Intervention de Paul Raoult

Réunion du 10 décembre 2004 à 10h30
Loi de finances pour 2005 — Ecologie et développement durable

Photo de Paul RaoultPaul Raoult :

Monsieur le ministre, m'exprimant au nom du groupe socialiste, je dois vous dire que je suis extrêmement déçu par le budget que vous nous présentez aujourd'hui.

Au-delà des artifices de présentation, on voit bien qu'il s'agit d'un budget fortement en baisse, de 3 % à 4 %. Au nom de l'austérité budgétaire, Bercy vous a imposé, malgré votre bonne volonté personnelle - dont je ne doute pas - une « cure d'amaigrissement » qui est en contradiction avec les propos tenus à Johannesburg par le président de la République sur la nécessité absolue de prendre en compte les problèmes environnementaux. Manifestement, ce n'est pas une priorité de votre Gouvernement, et je trouve cela extrêmement dommage.

Mon premier souhait, monsieur le ministre, est qu'à l'avenir vous nous présentiez un budget plus lisible : dans votre propre camp politique, certains ont même pu parler d'absence de sincérité budgétaire. J'avoue que j'ai eu bien du mal à m'y retrouver dans le maquis des chiffres ! Les modifications apportées chaque année à la présentation du budget nuisent à la bonne lisibilité de sa progression et ne permettent pas de suivre la continuité des politiques budgétaires engagées d'une année sur l'autre.

Entre les crédits reportés, gelés puis reportés à nouveau - les concours exceptionnels des agences de l'eau, par exemple -, le décroisement des crédits entre l'Etat et l'Agence, ou encore la disparition du Fonds national pour le développement des adductions d'eau, dont les missions sont transférées aux agences de l'eau, c'est un budget confus qui nous est présenté et qui donne le sentiment que l'on a voulu nous cacher des baisses de crédit.

Par conséquent, je souhaite que soit fixé, à l'avenir, un cadre budgétaire fixe, intangible, permettant aux parlementaires que nous sommes de comprendre et d'interpréter votre budget correctement et objectivement.

J'exprimerai ce matin deux inquiétudes fortes.

La première concerne la politique de gestion des espaces naturels, qui regroupent les parcs naturels régionaux, les sites Natura 2000 et les conservatoires d'espaces naturels.

Je souhaiterais qu'une ligne spécifique, par exemple pour les parcs naturels régionaux, permette de suivre l'évolution des crédits qui nous sont accordés d'une année sur l'autre. En effet, l'actuelle façon de procéder nous rend aujourd'hui tributaires des relations existantes entre le secrétariat général aux affaires régionale, le SGAR, les directions régionales de l'environnement, les DIREN, les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, les DRIRE, et les Parcs.

A priori, ces crédits seraient en progression - si c'est le cas, je m'en réjouis -, mais je constate un décalage croissant entre les autorisations de programme, qui sont en augmentation, et les crédits de paiement, qui ne suivent pas. De fait, on nous pousse à voter de nouveaux engagements de programme, alors que les crédits de paiement engagés depuis plusieurs années ne sont pas encore débloqués. Nos parcs naturels régionaux sont fragilisés par ces retards et l'engagement des actions prévues risque d'être différé.

Par conséquent, je demande que soient payés en priorité les engagements de programme des années écoulées. Et j'espère que d'autres régulations budgétaires ne viendront pas déstabiliser en cours d'année les crédits de fonctionnement affectés aux parcs, à Natura 2000 ou aux conservatoires.

Monsieur le ministre, vous avez pu vous rendre compte, à l'occasion des Journées nationales des parcs naturels régionaux en Guyane, de la grande importance de ces parcs - au nombre de quarante-quatre dans notre pays - dans la politique d'aménagement du territoire.

Quant à Natura 2000, après une période de mise en place difficile, les esprits se sont calmés et les attentes, sur le plan financier, sont très fortes pour mettre concrètement en oeuvre cette politique nécessaire à la préservation de la biodiversité dans notre pays.

Ma seconde inquiétude pour l'avenir concerne la politique de l'eau dans notre pays.

Alors que la France est mise au banc des accusés par l'Europe, alors qu'elle est en retard dans l'amélioration de son bilan écologique, on a le sentiment que l'Etat se désengage pour les différentes actions liées à l'eau et, au surplus, que les redevances, taxes et impôts divers qui s'appuient sur la consommation d'eau potable deviennent insidieusement un moyen de prélever des ressources fiscales destinées à combler le déficit budgétaire de l'Etat et des organismes para-étatiques, en particulier l'ADEME et le Conseil supérieur de la pêche. On veut nous faire croire que ces transferts de crédits des agences de l'eau vers ces deux institutions sont liés à la résolution de problèmes liés à l'eau. En réalité, on résout des difficultés par des expédients !

Il faut véritablement que le Gouvernement trouve à l'avenir des ressources pérennes stables pour l'ADEME et pour le Conseil supérieur de la pêche.

Par ailleurs, la suppression du FNDAE est aussi un moyen pour l'Etat de se désengager, au détriment des agences de l'eau, qui connaîtront, pour certaines, des difficultés budgétaires.

Je peux convenir que le fonctionnement du FNDAE n'était pas tout à fait satisfaisant, du fait de la lenteur de la consommation des crédits. Cela dit, dans le domaine de la politique de l'eau, il y a structurellement un très grand décalage entre la décision et sa mise en oeuvre. La preuve en est que le fonds de roulement de certaines agences de l'eau est souvent trop important.

Monsieur le ministre, si la disparition du FNDAE est effective, il nous faudra être extrêmement vigilants à l'égard des agences de l'eau et vérifier qu'elles appliquent bien le principe de solidarité entre le monde rural et le monde urbain.

En tant que vice-président du conseil d'administration de l'agence de l'eau Artois-Picardie, je peux vous dire que la pression par rapport à la demande urbaine est extrêmement forte et qu'il est parfois difficile de mettre en oeuvre la solidarité entre les territoires. Il faudra donc s'assurer de la pérennité des crédits en faveur du monde rural après la disparition du FNDAE.

J'espère, monsieur le ministre, que vous autoriserez les agences de l'eau à procéder à une augmentation des redevances, conséquence inévitable d'un tel transfert de charges. En d'autres termes, le dispositif sera financé non plus par des recettes fiscales, mais par une contribution supplémentaire supportée par le consommateur d'eau, c'est-à-dire l'usager.

De plus, les agences de l'eau devront prendre en compte non seulement le transfert de la charge du FNDAE, mais également le passif des décisions prises par le fonds, c'est-à-dire les arrêtés de subvention pris au cours des années précédentes.

Dans ce domaine, nous devons vraiment redoubler de vigilance pour nous assurer, je le répète, que le monde rural reçoive la part qui lui revient.

A ce propos, je voudrais aussi, monsieur le ministre, vous sensibiliser à la difficulté de mise en oeuvre des SPANC, les services publics d'assainissement non collectif, qui doivent permettre de faire face aux problèmes rencontrés en la matière. En effet, les coûts réels sont difficiles à évaluer et les propriétaires de maison individuelle sont encore peu sensibilisés à la nécessité de subir des contrôles répétés et payants. Sur ce point également, des moyens financiers devront être dégagés, selon des procédures simples et efficaces, pour résoudre ce problème particulièrement ardu en milieu rural.

En conclusion, monsieur le ministre, en raison d'un manque de crédits sur des enjeux environnementaux forts, le groupe socialiste ne votera pas votre budget, malgré les quelques éléments positifs qu'il contient.

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