Intervention de Serge Lepeltier

Réunion du 10 décembre 2004 à 10h30
Loi de finances pour 2005 — Ecologie et développement durable

Serge Lepeltier, ministre :

Je vais répondre aux rapporteurs pour avis, MM. Jean Bizet et Ambroise Dupont, en reprenant l'ordre de mes cinq grands thèmes d'action pour l'année 2005.

Je commencerai par la lutte contre le changement climatique.

Sur ce thème majeur, l'ADEME est le principal relais de mon ministère. Comme M. Jean Bizet, je me suis inquiété de ses moyens d'intervention et de leur pérennité. L'agence est dans une situation difficile. Elle doit faire face aujourd'hui à des engagements pris entre 2000 et 2002 en autorisations de programme et qui n'étaient pas couverts par des crédits de paiements, pour un montant de plus de 300 millions d'euros.

En conséquence, en 2005, sa dotation de crédits passe à 162 millions d'euros, avec la loi de finances rectificative, contre 71 millions d'euros, dans la loi de finances initiale de 2004. L'agence restera donc en mesure de respecter les engagements pluriannuels qu'elle a conclus avec ses nombreux partenaires, en particulier avec les conseils généraux et avec les conseils régionaux. II faudra maintenir cet effort dans les années à venir.

Par ailleurs, en lui ouvrant 202 millions d'euros d'autorisations de programme en 2005, contre 167 millions d'euros en 2004, le Gouvernement s'engage aussi pour les prochaines années.

Monsieur Bizet, sachez que le Gouvernement s'est résolument engagé dans la voie de la recherche et développement en matière d'énergies renouvelables et de nouvelles technologies plus respectueuses de l'environnement.

La réponse à long terme au problème du changement climatique et au défi énergétique passe, bien sûr, par la recherche et le développement. Je puis vous dire que le Gouvernement a d'ores et déjà lancé des actions concrètes.

D'abord, en matière de recherche sur les véhicules propres, c'est-à-dire les véhicules électriques, hybrides ou à hydrogène, 40 millions d'euros ont été débloqués pour augmenter les crédits de recherche du programme européen pour la recherche, le développement et l'innovation dans les transports terrestres, le PREDIT, et du réseau pile à combustible, sur 2004 et 2005.

Ensuite, en matière d'habitat, le Gouvernement a mis en place une fondation « bâtiment énergie », dotée de 8 millions d'euros, dont l'objectif est de faire des progrès conséquents en matière de performance énergétique des bâtiments.

Tout cela s'ajoute, bien évidemment, aux actions déjà menées par l'ADEME en matière d'aide au développement des énergies renouvelables. J'ai déjà évoqué le développement des biocarburants.

J'en viens au deuxième thème de mon action : la préservation de la biodiversité

M. Ambroise Dupont s'interroge sur la destination des crédits supplémentaires attribués aux réserves naturelles. Je souhaite d'abord rappeler que les réserves naturelles nationales, avec les réserves régionales, ont vocation à protéger les éléments remarquables du patrimoine naturel. Elles doivent constituer, à terme, un réseau représentatif des différents milieux naturels qui hébergent la plupart des espèces menacées en France.

Il existe aujourd'hui cent cinquante-quatre réserves naturelles nationales qui couvrent environ 541 000 hectares. Les subventions seront affectées en priorité à la gestion écologique de ces espaces. Plus de sept cents agents sont mobilisés pour surveiller, étudier et préserver les milieux naturels. Ils ont aussi une mission d'information du public.

J'ai souhaité renforcer les moyens des réserves existantes et aider à la création de nouvelles réserves. La contribution de mon ministère passera de 11, 7 millions d'euros à 13, 3 millions d'euros entre 2004 et 2005. J'ai demandé que cet effort s'accompagne, en contrepartie, d'un effort de rigueur de gestion.

Enfin, en 2005, les conseils régionaux et l'assemblée territoriale de Corse pourront aussi créer des réserves naturelles. Le réseau s'en trouvera ainsi conforté.

Monsieur Dupont, vous m'avez également fait part de vos interrogations sur la politique d'acquisition à venir du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres.

Vous savez à quel point l'Etat tient à cet outil, essentiel pour sa politique de protection de nos côtes. Le Président de la République lui voue un attachement tout particulier. Il ne manquera pas de le rappeler lors du trentième anniversaire du Conservatoire, en 2005.

Le Conservatoire est propriétaire de 70 000 hectares, ce qui correspond à 10 % du linéaire côtier métropolitain. Sa mission doit se poursuivre avec détermination pour atteindre l'objectif de protéger le tiers du linéaire total.

Pour cela, et malgré les contraintes budgétaires, les moyens du Conservatoire sont maintenus pour 2005, grâce à l'inscription de 8 millions d'euros en loi de finances rectificative, décidée à l'occasion du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, le CIADT, du 14 septembre dernier.

A cette disposition favorable, s'ajoutent les autres décisions du CIADT qui prévoient : de faire bénéficier du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée les collectivités territoriales qui financent des travaux sur les terrains du Conservatoire ; de mettre à l'étude la création d'une ressource pérenne, afin d'alimenter le budget du Conservatoire - par exemple une taxe sur les nouvelles infrastructures, mais aucune décision n'est encore prise - ; enfin, de réserver 1, 2 million d'euros du fonds national d'aide au développement du territoire pour des aménagements menés par le Conservatoire sur cinq sites, dont les mangroves de Mayotte.

S'agissant maintenant de la politique de l'eau, M. Jean Bizet s'est interrogé sur les « décroisements » financiers entre l'Etat et les agences de l'eau et sur la solidarité vis-à-vis des communes rurales, au-delà de la suppression du FNDAE.

Il me semble important de rappeler ici les quatre grands objectifs de mon ministère en la matière, objectifs qui structurent le projet de loi sur l'eau.

D'abord, nous voulons atteindre en 2015 le bon état écologique de l'eau, conformément à la directive-cadre sur l'eau.

Ensuite, nous voulons adapter les services publics d'eau potable et d'assainissement pour parvenir à une plus grande transparence vis-à-vis des usagers, pour améliorer leur financement en matière aussi bien d'investissements lourds que d'assainissement non collectif, pour atteindre l'efficacité environnementale.

Par ailleurs, nous voulons lutter contre les pollutions diffuses par des plans d'action dans les aires de captage d'eau potable, par l'affectation aux agences de l'eau de la taxe générale sur les activités polluantes phytosanitaires, par le contrôle technique des pulvérisateurs et la traçabilité des produits, ainsi que par le maintien de la redevance « nitrates » sur les élevages.

Nous voulons enfin renforcer la gestion locale, notamment dans le cadre des schémas départementaux d'aménagement et de gestion des eaux.

L'un des objets de la future loi sur l'eau sera de mettre fin dès 2005 aux financements croisés, qui sont complexes, entre l'Etat et les agences de l'eau. C'est ce qui explique que les crédits consacrés à l'eau passent de 112, 7 millions à 100, 4 millions d'euros. Ces « décroisements » financiers sont évalués à 20 millions d'euros pour 2005. Ils portent essentiellement sur des travaux de restauration et d'aménagement des cours d'eau, vocation première des agences de l'eau.

Par ailleurs, il convient de rappeler que le fonds national de développement des adductions d'eau, le FNDAE, permet de financer, en particulier dans les petites communes, des travaux d'équipement d'eau potable et d'assainissement. Il représente environ 75 millions d'euros par an. A la demande du ministère de l'agriculture, il a été supprimé dans les comptes de l'Etat, pour l'année 2005, en recettes et en dépenses. Son transfert aux agences de l'eau est prévu, mais, je l'ai dit devant la commission, je suis ouvert au débat sur les modalités de ce transfert.

Ce qui m'importe, c'est que sa fonction de solidarité entre les communes urbaines et les communes rurales soit assurée, et même renforcée. Le projet de loi sur l'eau contiendra des propositions sur ce sujet. D'ores et déjà, nous avons demandé aux agences de l'eau de prendre en compte dans leur mission une plus grande solidarité avec les petites communes.

S'agissant de la prévention des risques et de la lutte contre les pollutions, M. Jean Bizet a posé une question sur la publication des décrets d'application de la loi « risques » du 30 juillet 2003.

Tout comme lui, et compte tenu des enjeux, je suis très attentif à la mise en oeuvre rapide et concrète des dispositions de cette loi, mise en oeuvre qui passe par l'adoption de nombreux décrets. En effet, sur les quatre-vingt-quatre articles qu'elle compte, cinquante-quatre appellent des dispositions réglementaires. Le sujet est d'autant plus complexe, vous le savez, que certaines mesures sont innovantes : je citerai à titre d'exemple la création des commissions locales d'information et de concertation, l'adoption de plans de prévention des risques technologiques, la nouvelle organisation de la prévision des crues, ou encore les obligations d'information des acquéreurs et locataires de biens en zones à risques.

J'ai le plaisir de vous informer que les efforts réalisés par mes services - et je salue leur ténacité, car la tâche n'était pas simple - vont aboutir, puisque sept décrets vont être publiés prochainement, concernant notamment les plans de prévention des risques technologiques, l'information des acquéreurs, ou encore le fonds de prévention des risques naturels majeurs. En outre, dix-huit décrets portant aussi bien sur les risques industriels que sur les risques naturels seront publiés en 2005.

A force de travail de concertation avec les autres ministères concernés, avec les collectivités territoriales et avec les citoyens eux-mêmes, cette loi va prendre toute son ampleur dans les faits.

A propos, maintenant, des plans de prévention des risques naturels, les PPRN, M. Ambroise Dupont m'a interrogé sur les 6 000 communes où ces plans ne sont pas approuvés et sur la mobilisation des services de l'Etat pour les faire valider.

Monsieur le sénateur, vous avez raison : effectivement, 6 000 communes environ sont concernées par un plan de prévention des risques naturels prescrit mais non approuvé et, pour certaines, cette situation dure depuis plusieurs années. Le système de franchise d'assurance, en particulier, a incité à des prescriptions en grand nombre.

Le rythme d'approbation des plans de prévention des risques naturels est soutenu. Au début de l'automne, 4 374 communes étaient couvertes par un PPRN approuvé, ce qui nous rapproche de l'objectif initial de 5 000 qui avait été fixé pour la fin de 2005.

Il est très difficile pour l'administration, vous le comprenez, de faire face immédiatement à un tel accroissement de la demande. Dans l'attente, les préfets des départements du sud-est ont été invités à une meilleure maîtrise de l'urbanisation en zone inondable. Tous les préfets ont été également invités à une programmation plus rigoureuse et mieux hiérarchisée de l'instruction des plans de prévention.

Ces instructions seront confirmées et précisées en 2005. Une accélération du rythme d'approbation des plans de prévention devrait être rendue possible par une mobilisation accrue des services ; elle ne doit toutefois pas se faire au détriment de la concertation.

J'en viens enfin à la question de M. Ambroise Dupont sur les crédits dédiés à la politique des déchets. Il convient d'abord de rappeler que le coût du traitement des déchets a doublé depuis une dizaine d'années, passant de 75 à 150 euros la tonne. Cette hausse correspond à de réelles améliorations dans le fonctionnement du service public des déchets, notamment avec la modernisation de la collecte, qui s'accompagne de meilleures conditions de travail, et la meilleure maîtrise du traitement, avec la mise à niveau des centres de stockage de déchets et des usines d'incinération.

Vous le savez, les résultats sont très concrets puisque, en sept ans, les émissions de dioxine ont été divisées par dix en France et qu'une nouvelle division par cinq est prévue d'ici à 2006 : elles sont passées de 1 000 grammes par an à 100 grammes actuellement, et elles atteindront 20 grammes d'ici à 2006.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion