Intervention de Yvon Collin

Réunion du 13 janvier 2010 à 21h10
Évaluation de la loi sur le service minimum dans les transports — Débat d'initiative sénatoriale

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, peu de temps après la dernière élection présidentielle, le Parlement a adopté la loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs. L’objectif était double : d’une part, prévenir le plus efficacement possible les conflits sociaux dans les transports terrestres et ferroviaires, par le dialogue social ; d’autre part, garantir, en cas de grève, un service réduit mais connu des usagers à l’avance et répondant à leurs besoins prioritaires.

Il s’agissait de trouver un équilibre entre plusieurs principes, dont ceux de la liberté d’aller et venir, de l’accès aux services publics et du respect du droit de grève. Ce texte a vocation à permettre que l’exercice du droit élémentaire de contester les conditions de travail ne porte pas atteinte au droit de nos concitoyens de pouvoir circuler librement, sans entrave majeure. Pour cela, il vise à assurer la continuité du service public, essentielle pour les déplacements quotidiens.

Aujourd’hui, l’heure du bilan est venue, monsieur le secrétaire d’État. Selon l’ensemble des entreprises concernées, notamment la SNCF et la RATP, la loi a eu un effet plutôt positif sur le dialogue social. Elle a en premier lieu renforcé les acquis des accords préalablement conclus entre les partenaires sociaux au sein des deux entreprises. En second lieu, elle a eu une incidence globalement positive sur le service rendu aux usagers. À cet égard, permettez-moi de souligner, monsieur le secrétaire d’État, que le service est paradoxalement parfois mieux assuré, pour certaines interconnexions de la région parisienne, en période de grève, les trains de réserve étant à l’heure, qu’en période normale, où les horaires indiqués sont de moins en moins souvent respectés !

Le nombre de journées perdues à la SNCF pour raison de grève est le plus bas depuis quatre ans. À la RATP, en 2008, sur 3 051 agents tenus de faire part de leur intention de faire grève, seuls 63 n’ont pas respecté la loi. Ces données sont encourageantes, mais il ne faudrait pas sous-estimer les différences entre collectivités et, plus largement, entre territoires en matière d’application de la loi.

Que le bilan soit globalement positif, selon la formule consacrée, ne signifie pas que tout aille bien : certaines limites de la loi sont inhérentes au droit de grève, droit garanti par notre Constitution et qu’il ne s’agit en aucun cas, bien entendu, de remettre en cause. Ainsi, en cas de grève massive d’une catégorie de personnel, aucun service ne peut être assuré, sauf à avoir recours au droit de réquisition, ce qui n’entre pas dans les prérogatives dévolues aux pouvoirs publics par la loi de 2007.

En outre, la loi ne prévoit aucun dispositif en cas de grève illégale. Elle n’a pas non plus pour objet de régler les problèmes liés à une insuffisance des investissements, dont on sait, monsieur le secrétaire d’État, qu’elle est la principale cause de la vétusté des infrastructures et du matériel roulant. Du fait de cette insuffisance, des voyageurs se trouvent soumis aux caprices du temps : nos matériels ne résistent pas au froid en hiver, à la canicule en été… Chaque saison est marquée par des retards, voire des interruptions du trafic.

Ce débat met bien en évidence, au-delà des questions d’organisation et de fonctionnement, le problème récurrent de la capacité des entreprises publiques à financer l’investissement et l’innovation. Ce problème relève aussi en partie de la responsabilité de l’État. À cet égard, je tiens à souligner que si le service des TER, les trains express régionaux, ou du Transilien en Île-de-France est perturbé, ralenti, voire arrêté sur certaines lignes, c’est le plus souvent en raison de l’état du réseau. L’audit réalisé en 2005 avait ainsi révélé que 500 millions d’euros supplémentaires par an étaient nécessaires pour le régénérer.

Or les collectivités territoriales, qui financent, il faut le rappeler, le réseau à hauteur de 80 %, sont déjà très largement mises à contribution pour développer un service de transport de qualité. Aujourd’hui, les régions sont même amenées à se substituer à l’État pour l’entretien du réseau ferré national. À cet égard, je souligne que la région Midi-Pyrénées n’est pas en reste ; elle est même en pointe.

Enfin, se pose aussi la question des détournements de la loi, notamment par le biais des grèves de courte durée. Celles-ci ne cessent de se multiplier – nous l’avons vu à propos d’événements récemment survenus gare Saint-Lazare – et rendent difficile, voire impossible, toute prévision en matière de trafic lorsqu’elles alternent avec des grèves de vingt-quatre heures.

Élaborer une nouvelle loi pour améliorer les dispositions adoptées en 2007 ne me paraît pas être la meilleure solution. Le dialogue entre les parties, qui a déjà porté des fruits, doit être poursuivi.

Monsieur le secrétaire d’État, si vous êtes attaché comme moi à la continuité du service public de transport collectif, il est urgent que vous donniez aux entreprises publiques les moyens financiers de régénérer les réseaux ferrés et de mettre à la disposition des voyageurs des équipements en bon état de fonctionnement. Cela évitera bien des perturbations, la plupart d’entre elles étant, je le répète, liées à l’obsolescence des voies et des matériels.

Depuis vingt ans, la société française a beaucoup évolué. Dans une mesure de plus en plus large, les usagers des services publics de transport sont devenus des clients, qui attendent la même qualité de service que celle qu’ils exigent des entreprises privées. Finançant ces services par l’impôt, ils n’en sont que plus exigeants. Les sentiments de dépendance et d’incertitude que suscitent les incidents et une mauvaise information entraînent des critiques souvent vives à l’encontre des entreprises de transport publiques.

Enfin, compte tenu du rôle majeur confié aux autorités organisatrices de transport, c'est-à-dire aux collectivités locales, les décisions doivent être prises au plus près des citoyens et sous leur contrôle. Un dialogue plus franc doit être entamé avec les organisations syndicales, qui comprennent, me semble-t-il, la nécessité de participer aux transformations de la société. Dans le secteur des transports, je ne doute pas que cela renforcera leur représentativité, les salariés concernés étant également des citoyens et des usagers des services publics.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout débat sur le service minimum dans les transports qui opposerait les salariés aux usagers serait voué à l’échec. Il est aujourd’hui évident que la loi sur le service minimum dans ce secteur ne règle pas tous les problèmes, tant s’en faut. Aussi me paraît-il indispensable, avant même de reprendre ce chantier et de revoir le dispositif en vigueur, de faire preuve de sagesse et de mesure.

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