Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 20 octobre 2008 à 21h30
Logement et lutte contre l'exclusion — Article 19

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Nous voici en présence de l’article 19 qui, s’agissant du logement privé, vise à accélérer encore un peu plus les procédures d’expulsion des locataires.

Ce n’est pas la peine de lire le rapport de la commission pour comprendre que ce qui compte dans l’opération est bel et bien le seul droit du bailleur à récupérer au plus tôt son logement, avec tout ce que cela peut impliquer !

Je rappelle tout de même les conclusions tirées par ce rapport quant à l’analyse des mesures prises depuis la loi de lutte contre les exclusions en 1998.

« En moyenne sur 130 000 contentieux assortis d’une demande de commandement de quitter les lieux, environ 53 000 se soldent par une délivrance d’un tel commandement, dont 40 000 avec une demande de concours de la force publique. Cette demande est accordée dans près de la moitié des cas et seule une autre moitié est suivie d’une intervention effective, soit environ 10 000 cas par an. Au total, les indemnités versées par l’État au bailleur pour refus d’intervention varient d’une année sur l’autre et tournent autour de 50 millions d’euros. »

Permettez-moi de vous faire part de mon sentiment, monsieur le rapporteur.

Si le concours de la force publique est finalement aussi peu sollicité, c’est non pas parce que l’inexécution de la procédure coûte à l’État, mais d’abord parce que la plupart des procédures concernent des locataires de bonne foi !

Il y a là un amalgame douteux à vouloir appliquer à l’ensemble des procédures ce qui n’est que très rarement constitué, c’est-à-dire la mauvaise foi du locataire.

Évidemment, pour faire bonne mesure, le rapport s’inquiète ensuite de la situation des propriétaires. Il poursuit en ces termes :

« Il résulte de ces différentes étapes qu’une décision d’obtention du concours de la force publique demande, en moyenne, une durée de deux années si le locataire refuse de quitter les lieux et une moyenne de trente et un mois avant d’obtenir une indemnisation de l’État si un tel concours n’a pas été accordé. Les bailleurs considèrent que ces procédures constituent bien souvent un véritable “parcours du combattant”, avant de pouvoir retrouver la jouissance de leur bien, les privant ainsi de revenus locatifs pendant de nombreux mois. Tout en soulignant que l’acte d’expulsion est un acte hautement traumatisant pour les personnes qui la subissent, il n’en reste pas moins que la loi protège aussi bien les locataires confrontés à de réelles difficultés que les locataires de mauvaise foi.

« Votre commission estime que ces éléments juridiques et statistiques plaident en faveur de la mesure proposée par cet article du projet de loi. En effet, elle ne peut que déplorer, pour reprendre une expression utilisée par le rapport précité, une certaine forme de “réquisition de fait” que constitue le maintien dans les lieux de locataires sans indemnisation rapide des bailleurs. […]

« Dans ces conditions, elle soutient résolument la réduction de trois à un an du délai de sursis à exécution des jugements d’expulsion que peuvent accorder les juridictions, étant entendu que cet aménagement des règles législatives ne concerne qu’une étape, tardive, de la procédure qui continuerait à ménager aux juges de nombreuses possibilités d’octroyer des délais aux locataires pour éviter d’aboutir à la délivrance d’un commandement de quitter les lieux. »

Je vais être très claire, monsieur le rapporteur : en l’état actuel du droit, les juges n’abusent aucunement des délais de procédure, et cet article 19 ne vise donc, dans les faits, qu’à faire droit aux attentes de la frange la plus militante de la propriété foncière.

Libre ensuite, sans doute, à l’État et aux collectivités locales d’assumer la charge des dizaines de milliers d’expulsions qui découleront de l’adoption de cette atteinte caractérisée au droit au logement que constitue cet article 19.

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