerte, mes préconisations relatives à la Méditerranée occidentale ont bien été prises en compte par les ministères intéressés, puisque le Centre national d’alerte en Méditerranée sera opérationnel en 2012. Toutefois, un tel centre, comme je le précisais dans mon rapport, devrait avoir vocation à devenir une structure régionale et à concerner l’ensemble des pays riverains de la Méditerranée occidentale, dont ceux de la rive sud. Qui plus est, il sera indispensable de prévoir un centre d’alerte pour la Méditerranée centrale, ainsi que pour la Méditerranée orientale. Tous les pays riverains, sur l’ensemble du bassin, sont concernés. Il y a des enjeux de sécurité, bien évidemment, mais aussi des enjeux économiques, géostratégiques et scientifiques.

L’Union pour la Méditerranée serait tout à fait dans son rôle si elle intervenait dans ce domaine ; pourtant, rien ne se passe. Or la Commission océanographique intergouvernementale, qui dépend de l’UNESCO, a fait savoir que tous les océans et toutes les mers de la planète devraient être pourvus de centres d’alerte avant décembre 2010. Je le répète, dans ce domaine comme dans bien d’autres, l’Union pour la Méditerranée aurait du grain à moudre. Malheureusement, rien ne bouge…

Pour conclure, permettez-moi de vous poser plusieurs questions, madame la ministre.

Quel est le bilan d’activité du secrétariat général installé à Barcelone ? Quelles leçons peut-on tirer des progrès effectués par le biais des rencontres mensuelles des ambassadeurs des pays membres ? Surtout, quelles sont les perspectives pour l’Union pour la Méditerranée ? Si son développement, comme on le pressent, doit dépendre de la résolution d’un conflit qui dure depuis soixante-trois ans, elle devra se mettre en état de veille ou disparaître.

Pour écarter cette perspective, quelles actions la France pourrait-elle mener, conjointement avec ses partenaires de l’Union européenne ? L’Union européenne dispose de fonds de coopération non négligeables, dont l’emploi pourrait être une incitation à progresser ensemble dans la construction de cet espace euro-méditerranéen : le sommet de Paris a reconnu la nécessité de celle-ci et les événements récents en rappellent l’urgence.

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