Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 8 novembre 2007 à 15h00
Prélèvements obligatoires — Débat sur une déclaration du gouvernement

Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'article xiii de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen justifie l'impôt par deux raisons : « l'entretien de la force publique » et « les dépenses d'administration ».

Je suggérerais que nous y ajoutions une troisième dimension, celle de la compétition internationale, dans laquelle l'impôt s'inscrit comme un véritable élément d'attractivité.

L'impôt n'est en effet pas seulement un outil propre à assurer le bon fonctionnement de l'État à l'intérieur de nos frontières ; c'est aussi une arme qui nous permet de mieux lutter contre nos concurrents, et je suis heureuse de venir défendre cette idée devant vous ce soir, en vous présentant le rapport 2008 sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.

À l'heure où nos amis Anglais s'apprêtent à discuter un budget qui taxe plus lourdement certains étrangers résidant sur leur sol, ceux qu'on appelle les « non domiciliés résidents », je crois très opportun de rendre notre système de prélèvements obligatoires plus séduisant pour les investisseurs internationaux, plus incitatif pour les entrepreneurs et plus juste pour nos concitoyens.

La loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat que vous avez adoptée, voilà un peu plus de trois mois, comporte déjà de nombreuses dispositions qui manifestent clairement notre souci d'attractivité.

Le projet de budget pour 2008, que vous examinerez bientôt, constitue une nouvelle étape pour rendre notre fiscalité plus compétitive et, par là, notre territoire plus attractif. Il joue sur deux plans : le niveau des prélèvements obligatoires et leur structure.

En premier lieu, je n'hésite pas à affirmer que les impôts doivent diminuer autant que possible.

Le constat est sans appel. Avec un taux de prélèvements obligatoires égal à 44, 2 % du produit intérieur brut en 2006, la France se classe parmi les pays où la pression fiscale est la plus élevée au monde. La moyenne pour les pays de l'Union européenne est inférieure à 40 %, tandis que celle des pays de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, se rapproche de 35 %.

Pour pouvoir rivaliser avec des pays tels que l'Allemagne, la Grande-Bretagne ou les États-Unis, nous devons avoir en tête cette barre des 40 %. Après avoir instauré un bouclier fiscal pour les individus, on pourrait imaginer faire de même pour l'État.

Nous sommes sur la bonne voie : après le record historique de l'année 1999, à près de 45 % du produit intérieur brut, le taux de prélèvements obligatoires s'est stabilisé ces dernières années entre 43 % et 44 %.

La tendance est désormais nettement à la baisse.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes.

En 2006, je le rappelle, le taux de prélèvements obligatoires était de 44, 2 % du produit intérieur brut. En 2007, il devrait reculer jusqu'à 44 % du produit intérieur brut sous l'effet des baisses d'impôt, malgré le dynamisme spontané des recettes lié à la croissance de l'activité. Chaque ménage a ainsi vu sa déclaration d'impôts diminuer, à revenu égal, de 275 euros en moyenne.

En 2008, le taux de prélèvements obligatoires reculera à nouveau pour s'inscrire à 43, 7 % du produit intérieur brut, principalement sous l'effet des allégements d'impôts et de charges prévus dans la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

Même si nous avons encore bien des efforts à fournir pour rejoindre les évolutions spectaculaires de l'Allemagne et des Pays-Bas, qui, en moins de cinq ans, ont baissé le taux de leurs prélèvements obligatoires respectivement de 3 % et de 2 %, je suis convaincue que nous sommes engagés dans la bonne direction : nous diminuerons notre taux de prélèvements obligatoires autant que le permettra l'équilibre de nos finances publiques.

Moins d'impôt, c'est plus d'opportunités pour les investisseurs, plus de pouvoir d'achat pour nos concitoyens et plus de liberté.

En deuxième lieu, il faut évidemment combiner ce « moins d'impôts » avec un « mieux d'impôts ».

Pour améliorer notre compétitivité, nous devons moderniser la structure de notre système fiscal : un impôt intelligent est un impôt qui se met au service de la politique de croissance.

À titre d'observation préliminaire, je rappellerai qu'aujourd'hui la part de l'État dans les prélèvements obligatoires a tendance à reculer au profit de celle des collectivités territoriales et des administrations de sécurité sociale, qui voient chacune leur part augmenter de 0, 1 point de produit intérieur brut en 2007.

L'impôt, je le disais, doit se mettre au service de la croissance. Le projet de loi de finances pour 2008 traduit clairement notre volonté de modifier en profondeur la répartition de l'impôt en ce sens, et trois exemples l'illustrent.

Ainsi, pour promouvoir l'innovation, nous n'avons pas hésité à tripler le taux du crédit d'impôt recherche ou à assouplir considérablement la fiscalité des brevets.

De même, pour encourager l'accès à la propriété, nous avons doublé le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt pour la première année.

Enfin, pour mieux récompenser ceux qui veulent travailler plus, nous avons entièrement défiscalisé les heures supplémentaires pour les salariés et, en partie, pour les employeurs.

Jouer sur les taux et les assiettes des différents impôts contribue ainsi à l'efficacité de notre politique économique.

Au-delà de ces priorités, nous devons en troisième lieu repenser, sereinement et sans tarder, l'ensemble de notre système fiscal, afin de le rendre plus simple, plus stable et plus cohérent.

J'aimerais aborder immédiatement et sans détour deux questions sensibles.

Première question, faut-il instaurer un impôt minimum ?

Nous avons remis au Parlement, le 15 octobre dernier, un rapport qui passait en revue quatre options possibles. Les mécanismes les plus simples créeraient une imposition nouvelle dépassant largement le simple cas des « niches fiscales » et touchant injustement une trop large catégorie de contribuables, ce qui n'est pas l'objet de l'exercice, tandis que des dispositifs plus sophistiqués, comme l'imposition minimale proportionnelle à une cotisation d'impôt de référence, conduiraient à une complexité excessive et manqueraient ainsi l'effet symbolique de l'impôt minimal.

Ces inconvénients nous ont conduits à répondre par la négative à cette première question. Nous ne proposerons donc pas d'impôt minimum.

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