Intervention de Mireille Schurch

Réunion du 13 janvier 2010 à 21h10
Évaluation de la loi sur le service minimum dans les transports — Débat d'initiative sénatoriale

Photo de Mireille SchurchMireille Schurch :

Cette proposition de loi prévoit également l’élaboration par les entreprises d’une liste d’agents volontaires pour suppléer leurs collègues en cas de grève. Il s’agit là d’une suggestion proprement hallucinante, dont la mise en œuvre conduirait des agents à se priver par avance d’un droit inaliénable reconnu par la Constitution, à savoir le droit de grève.

Sur le fond, alors qu’elle devait être au cœur de notre débat et du bilan de l’application de la loi, nous déplorons que la question du dialogue social soit à ce point marginalisée. Elle offre pourtant une marge de manœuvre importante pour limiter les conflits au sein des entreprises, objectif avoué de l’instauration du service minimum. En effet, les grèves sont la conséquence directe soit de la dégradation du dialogue social, soit des politiques de casse de l’emploi et de l’outil de production menées tant par le Gouvernement que par les directions d’entreprises.

Ainsi, ne nous leurrons pas : tant que la SNCF mettra en œuvre la politique illustrée par son plan de sauvegarde du fret et qu’elle cherchera à préparer sa future privatisation, les agents ne cesseront de faire grève. Cette orientation s’explique notamment par le fait que la SNCF se trouve enfermée dans une logique concurrentielle, qui la pousse à augmenter sa rentabilité économique au détriment d’autres considérations.

Nous ne pouvons pas non plus passer sous silence le fait que, en sept ans, 21 500 emplois ont été supprimés à la SNCF. Voilà qui pourrait expliquer certains conflits au sein de l’entreprise, mais aussi certains défauts de continuité du service public, liés à un manque de moyens humains ! D’ailleurs, si, à l’heure actuelle, de simples aléas météorologiques suffisent à remettre en cause l’organisation du service public de transport, n’est-ce pas le signe que le fonctionnement à effectifs restreints est source de graves perturbations pour les usagers ?

Cela m’amène à aborder la seule question qui importe pour mon groupe, celle de la continuité du service public des transports au quotidien. Il faut bien reconnaître que celle-ci est mise à mal non par les grèves répétées, mais par le sous-investissement chronique dont souffre ce secteur d’activité, ainsi que par les tentatives de libéralisation conduites sur les injonctions de Bruxelles.

Ainsi, selon le rapport du député Hervé Mariton, le nombre de jours de grève par agent de la SNCF était de 0, 18 en 2008. Par conséquent, faire des grèves l’unique mal dont souffrirait aujourd’hui la continuité du service public est une contrevérité. Je rappelle que les grèves ne représentent que 3 % de l’ensemble des incidents qui perturbent les transports. En réalité, le problème réside essentiellement dans la tension extrême des moyens affectés aux réseaux, qui pâtissent d’une insuffisance des investissements depuis les années soixante-dix. La diminution continue des crédits alloués aux transports ne peut conduire qu’à une rupture de la continuité du service public.

Les conflits sont également nourris par la dégradation des conditions sociales, sous l’effet de la déréglementation du secteur des transports. La précarité de l’emploi se développe dans ce dernier, où l’on assiste à un accroissement du recours au temps partiel. Les salariés sont donc fondés à exiger une autre politique des transports.

Avec les associations d’usagers, nous continuons d’affirmer la nécessité de mettre en place un « plan Marshall » des transports, qui doit être porté par l’État et par les collectivités. Je souligne à cet égard que les financements des collectivités, notamment ceux des régions, vont être très fortement affectés par la réforme des collectivités territoriales et par la suppression de la taxe professionnelle. C’est pourquoi nous souhaitons que l’État engage un effort financier sans précédent, notamment par le biais d’une reprise de la dette de Réseau ferré de France, RFF.

Nous regrettons par ailleurs qu’aucune part du grand emprunt ne soit affectée au financement de ce secteur majeur et que les déclarations d’intention du Grenelle de l’environnement ne soient pas suivies des investissements correspondants. Les sénateurs du groupe CRC-SPG se posent résolument, pour leur part, en défenseurs du service public, ainsi que de la qualité et de la sécurité des prestations fournies aux usagers. Cela va de pair avec la défense des conditions de travail du personnel, du respect des droits collectifs et des droits syndicaux, ainsi que de la négociation au sein des entreprises. Nous sommes donc opposés à toute atteinte au droit de grève, droit indispensable à tout citoyen salarié. §

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