Je vais répondre de manière globale aux deux amendements de suppression, puis j’indiquerai les éléments qui justifient la position du Gouvernement sur les autres amendements.
Comme cela a été dit, à peu près 100 000 décisions d’expulsion sont rendues chaque année, dont 10 000 sont exécutées. Ce dernier chiffre peut paraître faible comparé au premier, mais il est déjà excessif, car l’expulsion est un échec, pour les locataires et leur famille, pour les propriétaires, ainsi que pour l’État.
Certains d’entre vous ont posé la question de la prévention que j’ai naturellement présente à l’esprit, notamment avec la généralisation des commissions départementales. Je puis vous préciser que Mme le ministre de l’intérieur et moi-même avons signé, voilà quelques semaines, une circulaire, adressée aux préfets, donnant les instructions relatives à la prévention des expulsions.
Quelques sénateurs ont évoqué le développement de la garantie du risque locatif, la GRL. Nous souhaitons tous son développement, prévu – j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire – dans le cadre de l’accord que le Gouvernement a passé avec les organismes de gestion du 1 % logement. Toutefois, une difficulté étant survenue entre les partenaires sociaux, nous devrions n’en avoir la certitude qu’à la fin de l’année. Il est bien évident que, si la GRL est mise en place dès le début de l’année 2009, nous répondrons à notre objectif commun, à savoir la fin des expulsions.
Cependant, nous devons aussi tenir compte d’une réalité : nous voyons tous les difficultés posées par l’expulsion, en particulier pour les familles de bonne foi, mais être propriétaire ne signifie pas obligatoirement être riche ! Un certain nombre de petits propriétaires ont besoin de percevoir leurs loyers pour assurer l’équilibre de leur budget. Le fait de ne pas leur garantir un minimum fragilise leur situation à l’extrême.
Mon objectif n’est pas d’opposer les locataires aux propriétaires. Encore une fois, nous devons abandonner les vieux schémas ! Comme moi, vous avez certainement tous rencontré dans vos permanences des petits propriétaires complètement désarmés parce que leurs loyers n’étaient plus payés depuis plusieurs mois.
Nous devons donc faire face non seulement à l’échec de la famille visée par une décision d’expulsion non exécutée, qui la soumet à une inquiétude et une angoisse fortes, mais également à celui du propriétaire, en essayant de trouver un équilibre. C’est la raison pour laquelle je crois profondément à la GRL, dont je souhaite la mise en place rapide afin que les commissions départementales fassent leur office.
Enfin, ce projet de loi contient une mesure tout de même importante, malgré ce qui se dit à droite ou à gauche. N’oubliez pas qu’il développe la prévention des expulsions par l’intermédiation locative, qui répond aux difficultés de certaines personnes fragiles. Ce mécanisme participe donc à cette volonté de prévention de l’expulsion.
Il faut aborder les problèmes du logement de façon globale, sans s’arrêter à une vision limitée des choses. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes encore présents à cette heure tardive parce que vous êtes spécialistes du logement : quel que soit votre positionnement politique, vous savez bien qu’on ne peut donner de réponse unique aux problèmes du logement.
Ce projet de loi apporte des réponses en matière de prévention des expulsions. Je souhaite qu’il n’y ait plus d’expulsions dans ce pays. L’expulsion, je l’ai déjà dit, est un échec, c’est une erreur, un drame pour les familles, pour les propriétaires, et une charge pour l’État !
Vous l’aurez donc compris, l’avis du Gouvernement est défavorable sur les amendements identiques n° 202 et 476.
En ce qui concerne l’amendement n° 328, déposé par Mme Bout, je suis très ennuyée. Je comprends ce que vous souhaitez, madame, mais j’avoue que je rencontre quelques difficultés : non seulement, vous voulez réduire à un an le délai du sursis à exécution des jugements d’expulsion, mais vous supprimez également la référence à l’hébergement.
Que voulez-vous faire des personnes concernées ? Sincèrement, le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement, qui supprime la possibilité de recourir à l’hébergement, alors que la loi instituant le droit au logement opposable reconnaît expressément l’obligation de proposer aux personnes reconnues prioritaires, dont font partie, bien sûr, les personnes menacées d’expulsion à la suite d’une décision de justice, un logement ou un hébergement dans un délai de trois à six mois. Si vous supprimez la possibilité de l’hébergement, nous ne pouvons pas appliquer cette loi aux publics prioritaires, ce qui me paraît à la fois impossible juridiquement et difficile humainement.
Je vous demande donc de retirer votre amendement ; dans le cas contraire, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Je crois, là encore, qu’il faut envisager de façon globale la problématique qui a trait au logement et aux plus fragiles d’entre nous.
Pour les raisons que j’ai déjà évoquées, le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques n° 203 et 478, qui visent à étendre la trêve hivernale.
L’amendement n° 319 va à l’encontre du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs. Je vous rappelle qu’il appartient à la juridiction judiciaire de décider ou non d’accorder les délais en matière d’expulsion locative. Le préfet n’intervient que pour accorder ou non le concours de la force publique. Dans ces conditions, il n’est pas possible de donner un avis favorable à cet amendement.
Sur les amendements n° 204, 320 et 205, auxquels le Gouvernement est défavorable, je vous renvoie aux explications que j’ai données à Mme Bout concernant l'amendement n° 328.