Au lendemain de la démission du secrétaire général de l’Union pour la Méditerranée, M. Ahmad Massa’deh, le porte-parole du Quai d’Orsay a fait la déclaration suivante : « Le porte-parole du ministre des affaires étrangères appelle tous les gouvernements et peuples de la Méditerranée à donner un nouvel élan afin que la Méditerranée cesse d’être un lieu de conflits, de violence et de tragédie et devienne un lieu de partage, de coopération, un espace de codéveloppement, de culture et de paix. »
Que peuvent penser les Tunisiens ou les Égyptiens d’un discours aussi amphigourique, emphatique, ampoulé ? On aimerait plutôt entendre un discours de vérité. On aimerait, madame la ministre, que la diplomatie française soit celle de la France de 1789, de la France de 1848, de la France de la Résistance, de la France de la décolonisation, de celle qui est toujours, parce qu’elle est la France, du côté des peuples qui se battent pour la liberté ! Cette France, on a vraiment besoin de l’entendre !
De même, on a besoin d’entendre clairement affirmer que le rempart contre l’islamisme radical, le fanatisme et l’intégrisme, c’est la démocratie et la laïcité, et non plus des régimes autoritaires. La France doit le dire avec beaucoup de force !
J’en viens maintenant à l’Union pour la Méditerranée.
Dès le début, il s’est agi d’une structure extrêmement complexe, qu’ont très bien décrite Bariza Khiari, Simon Sutour et Roland Courteau. De nombreux Maghrébins m’ont fait part de leur crainte de voir l’Europe se rééquilibrer vers le Nord et vers l’Est, au détriment du Sud. Il est vrai que, en associant quarante-trois pays au processus, on prenait le risque de l’immobilisme et de l’illisibilité.
Pierre Pascallon a déclaré que « force est bien de reconnaître qu’au terme de ce laborieux marchandage – dont l’Allemagne sort victorieuse –, le projet d’Union pour la Méditerranée perd quasiment toute sa substance ».
Dorothée Schmid, quant à elle, considère, un an après la mise en place de l’Union pour la Méditerranée, que « la mise en œuvre progresse de façon inégale. Les “autoroutes” sont au point mort, tandis que le reste des projets donne surtout lieu à des séminaires d’études. »
La question de la configuration de l’UPM doit être posée. Certes, le processus de Barcelone avait ses limites. On nous a dit qu’il ne suffisait pas et qu’il fallait faire mieux et plus, mais je m’interroge : ne sommes-nous pas moins avancés avec l’Union pour la Méditerranée telle qu’elle existe aujourd'hui qu’avec le processus de Barcelone, qui relevait d’une démarche concrète et pragmatique associant des pays du nord et du sud de la Méditerranée ?
À mon sens, il faut véritablement s’orienter vers une démarche plus pragmatique, articulée autour de projets concrets. Je connais des universitaires, par exemple en Tunisie, qui s’emploient à faire vivre l’Union pour la Méditerranée avec des collègues de différents pays. Or, madame la ministre, ils sont confrontés à un incroyable casse-tête et dépensent en vain une énergie considérable ! Il faudrait simplifier les choses, faire preuve de davantage de pragmatisme. Le budget de l’Union pour la Méditerranée ne prévoit que 1 million d’euros pour l’université, plus précisément pour une université euro-méditerranéenne située en Slovénie. Ce n’est pas à la hauteur de l’enjeu !
Il me semble que nous irions beaucoup plus loin en misant sur la science, sur la recherche, sur des projets concrets, construits avec pragmatisme. Mais pour réussir, il faut d’abord être au côté de ces peuples qui, les mains nues, se battent pour la liberté !