Intervention de Ambroise Dupont

Réunion du 10 décembre 2004 à 10h30
Loi de finances pour 2005 — Ecologie et développement durable

Photo de Ambroise DupontAmbroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles :

Monsieur le ministre, la discussion de votre budget me donne l'occasion de vous exprimer ma satisfaction sur quelques points, mais aussi de vous faire part d'un certain nombre d'interrogations.

Laissez-moi tout d'abord me réjouir que, dans un contexte budgétaire contraint, le niveau des crédits de votre ministère s'établisse à un peu plus de 825 millions d'euros, même si ce montant représente une réduction de 3, 6 % par rapport à 2004 et ne me paraît pas suffisant pour assumer les problèmes de demain.

A l'heure où les préoccupations environnementales prennent une place de plus en plus importante dans la vie de nos concitoyens, je regrette, bien entendu, cette réduction.

Je ne peux pas complètement me réjouir de la garantie que vous nous avez donnée d'abonder ces crédits d'une enveloppe supplémentaire de 160 millions d'euros hors gel, avez-vous déclaré, en loi de finances rectificative. Les chiffres sont magiques ; les nôtres étaient de 140 millions d'euros !

Si j'estime que ces fonds supplémentaires sont indispensables, en particulier pour soutenir les actions de l'ADEME, qui a été durement traitée en loi de finances initiale, j'aurais bien évidemment souhaité que cette agence bénéficie de financements plus pérennes.

Vous reconnaîtrez qu'à l'heure où la réforme de la loi de finances doit permettre d'améliorer la lisibilité et la transparence de l'action gouvernementale, en mettant à la disposition des parlementaires des outils de suivi et d'évaluation des politiques ministérielles, la méthode est regrettable.

Après ces remarques préalables, j'en viens aux motifs de satisfaction.

Je ne peux, tout d'abord, que me réjouir du sort réservé dans votre budget au réseau des réserves naturelles.

La politique du patrimoine naturel est, vous le savez, un sujet qui me tient particulièrement à coeur. Je vous avais fait part, à mon retour d'un déplacement dans les réserves naturelles de la Petite Camargue alsacienne et du ballon des Vosges, en juin dernier, de la situation inextricable dans laquelle le gel des crédits d'investissement, en 2003 et en 2004, avait placé les gestionnaires de ces réserves.

Face à l'engagement total de ces hommes, mobilisés quotidiennement sur le terrain pour sensibiliser les élus, les populations et l'ensemble des acteurs locaux à la nécessité de préserver la nature, j'estimais que le ministère devait leur donner les moyens d'accomplir leurs missions dans des conditions financières soutenables.

L'augmentation de leurs subventions tant de fonctionnement que d'investissement, qui croissent respectivement de 8 % et 50 % dans le projet que vous nous présentez, est satisfaisante.

Néanmoins, j'attire dès à présent votre attention sur le fait qu'il est indispensable que ces crédits supplémentaires servent en priorité aux réserves qui connaissent les plus grandes difficultés.

Vous est-il possible, monsieur le ministre, de donner cette garantie aux gestionnaires des réserves qui en ont le plus besoin ?

Si les parcs nationaux et le Conservatoire du littoral ne bénéficient pas de la même augmentation en loi de finances initiale, je pense que l'examen, en 2005, du projet de loi sur les parcs nationaux sera l'occasion de réévaluer les besoins nécessaires à leur gestion.

Quant au Conservatoire du littoral, quelles dispositions le ministère pourra-t-il prendre en 2005 pour soutenir sa politique d'acquisition, si le besoin se présentait ?

L'engagement du ministère de consacrer, en 2005, 75, 6 millions d'euros à la mise en oeuvre de la stratégie nationale pour la biodiversité me semble également aller dans le bon sens.

Cette mise en oeuvre, qui passe par la mobilisation générale de l'ensemble des acteurs publics et privés via les « plans d'actions » engagés et approuvés par les services déconcentrés, en liaison avec les acteurs de terrain, mais également via l'élaboration concertée, site par site, des documents de planification dans le cadre du réseau Natura 2000, me paraît un bon exemple de ce que doit être le coeur de votre mission.

La réussite de la stratégie nationale dépend en effet, aujourd'hui, de l'efficacité que sauront déployer vos services pour inciter les acteurs locaux à adopter des comportements écologiques, à animer la mise en oeuvre des documents de gestion et à coordonner sur le terrain l'ensemble des initiatives.

Animer, coordonner, soutenir, donner des impulsions, telles doivent être, à mon sens, les missions essentielles de votre ministère. C'est d'ailleurs en ce sens qu'ont déjà été redéfinis les contours de certaines politiques, en particulier dans le domaine de l'eau, qui a été largement évoqué.

Le « décroisement des financements » entre l'Etat et les agences de l'eau s'accompagne en effet, aujourd'hui, d'un redécoupage des missions visant à mettre entièrement à la charge des services de l'Etat les actions liées à la connaissance des milieux et à l'observation - qui recouvrent l'hydrométrie, la piézométrie et la qualité des eaux de surface - au détriment de la gestion des subventions d'investissements allouées aux collectivités territoriales et des actions structurantes locales, confiées aux agences de l'eau. Il me semble que ce double mouvement mérite d'être poursuivi.

Concernant la lutte contre les inondations, domaine que je connais bien, je voulais également vous féliciter d'avoir reconduit, en 2005, la tranche de 20 millions d'euros consacrés en 2004 à la mise en oeuvre du plan Loire et annoncé qu'une stratégie globale devait être lancée dans l'année concernant deux autres grands fleuves français, la Seine et le Rhône.

Par ailleurs, les crédits inscrits dans votre budget pour la prévention des risques naturels semblent être à la hauteur de votre ambition de doter, à l'horizon 2005, les 5 000 communes les plus exposées aux inondations, d'un plan de prévention des risques naturels.

Néanmoins, je voudrais attirer votre attention sur le sort des 6 000 communes qui ont entamé les démarches afin de se doter de ce document, et dans lesquelles il est prescrit, mais pas approuvé.

Beaucoup d'élus se trouvent de ce fait dans des positions inextricables, contraints de stopper les projets de développement en cours, dans l'attente de l'approbation du nouveau plan, mais sans avoir de garanties sur l'échéance.

Est-il possible d'alerter les services déconcentrés de votre ministère afin qu'ils soient particulièrement mobilisés sur l'achèvement des procédures en cours ?

Après vous avoir félicité, monsieur le ministre, je dois maintenant me faire le relais d'un certain nombre de craintes auxquelles, j'en suis certain, vous saurez être sensible.

La fragilisation de la structure financière de l'ADEME ne manque pas de susciter des inquiétudes, particulièrement quand on sait que certaines politiques seront spécialement touchées. Je pense, vous l'aurez compris, à la politique des déchets, dont les crédits connaissent, en 2005, une nouvelle baisse drastique de 71 %.

Face à l'accroissement important des tonnages de déchets ménagers, les élus ont le sentiment qu'on leur impose toujours plus d'obligations - en termes de tri sélectif et d'incinération - sans leur donner les moyens de s'en acquitter.

Pensez-vous qu'il soit envisageable de mettre à profit la possibilité qu'offre, en 2005, la décision d'expérimenter sur l'ADEME la méthode de fongibilité des crédits pour réévaluer les moyens consacrés à cette action ?

La présentation de la nouvelle maquette budgétaire a suscité des interrogations - dont je m'étais déjà fait l'écho l'année dernière - s'agissant du regroupement dans un même programme des « actions de politiques » relevant du patrimoine naturel et de l'eau.

Je crains que le relatif désengagement de l'Etat dans le domaine de l'eau ne se transforme en abandon, faute de l'identification d'un véritable budget opérationnel de programme dédié à cette politique. La loi sur l'eau, nous l'avons dit, devient nécessaire.

Avant de conclure, monsieur le ministre, je tiens à saluer le travail fourni par vos services pour préparer l'élaboration des objectifs et les indicateurs qui devraient permettre au Parlement de mesurer la performance des actions de votre ministère.

Tels qu'ils ont été présentés dans l'avant-projet, les intitulés des objectifs ne sont pas exempts de critiques. Ils devraient pouvoir être encore précisés, même si leur transmission rapide et suffisamment en amont a prouvé que des efforts avaient déjà été déployés pour respecter les engagements pris.

Monsieur le ministre, ces jours-ci, se tiennent les travaux de la conférence de Buenos Aires. Le constat scientifique est de plus en plus alarmant.

Il me semble aujourd'hui plus nécessaire que jamais de mener une politique forte et volontariste de défense de notre planète : votre ministère doit devenir un véritable partenaire des autres ministères pour mettre en oeuvre des actions qui intègrent ces grands problèmes, et pas seulement des mesures, certes nécessaires, mais parfois trop ponctuelles. Le Président de la République l'a dit avec beaucoup de force. Je suis sûr que les orientations de votre ministère, que vous avez tracées devant nous, permettront à chacun d'en prendre conscience.

Pour toutes ces raisons, la commission des affaires culturelles a émis un avis favorable sur le vote des crédits de votre ministère.

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