Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 10 décembre 2004 à 10h30
Loi de finances pour 2005 — Ecologie et développement durable

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

La procédure des questions suivies d'une réponse immédiate du ministre est censée permettre une plus grande interactivité de nos échanges.

Par conséquent, monsieur le ministre, je ne vous interrogerai pas sur le montant des crédits de votre budget. Je serais cependant en droit de souligner, comme d'autres avant moi, que ce projet de budget prévoit une diminution ou une stagnation - tout dépend du point de vue adopté ! - des crédits affectés à votre ministère. Vous me répondriez que ces crédits seront consommés, ce qui n'était pas le cas auparavant. Ce serait donc un match nul stérile.

Je préfère donc m'attacher aux propos que vous avez tenus en répondant à M. le président de la commission des finances. Vous avez en effet affiché l'ambition que la France soit « armée » pour affronter les défis planétaires. Ici, chacun, quel que soit le groupe politique auquel il appartient, partage cette ambition.

MM. les rapporteurs ont fait référence à la convention des Nations unies qui se tient depuis lundi à Buenos Aires et dont l'un des enjeux cruciaux est de clarifier les mécanismes nécessaires à la lutte contre les variations climatiques et leurs conséquences. Les pays participant à cette convention sont déjà dans « l'après-Kyoto », alors que le protocole de Kyoto n'entrera en vigueur en France qu'en 2005.

Après un premier raté, la France a adopté le PNAQ, le plan national d'allocations de quotas, qui devrait permettre à une dizaine de secteurs industriels et de producteurs d'énergie, qui figurent parmi les plus polluants et qui sont responsables d'un quart des émissions totales de gaz à effet de serre, de réguler ces dernières à partir du 1er janvier 2005.

Ce plan qui, à mes yeux, n'est pas très ambitieux, semble avoir été conçu à partir d'une hypothèse de croissance durablement faible. Si l'activité économique reprenait, il ne serait probablement pas réalisable.

Je prendrai l'exemple de deux secteurs, le verre et la cimenterie, qui sont soumis actuellement à une très forte demande. D'ores et déjà, il est clair qu'ils ne pourront pas respecter les quotas, ce qui pose le problème de l'efficacité du PNAQ et de ses vertus incitatives.

De façon plus générale, si l'allocation de quotas est trop généreuse - et je pense qu'elle l'a été -, nous connaîtrons les mêmes difficultés que celles que nous avions connues dans le cadre de simples accords volontaires.

Par ailleurs, ce dispositif ne concerne qu'un quart des émissions nationales puisqu'il exclut les secteurs du transport et du logement.

Les mécanismes de marché introduits par le système des quotas ont la vertu de mobiliser des capacités financières en provenance du secteur privé. Cependant, ce système n'exonère pas la France de mener une politique volontariste et efficace en matière de maîtrise de l'énergie et de réduction des émissions.

C'est sur ce point que j'attends une réponse de votre part, monsieur le ministre, bien que je sache que la tâche du ministre de l'environnement n'est pas forcément facile. Vous n'êtes, hélas, pas tout seul !

La fiscalité et les mécanismes incitatifs ou dissuasifs peuvent toutefois orienter des politiques vertueuses dans ce domaine. Or les différents gouvernements de M. Raffarin semblent avoir renoncé à toute réforme fiscale. Le budget du ministère a été réduit, en particulier les crédits affectés à l'ADEME et à tous les organismes qui concourent à la politique environnementale, dans le domaine, notamment, des transports collectifs et de la recherche.

On a vraiment l'impression, je le dis sans esprit polémique, que la vigilance du MEDEF fait toujours pencher les arbitrages de Matignon en votre défaveur, monsieur le ministre.

Je conseille donc aux représentants du patronat de lire le rapport du Conseil d'analyse économique rédigé par MM. Bureau et Mougeot, intitulé Politiques environnementales et compétitivité, qui a été remis au Premier ministre le 30 novembre dernier. En effet, il y est bien démontré qu'une politique environnementale incitative ou contraignante en faveur de l'environnement n'obère absolument pas la compétitivité.

A cet égard, permettez-moi de citer l'exemple du gouvernement de Tony Blair - je le fais de temps en temps et je sais que personne ne m'en fera le reproche ! -, qui a su prendre des mesures variées et intelligentes.

A partir du moment où les arbitrages vous sont défavorables, monsieur le ministre, que vous reste-t-il ? Un discours général sur le développement durable, que chacun partage ; une protection juridique, à savoir la Charte de l'environnement ; et, enfin, l'amélioration des comportements individuels.

A ce sujet, j'ai bien entendu les propos de Mme Pappalardo, la présidente de l'ADEME, selon lesquels le Gouvernement mise sur un relèvement durable des prix du pétrole pour faire prendre conscience à nos concitoyens qu'il est temps d'agir. Effectivement, il faudra mener une telle bataille auprès de l'opinion en soulevant la question du prix de l'énergie, pour préparer notre pays à son inexorable augmentation et, donc, à la répartition des coûts en fonction des niveaux de pollution et de leur acceptabilité sociale.

Monsieur le ministre, vous avez déclaré récemment, dans un grand journal du matin, que « les produits polluants doivent être plus chers que les non polluants » et que vous n'aviez pas renoncé à ouvrir la grande question de la fiscalité et des instruments nécessaires pour que l'augmentation des coûts pèse le moins possible sur l'économie et la compétitivité. Pensez-vous sincèrement être dans la capacité de le faire, au moment où la conjoncture économique pèse sur la croissance ?

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