Le 14 janvier dernier, madame la ministre, vous présentiez le nouveau dispositif du Pass-Foncier comme un « produit révolutionnaire ». Vous tentiez, par cet effet d’annonce, de faire oublier l’échec rencontré par les maisons à 100 000 euros, lancées par Jean-Louis Borloo en 2005 et qui n’ont jamais séduit ni les particuliers ni les collectivités locales mises à contribution.
L’article 16 du projet de loi étend le Pass-Foncier au logement collectif. De quoi s’agit-il au juste ?
En apparence, l’objectif est de rendre possible l’accession sociale via un portage foncier en permettant aux accédants à la propriété d’acheter en deux temps, soit les murs puis le terrain de leur logement, soit l’usufruit puis la nue-propriété dans le cas d’un logement collectif.
En outre, afin d’améliorer la solvabilité des ménages à revenus modestes, l’application du dispositif ouvre droit au taux réduit de TVA de 5, 5 %.
Mais qu’en est-il en réalité ? À bien y regarder, ce dispositif ressemble fort à ces contrats dont les clauses, écrites en caractères minuscules, ont tôt fait de se retourner contre vous si vous n’avez pas pris soin de sortir votre loupe.
En effet, ce mécanisme conduit à une durée de financement plus longue – souvent égale à trente ans –, alors que les banques sont de moins en moins enclines à prêter sur des durées aussi élevées, et que les taux d’intérêt flirtent avec les 6 % dès que l’on dépasse une durée de vingt ans.
Des durées d’emprunt extrêmement longues, combinées à des taux d’intérêt qui s’envolent : le cocktail est explosif, madame la ministre !
Le Pass-Foncier est un dispositif qui cible les familles modestes, celles qui ont souvent le plus besoin d’être mobiles pour rechercher un emploi. Au bout de trente ans, elles seront propriétaires d’une maison et d’un terrain, ou d’un appartement, qu’elles auront dû payer deux fois et demie à trois fois sa valeur.
En réalité, ce dispositif, bien que séduisant à première vue, se révèle donc extraordinairement risqué sur la longue durée. Le moindre accident de la vie est susceptible de remettre en cause son équilibre.
La garantie de rachat par une personne morale au même prix que celui qui a été payé par l’accédant pendant les cinq premières années, puis avec un abattement de 2, 5 % par année de détention supplémentaire, est un bien mince filet de sécurité, qui ne change rien au fond du problème.
Les mécanismes de l’accession sociale à la propriété sont grippés, et votre réponse, qui consiste en un allongement de la durée des prêts, est à contre-courant de la tendance actuelle, qui tend à la raccourcir.
La priorité reste la construction de logements à loyer modéré. Le Pass-Foncier se révèle être une simple aide, servant à mieux faire passer l’amère pilule de l’endettement sur plus de trente ans.
Dans ces conditions, je vous demande, mes chers collègues, de refuser l’extension du Pass-Foncier au logement collectif, la comparaison entre risques et bénéfices étant nettement en sa défaveur.