Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 8 novembre 2007 à 15h00
Prélèvements obligatoires — Débat sur une déclaration du gouvernement

Christine Lagarde, ministre :

... mais très complémentaires dans le détail de leurs analyses.

Éric Besson et moi-même nous sommes pliés à l'exercice en remettant au Premier ministre, le 11 septembre dernier, nos rapports sur le sujet. À la demande de ce dernier, ces rapports sont désormais entre les mains du Conseil économique et social, qui doit se prononcer avant la fin de l'année dans le cadre plus général du financement de la protection sociale.

Le temps est donc, bien entendu, encore au débat, et je me réjouis qu'il puisse avoir lieu devant votre Haute Assemblée.

J'aimerais cependant souligner d'emblée deux limites de cette TVA sociale ou TVA anti-délocalisation.

Première limite, la TVA sociale ne peut pas être un prétexte pour baisser toutes les charges. L'analyse économique de mes services montre que, pour défendre efficacement l'emploi, l'éventuel supplément de TVA devrait être prioritairement affecté à des allégements de charges employeurs ciblés en particulier sur les bas salaires, au voisinage du SMIC. Comme le rapport de Philippe Marini le rappelle, c'est en effet au niveau des plus bas salaires que se trouvent le plus grand nombre de créations d'emplois potentielles.

Dans l'hypothèse où le taux de TVA serait relevé de 1, 5 point - c'est une des multiples hypothèses, mais d'autres, je n'en doute pas, devraient être considérées -, les 9 milliards d'euros correspondants permettraient un allégement maximal de 28 % sur les salaires compris entre 1 et 1, 1 SMIC, ce qui pourrait, toujours d'après les calculs effectués par mes services, générer jusqu'à 100 000 nouveaux emplois.

Deuxième limite, finement relevée par Alain Vasselle dans son rapport, il ne faut pas, en l'état actuel des circonstances économiques, sous-estimer le risque inflationniste d'une telle mesure. Ce serait particulièrement maladroit à l'heure où les Français pensent que les prix ont augmenté de manière exagérée.

J'ai moi-même demandé à l'INSEE de mettre au point de nouveaux indicateurs, qui ne viennent pas se substituer aux indicateurs existants mais les affinent, pour tenir compte de ce sentiment d'augmentation du coût de la vie, dont il convient de savoir dans quelle mesure il correspond à une réalité.

Dans ces conditions, la mise en place d'une TVA sociale ne serait envisageable que si elle était accompagnée d'une action extrêmement vigoureuse et bien visible sur le niveau des prix.

Ce débat sur la TVA sociale, qui reste, comme vous le voyez, entièrement ouvert, s'inscrira tout naturellement aux côtés de la revue générale des prélèvements obligatoires que j'animerai dans les prochains mois et qui sera « bouclée » à la fin du printemps 2008.

Les thèmes de la compétitivité des entreprises, du coût du travail, de la consommation seront approfondis dans le cadre d'une réflexion plus globale sur notre fiscalité.

Je travaillerai en étroite collaboration avec Éric Besson, secrétaire d'État chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques, à qui j'ai demandé de commencer à travailler sur un élément de cadrage correspondant à la stratégie de développement de l'économie française sur les années à venir, ainsi, évidemment, qu'avec Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, sans hésiter à consulter les élus, les partenaires sociaux, les consommateurs et, bien entendu, les experts, y compris d'ailleurs les experts étrangers.

Cette revue générale des prélèvements obligatoires se déroulera en trois temps.

Dans un premier temps, nous établirons un diagnostic, que je rendrai public à la fin de l'année, sous la forme d'un document d'orientation déterminant les principaux enjeux d'une réforme globale à l'aune de ce que sera la stratégie de développement de l'économie française. L'ensemble des prélèvements, qu'ils soient sociaux ou fiscaux dès lors qu'ils ont un caractère obligatoire, sera remis à plat.

Dans un deuxième temps, il faudra imaginer un traitement et proposer un certain nombre de modifications. Sur la base des orientations retenues, je constituerai un ou, plutôt, plusieurs groupes de travail dont la mission sera d'organiser la concertation sur les modalités concrètes des réformes et sur leur calendrier.

Le troisième temps sera celui de la mise en oeuvre. Avant l'été prochain, le Gouvernement disposera d'une véritable stratégie pluriannuelle en matière de prélèvements obligatoires, assortie d'un calendrier pour l'ensemble de la législature.

Naturellement, cet exercice de revue des prélèvements obligatoires n'a pas vocation à se substituer aux initiatives prises jusqu'à présent, mais, bien au contraire, à s'articuler avec elles au sein d'un cadre cohérent. Nous prendrons ainsi en compte les résultats du Grenelle de l'environnement, ainsi que les orientations retenues par le Gouvernement, en matière de finances publiques comme en matière de politique publique, telles que celles qui ont été évoquées par le Premier ministre tout à l'heure, en réponse à une question d'actualité, dans le cadre de la revue générale des politiques publiques et des procédures de réforme en cours.

Mesdames, messieurs les sénateurs, notre action fiscale s'inscrit donc dans le long terme et repose sur des principes clairs. Nous souhaitons encourager ceux qui veulent innover, ceux qui veulent travailler, ceux qui veulent investir, ceux qui veulent embaucher en France. Moins d'impôts, mieux d'impôts, ce sera plus d'espace pour l'esprit d'entreprise et pour la croissance que nous appelons de nos voeux.

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