Intervention de Bariza Khiari

Réunion du 16 février 2011 à 14h30
Bilan et avenir de l'union pour la méditerranée — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Bariza KhiariBariza Khiari, auteur de la question :

Monsieur Jacques Blanc, on peut certes concevoir que la France ne saurait être tenue pour seule responsable de l’échec de l’Union pour la Méditerranée et que cet échec lui-même ne doit en rien condamner l’idée d’une politique méditerranéenne. Je me réjouis de vous entendre dire que l’Union pour la Méditerranée est désormais un processus irréversible.

Nous devons remettre l’ouvrage sur le métier en tenant compte des avancées actuelles, en répondant avec franchise et courage aux défis auxquels nous sommes confrontés. Nous n’avons que trop longtemps préféré les chuchotements des potentats dictateurs aux cris de détresse des hommes et des femmes qui n’aspirent finalement qu’à vivre leur siècle comme les autres.

Les révolutions actuelles semblent constituer une réelle opportunité pour un projet bâti autour des peuples, à condition toutefois que les gouvernements cessent d’agiter le spectre de la menace islamiste chaque fois qu’un soubresaut secoue une région du Sud. Les Frères musulmans ne se sont pas associés aux premiers tumultes égyptiens. Les islamistes tunisiens n’ont pas cherché, au début des événements, à devenir des leaders. Ils sont restés en retrait devant un mouvement qu’ils ne comprenaient que partiellement.

Je le répète, nous devons cesser de tout considérer à la lumière d’une révolution iranienne vieille de trente ans et qui est elle-même secouée par des demandes fortes de démocratie de la part de sa population. Les jeunes arabes n’ont guère envie, pour leur pays, de ce modèle que je qualifierai de répulsif. Il faut mettre à leur crédit leur créativité, leur souhait d’ouvrir une autre voie.

La situation évolue dans ces régions du monde, et pour mieux la comprendre, nous devons adopter une nouvelle grille d’analyse. Notre paresse intellectuelle est bien commode de ce côté-ci de la rive de la Méditerranée, pour légitimer les propos parfois indignes tenus en direction des Français venus d’ailleurs.

Faut-il le rappeler, les citoyens de la rive sud, notamment les jeunes, accèdent, avec la même facilité que ceux de la rive nord, aux informations en temps réel, mais en plus, ils s’en saisissent avec un appétit qui en dit long sur leur soif de connaissances, de progrès et de liberté ! C’est peut-être le seul espace où ils ont conscience de jouer pleinement leur rôle de citoyens.

En résonance avec les événements de ces pays, nous ne pourrons plus ethniciser ici les rapports sociaux. Les problématiques des révoltes actuelles sont celles de la pauvreté, de la vie chère et du déclassement social ainsi que l’exigence démocratique : rien de plus, rien de moins. Cela nous renvoie de manière nette au fait que la question sociale prime aussi bien à l’étranger que dans nos quartiers.

La soif de démocratie des jeunes manifestant dans les rues des capitales arabes doit nous inciter à mener des projets concrets autour des besoins des peuples et non à persister – j’espère que la leçon sera retenue – à soutenir des régimes autoritaires, croyant nous mettre à l’abri du risque terroriste derrière des gouvernements remparts qui ne nous protègent de rien.

Nous ne serons jamais protégés du terrorisme par des dictateurs ; nous le serons par la démocratie, car la misère et la privation de liberté sont un terreau propice dans lequel prospère l’intégrisme.

Et si le développement nous protège du terrorisme, il présente aussi l’avantage de fixer les populations. Or, l’exil et l’immigration sont toujours une souffrance.

La question reste donc de savoir si nous pourrons être au rendez-vous pendant cette période de transition, non pas en proposant une énième usine à gaz institutionnellement peu fiable, mais en offrant une réelle politique méditerranéenne tournée vers la reconstruction des liens et d’un avenir commun.

Madame la ministre d’État, le groupe socialiste souhaite ardemment que la France soit à la hauteur de ce grand rendez-vous.

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