Intervention de Catherine Procaccia

Réunion du 13 janvier 2010 à 21h10
Évaluation de la loi sur le service minimum dans les transports — Débat d'initiative sénatoriale

Photo de Catherine ProcacciaCatherine Procaccia :

En le parcourant rapidement, j’ai cru comprendre – n’étant pas juriste, je reste prudente – que le dispositif de la loi serait inutile dans le transport maritime « faute de conflits » et difficilement applicable dans le secteur aérien pour diverses raisons, telles que la multiplicité des personnels intervenants, et donc des conventions collectives et des partenaires sociaux, ainsi que l’existence d’une concurrence qui « ferait échec » à la notion de service public.

S’agissant du secteur maritime, le rapport indique que « la situation actuelle montre que les années 2008 et 2009 n’ont connu dans l’ensemble que des perturbations limitées du service public de transport maritime de voyageurs. Seule la Corse a été affectée de mouvements sociaux conduisant à des arrêts prolongés de trafic. »

À mes yeux, ce n’est pas là une raison pour ne pas étendre le champ d’application de la loi à ce secteur. Je persiste à penser qu’il est préférable de prévenir les conflits par une procédure de dialogue organisée au préalable.

S’agissant du transport aérien, ce secteur ne relèverait pas des obligations de service public pour cause de libéralisation des liaisons intracommunautaires. Aux termes du rapport, la loi ne pourrait donc s’appliquer qu’aux « liaisons sous obligations de service public et [à] celles assurant la continuité territoriale avec l’outre-mer ». Eh bien, étendons déjà son champ à ces destinations ! Je rappelle que cette idée d’extension figure dans la loi d’août 2007, et qu’elle a également été reprise par vous-même, monsieur le secrétaire d’État, à la fin de 2007, lorsque vous avez suggéré, à l’occasion d’une grève à Air France, de mettre en place un meilleur système d’alarme sociale, en indiquant que le Gouvernement étudierait la possibilité d’étendre l’obligation de se déclarer gréviste quarante-huit heures avant le déclenchement d’un conflit. J’ai toujours en ma possession les articles de presse faisant état de vos propos.

Quant aux dispositions communautaires qui feraient échec à l’application de la notion de service public, je formulerai les remarques suivantes.

Tout d’abord, rien n’empêche un État d’imposer des obligations de service public à des services aériens réguliers si les liaisons assurées sont vitales. Or il me semble que la desserte aérienne de plusieurs villes de France ne fait l’objet d’aucune concurrence, y compris par des trains rapides. Les obligations de service public pourraient donc concerner ces destinations.

Ensuite, le raisonnement suivi dans votre rapport concernant le transport aérien peut légitimement conduire à s’interroger sur l’incidence qu’aura l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire. La réglementation du droit de grève introduite par la loi sur le service minimum garanti a en effet été justifiée par la nécessité d’assurer la continuité du service public. Est-ce à dire que si l’exploitation de certaines lignes ferroviaires devait dorénavant être assurée selon une logique purement commerciale, la réglementation du droit de grève et l’instauration du service minimum perdraient leur légitimité ?

En conclusion, il me semble que la loi de 2007 a marqué une réelle avancée. Les partisans du statu quo, qui nous avaient expliqué que son application créerait plus de difficultés qu’elle n’en résoudrait ou serait impossible, ont été démentis par les faits : la loi est correctement appliquée, les salariés en ont compris la justification et les usagers en apprécient les avantages, même s’ils les jugent encore limités. Des progrès sont non seulement possibles, mais également souhaitables si l’on a comme moi le souci d’améliorer la situation des usagers.

Comme les récents déboires de l’Eurostar l’ont montré, il arrive encore que des passagers restent bloqués dans un train pendant des heures, en étant peu informés et sans même recevoir un verre d’eau. Pourquoi le principe de précaution n’imposerait-il pas aux transporteurs de toujours tenir à disposition des passagers, parmi lesquels on compte des enfants et des personnes âgées, suffisamment d’eau en cas de retard important ?

Si le dialogue social doit être l’outil privilégié pour obtenir ces nouvelles avancées, le Parlement ne peut pas écarter a priori l’élaboration d’éventuelles mesures législatives pour inciter les uns et les autres à l’action dans les autres secteurs du transport. Nos concitoyens ne comprendraient pas que l’on refuse d’étendre le service minimum garanti alors que celui-ci a fait ses preuves. Je ne nie pas qu’il y ait des difficultés juridiques, mais, après tout, nous sommes le législateur, et il nous revient d’élaborer la loi et de faire évoluer le droit.

Je souhaite donc que notre débat de ce soir nous permette à la fois d’effectuer un bilan et de dégager de nouvelles pistes pour l’avenir, afin que soit enfin préservée la liberté de chacun de circuler et de travailler, qui me semble pour l’heure quelque peu oubliée. J’aimerais que la solution retenue pour régler ces problèmes ne soit pas que technique, et ne se borne pas par exemple à multiplier les métros entièrement automatiques.

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