Intervention de Jean Bizet

Réunion du 10 décembre 2004 à 10h30
Loi de finances pour 2005 — Ecologie et développement durable

Photo de Jean BizetJean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le projet de loi de finances pour 2005, les crédits consacrés à l'écologie et au développement sont fixés à 825 millions d'euros, soit une diminution de 3, 6 %.

Au-delà de ce constat, qui traduit la participation importante de votre ministère à l'objectif affirmé et réel du Gouvernement de maîtrise des déficits publics, ambition que je soutiens totalement, je voudrais, monsieur le ministre, faire deux observations, m'associant par là même à l'analyse du président de la commission des finances.

Tout d'abord, à l'heure de la mise en place de la LOLF, conçue pour favoriser une présentation plus transparente des moyens budgétaires attribués aux différentes politiques gouvernementales et renforcer les moyens de contrôle et d'intervention du Parlement, il est regrettable de constater qu'il existe encore autant d'opacité dans ce projet de budget.

En effet, l'an dernier, au-delà des crédits budgétaires inscrits en loi de finances initiale à un niveau nettement insuffisant, le tour de table avait été bouclé, faute de mieux, en invitant les agences de l'eau les mieux dotées en trésorerie à verser une « participation exceptionnelle et volontaire ».

Cette année, et pour pallier une nouvelle fois l'insuffisance des crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2005, vous obtenez une rallonge de crédits en loi de finances rectificative pour 2004, qui seront immédiatement reportés en 2005, rallonge qui est d'ailleurs en partie gagée par des annulations de reports de crédits effectuées de 2003 sur 2004, ainsi que vous venez de le préciser.

Par ailleurs, vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous ne puissions nous satisfaire de ces procédés de court terme, qui rendent très difficiles les comparaisons d'une année sur l'autre, en ce qui concerne non seulement le montant des dotations initiales, mais également l'exécution des lois de finances.

Au-delà, et pour avoir examiné avec attention la progression très favorable du niveau de consommation des crédits, comme l'a d'ailleurs souligné la Cour des comptes et dont je me félicite, je note que, depuis 2002, les prévisions de paiement dépassent chaque année 1 milliard d'euros, ce qui confirme le caractère irréaliste de l'affichage de 800 millions ou 850 millions d'euros en loi de finances initiale. Il est donc essentiel de recalculer à la hausse la dotation budgétaire initiale du ministère, au risque de remettre gravement en cause la mise en oeuvre et l'efficacité des politiques environnementales du Gouvernement.

Mes questions, monsieur le ministre, porteront sur quatre points précis.

Premièrement, concernant la politique de l'eau, vous justifiez la diminution des crédits qui y sont affectés par la nécessité de mettre fin à des financements croisés entre l'Etat et les agences de l'eau, ce dont on ne peut que se féliciter.

Vous indiquez, en outre, que l'Etat se recentre sur sa mission de garant de la qualité de l'eau et des risques que cette dernière peut induire, en particulier les inondations.

Dès lors, pouvez-vous nous dire dans quels domaines et sous quelle forme les agences seront incitées à monter en puissance, pour quels montants financiers et avec quels moyens ? Y aura-t-il création d'une nouvelle redevance ?

Cela me conduit à vous interroger sur le futur projet de loi relatif à la politique de l'eau.

Pouvez-vous nous apporter des précisions sur le calendrier d'examen de ce texte, à commencer par son adoption en conseil des ministres, et nous donner quelques indications sur le dispositif d'aide à l'assainissement, autrefois géré par le FNDAE, le fonds national d'adduction d'eau potable, et qui serait désormais confié aux agences de l'eau ?

Je ne vous cache pas, monsieur le ministre, que beaucoup de mes collègues, tout en admettant la pertinence du périmètre hydrographique des agences, s'interrogent sur la réalité de la péréquation que ces dernières, notamment les moins riches d'entre elles, pourront effectivement mettre en oeuvre en faveur des petites communes rurales.

Deuxièmement, s'agissant de la prévention des risques technologiques et naturels, au-delà du renforcement des crédits budgétaires hors ADEME et des créations de postes au sein de l'inspection des installations classées, il convient également de mettre en oeuvre le dispositif issu de la loi du 30 juillet 2003 relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.

Cette loi introduit de nouvelles méthodologies intéressantes s'agissant de l'analyse des risques et des solutions à mettre en oeuvre, ainsi qu'une meilleure prise en compte des risques induits en matière d'urbanisme. Or, à ce jour, sur la trentaine de décrets d'application prévus pour l'ensemble de la loi, seuls deux ont été publiés.

Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour accélérer la parution de ces décrets et avez-vous identifié des difficultés particulières de nature à remettre en cause la rédaction de l'un ou l'autre de ces textes ?

Troisièmement, concernant la lutte contre les pollutions, je voudrais vous faire part, monsieur le ministre, de mes inquiétudes quant au financement de l'ADEME.

Certes, vous obtenez, en loi de finances rectificative pour 2004, 125 millions d'euros supplémentaires, qui seront reportés en totalité sur 2005, mais, globalement, les crédits d'intervention de l'ADEME diminueront malheureusement de 20 %.

Quels sont les arbitrages auxquels l'ADEME va devoir procéder pour ajuster ses politiques à une telle diminution de ses ressources, notamment à l'égard des collectivités territoriales, alors même que 2005 devrait constituer un « pic » en matière de paiements et que l'Agence a déjà consommé ses réserves ?

En outre, comment faut-il interpréter la révision à la baisse des autorisations de programme dans la loi de finances rectificative pour 2004 ? Existe-t-il, pour l'avenir, une volonté de réduire effectivement le champ d'intervention de l'agence et dans quels domaines ?

Quatrièmement, enfin, pour m'être intéressé à la prise en compte du développement durable dans le champ institutionnel et économique, je souhaite réaffirmer le caractère désormais incontournable de ce concept et je me félicite de constater qu'il est de plus en plus fréquemment pris en compte par les entreprises, notamment, bien entendu, par les plus importantes d'entre elles.

En juin dernier, le Parlement a longuement débattu de ce sujet lors de l'adoption de la Charte de l'environnement, en affirmant que la prise en compte du développement durable avait pour objet de concilier une politique ambitieuse de protection de l'environnement avec le développement économique et le progrès social. Je voudrais également souligner - vous le savez très bien, monsieur le ministre, vous qui êtes au coeur de ce débat - qu'à l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, ce concept occupe désormais tous les esprits.

S'agissant de la mise en oeuvre du principe de précaution tel qu'il est inscrit dans la Constitution à travers la Charte de l'environnement, pouvez-vous nous donner l'assurance que des textes législatifs viendront préciser les procédures de sa mise en oeuvre ?

Par ailleurs - et l'actualité le confirme - la question du changement climatique constitue un enjeu majeur du développement durable à l'échelle de la planète.

Vous allez participer, à Buenos-Aires, à des discussions difficiles sur l'après-Kyoto sur un objectif de réduction de moitié des émissions de CO2 d'ici à 2050. Or, pour y parvenir, dans une perspective de développement durable, c'est-à-dire sans casser la croissance, il convient, au-delà des plans européens adoptés pour limiter les émissions de CO2, de s'engager résolument dans une politique ambitieuse de recherche et de développement, en majorant fortement les crédits correspondants. De ce point de vue, j'observe que les Etats-Unis, s'ils refusent d'appliquer les mesures à court terme préconisées par Kyoto, s'inscrivent dans une perspective de moyen et long terme en augmentant de manière très importante leur effort de recherche.

Je voudrais, sur ce point précis, vous avouer ma profonde inquiétude. En effet, les Etats-Unis participent pour 37 % au budget de la recherche et du développement mondial. Le rapport de M. Kok, rédigé à la demande de la Commission, et qui se situe précisément à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne, est, à cet égard, édifiant. Voilà simplement deux ans, en 2002, les Etats-Unis ont dépensé, en matière de recherche et de développement, 38 % de crédits de plus que l'Union européenne !

Or cette situation ne saurait perdurer tant il me paraît évident que le développement ne peut se concrétiser qu'à travers un saut technologique.

Quels sont donc nos engagements en ce domaine au plan tant national que communautaire, et, là encore, la diminution des crédits de l'ADEME ne risque-t-elle pas de remettre en cause la politique de recherche qu'elle soutient et met en oeuvre, notamment en matière d'énergie et d'effet de serre ?

Monsieur le ministre, avant de prendre note des différentes réponses que vous nous apporterez, je tiens à vous dire que la commission des affaires économiques et du Plan a émis un avis favorable sur les crédits de votre ministère.

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