Au cours de la discussion du projet de loi portant engagement national pour le logement, les députés de la majorité avaient déjà tenté de porter un coup à l’article 55 de la loi SRU, relayés au Sénat par M. le rapporteur.
Vous indiquiez alors, cher collègue rapporteur, que l’intégration des logements en accession sociale à la propriété dans le quota des 20 % ne vous semblait pas illégitime. Heureusement, nous constatons aujourd’hui que vous avez été sensible à nos arguments et que vous avez su revoir votre jugement.
Comme celui qui nous est proposé aujourd’hui, le dispositif prévu à l’époque consistait à mélanger de manière abusive deux choses bien différentes : l’accession sociale à la propriété et le logement social, en opposant honteusement les deux !
Il est tout à fait légitime et nécessaire de disposer d’un outil d’accession sociale à la propriété. Cependant, celle-ci ne doit pas se réaliser au détriment du logement social.
Comme aujourd’hui l’article 17 du texte que nous examinons, l’article 5 bis B du projet de loi ENL, qui résultait d’un amendement du président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire de l’Assemblée nationale, M. Patrick Ollier, avait pour seul et unique objet de permettre aux maires de ne pas satisfaire à leurs obligations de construction de logements sociaux. La démarche semblait assez limpide au regard de la situation de M. Ollier, élu d’une ville, Rueil-Malmaison, qui comptait un parc de logements de 20 029 résidences principales, dont 5 829, c’est-à-dire 18, 18 %, seraient assimilables à des logements sociaux. Bien sûr, d’autres communes des Hauts-de-Seine ou d’ailleurs étaient encore plus éloignées du seuil de 20 %, ainsi que le rappelait tout à l’heure ma collègue Évelyne Didier, parlant au nom de Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
La ficelle était donc un peu grosse ; même, elle indiquait clairement les intentions réelles de l’auteur de l’amendement. Cette fois, c’est le Gouvernement qui a décidé d’intégrer directement dans son projet de loi les dispositions attentatoires à l’article 55 de la loi SRU.
La situation n’a pas changé puisque près de la moitié des communes concernées par la loi n’ont pas respecté les obligations fixées à l’article 55. Cependant, en adoptant entre-temps la loi DALO, vous vous êtes engagés, mes chers collègues, à garantir à nos concitoyens le droit au logement, c’est-à-dire, concrètement, à leur fournir un logement décent et adapté. Comment comptez-vous faire si vous allégez les règles destinées à favoriser la construction de logements sociaux ?
Dans son rapport de septembre, le comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable indique que le taux élevé de non-respect de la loi, sept ans après son adoption, entrave le développement de la production de logements locatifs sociaux, pourtant indispensable à la mise en œuvre du droit au logement opposable ; de ce fait, celui-ci se trouve remis en cause !
Le comité de suivi annonce que les recours sont déjà suffisamment nombreux pour que l’on puisse affirmer que ces relogements vont conduire, dans les départements « tendus », à demander au parc des organismes de logement social d’accroître la proportion de ménages en difficulté qu’il accueille.
Avec l’article 17, le Gouvernement accentuera le phénomène de concentration de logements sociaux sur certains territoires et portera un coup d’arrêt à la mixité sociale en donnant aux maires récalcitrants les moyens de ne pas accueillir sur leurs communes les populations les plus en difficulté.
Pour toutes ces raisons, et parce que l’article 17 représente une véritable opération de démantèlement de la notion de logement social, nous vous demandons, mes chers collègues, de voter sa suppression.